Andy M. 15/05/2025

La clinique psychiatrique, son cocon

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À 18 ans, Andy est admis en hôpital psychiatrique suite à un épisode dépressif. Il y trouve un refuge fait d'écoute et de solidarité.

Lors du premier confinement, j’étais devenu ingérable. Complètement perdu. À tel point que j’ai passé trois semaines en clinique psychiatrique. L’une des expériences les plus fortes de ma vie.

J’étais en dépression. J’étais convaincu que je n’avais pas besoin d’aller voir un psychologue. Ni besoin d’aide. Ma famille avait très peur pour moi. Une nuit, j’étais complètement saoul et j’ai fugué chez un ami après m’être scarifié. Le lendemain, ma mère m’a proposé de me placer en clinique psychiatrique. Je n’ai pas pu refuser en entendant sa voix terrifiée. J’avais honte de tout mon être. J’avais honte d’être triste. Honte d’inquiéter autant mes proches. Honte d’exister.

« Je me suis attaché aux gens de la clinique »

Je n’avais pas d’appréhension particulière sur l’hôpital psychiatrique. Mon seul but était de soulager ma famille. Les premier jours, je restais dans ma chambre. Le temps pour moi de m’acclimater. Les infirmières, adorables, m’ont forcé à prendre l’air. J’allais dans le jardin pour lire et écouter de la musique.

Ensuite, j’ai fait connaissance avec le groupe de patients. Très vite, je me suis mis à passer tout mon temps avec eux. Le soir, après la prise de médicaments, on se réunissait tous autour d’une table pour faire des petits jeux. Je me suis beaucoup attaché aux gens de la clinique. Une chose nous unissait : notre détresse.

J’ai eu les conversations les plus décomplexées de ma vie. Lors de ma première soirée, une amie n’arrêtait pas de parler de la pesée et du fait qu’elle devait se gaver de laxatif. Elle nous disait que c’était pour se « vider le plus possible ». Un autre patient de mon âge nous a appris, avec une nonchalance légendaire, qu’il s’était prostitué pendant une période. Aucun jugement, aucune honte, pas de réaction particulière. C’était comme un cocon dans lequel j’ai pris une pause, à l’écart de tout.

Le droit d’être soi-même

Le panel de personnes très variées et pourtant toutes en souffrance m’a fait prendre conscience que n’importe qui peut basculer du mauvais côté. Qu’il suffit d’une semaine ou même d’une journée un peu compliquée pour se perdre et ne plus arriver à se retrouver.

Je leur ai parlé de la tristesse que j’avais en moi, de la profonde honte qui m’accablait, des scarifications, physiques comme psychiques, que je m’infligeais. Peu importe le sujet abordé, l’ambiance des conversations ne changeait pas. Impossible de jeter un froid. L’écoute était totalement bienveillante et compréhensive. Ils m’ont offert une grande leçon de vie. Avec eux, j’avais le droit d’être perdu, d’avoir peur ou d’être triste.

Je n’étais pas guéri pour autant. Quand je suis rentré chez moi, la rupture a été brutale. Avant l’hospitalisation, j’avais caché une lame de rasoir dans ma chambre. Dès mon premier jour de sortie, je suis allé m’isoler, loin de la maison. Sur le chemin, je parlais tout seul. Je m’excusais en boucle auprès de ma mère pour ce que je m’apprêtais à faire. Puis, je me suis scarifié.

En rentrant, j’ai fait pleurer ma mère et nous sommes allés aux urgences. Le psychiatre m’a averti : la prochaine fois, il m’enverrait à nouveau en hôpital psychiatrique.

À l’époque, la scarification était mon exutoire. C’était une manière de reprendre le contrôle, d’arrêter de subir et d’être un peu acteur de ma souffrance. Aujourd’hui, ça commence à aller mieux. Il fut un temps, c’était complètement impensable.

Andy, 23 ans, en recherche d’emploi, Vigneux-sur-Seine

Crédit photo Pexels // CC Ron Lach

 

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