« On se tirait vers le bas »
On était un groupe de six amis. Cinq filles et un garçon. Tous du même âge. On était tout le temps ensemble dehors. On se voyait dans le parc de chez nous. On y passait nos journées et nos nuits à traîner. On ne faisait pas grand-chose, mais on trouvait toujours le moyen de s’amuser. On tuait le temps. On avait une idée, on la faisait…
T’en avais toujours un qui te disait : « Viens on fait ça, c’est pas grave. » Et vu qu’on était un groupe, on se suivait tous mutuellement. C’était des petits défis débiles comme : « Tiens va voler ça là-bas. » Je trouvais ça drôle. Je n’y voyais aucun mal. Je me sentais bien avec eux.
On s’est tous rencontrés à cause d’un ami en commun, fin seconde. Trois étaient dans mon lycée, les autres non. On habite à cinq minutes les uns des autres. Dans la même ville, mais pas dans les mêmes rues.
On avait tous des parents « pas stricts ». Les miens me faisaient confiance. Ils me laissaient profiter sans trop me poser de questions. En semaine, je ne pouvais quand même pas sortir comme je voulais. Je rentrais à 21 heures.
Le week-end par contre, je n’avais pas d’heure limite. Alors je sortais à n’importe quelle heure. Un jour, mon père m’a quand même dit : « Tu crois que c’est l’hôtel ici ? » Parce que je rentrais juste pour dormir. Je ne mangeais même plus à la maison.
« On fumait tous ensemble »
Pendant un an, je voyais tout le temps mes amis fumer. Ça ne me dérangeait pas particulièrement, mais je me disais : « Non, je ne ferai jamais ça. » On m’avait informée des dangers. À force de les voir, j’ai banalisé. J’ai trouvé ça normal.
Alors quand cette fois-là, en soirée, on m’a proposé, j’ai dit : « Ok, pourquoi pas. » J’ai essayé et j’ai bien aimé les effets. J’ai recommencé avec eux. On fumait tous ensemble. On se posait comme avant dans notre parc, sauf que mes habitudes avaient changé. J’aimais leur présence, et j’aimais aussi fumer.
J’ai commencé à fumer toute seule. Beaucoup. Je suis tombée dans un cercle vicieux. J’ai lâché mes cours. J’étais déconnectée, dans ma bulle. Je voyais moins ma famille. Je m’étais éloignée de mon entourage, de mes autres amies.
Quand mes autres copines me proposaient une activité, je me disais : pourquoi dépenser mon argent dedans avec elles alors que je pourrais le dépenser dans ce que je fume ? Fumer, manger, dormir. C’était devenu mon quotidien. Je ne faisais plus rien. J’étais devenu une sorte de zombie.
La goutte de trop
Plus le temps passait, plus j’avais l’impression qu’on se tirait vers le bas. Une fois, début terminale, ils ont voulu aller en boîte. Je ne voulais pas. Ils m’ont bloquée.
J’ai eu une sorte de déclic. Je me suis rendu compte que ce n’était pas un comportement normal et que nos sorties n’avaient aucun intérêt. J’ai décidé de prendre mes distances avec eux. Je ne répondais plus à leur message. Une accumulation de plein de petites choses avait fait que je ne voulais plus me retrouver à faire des choses mauvaises.
À l’heure actuelle, ils me manquent. Je les considérais vraiment comme des amis. On faisait tout ensemble. Mais je pense que c’est la chose la plus saine que j’ai faite. Depuis que j’ai arrêté de leur parler, je vais mieux. Je sors encore, mais différemment. J’ai retrouvé d’anciennes copines. Je me suis rapprochée de ma famille. J’ai arrêté de fumer. Je me suis même remise dans les cours. J’ai repris le contrôle de ma vie.
Sarah, 17 ans, lycéenne, Cergy
Crédit photo Pexels // CC cottonbro studio
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