Farah I. 02/07/2025

« Je n’ai pas donné mon avis sur ce départ »

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Farah a quitté le Maroc pour la France lorsqu'elle avait 9 ans. Il lui a fallu du temps pour s'adapter et s'intégrer dans la ville de Corrèze où sa famille s'est installée.

C’était un jour comme un autre. J’avais 9 ans. Je vivais alors au Maroc, où je suis née, dans une grande maison familiale aux alentours de Fès, avec mes parents, mes frères, ma grand-mère, ma tante, mon oncle et mes cousins. J’ai entendu les adultes parler de la France, d’un voyage, d’un déménagement, d’un départ… Ça ne m’a pas interpellée tant que ça : cette conversation était assez courante, car mes frères, mes parents et moi possédons la nationalité française. 

Mais ce jour-là, mes parents nous ont appelés, mon frère et moi, pour nous expliquer que notre père avait trouvé un travail en France, qu’il allait y aller seul pour une durée indéterminée et qu’on le rejoindrait plus tard. 

J’avais le cerveau sens dessus dessous, trop d’informations à digérer… J’étais à la fois heureuse à l’idée de découvrir un nouveau pays et triste de quitter ma famille.

Quelques temps après, la séparation avec mon père a eu lieu. Ça a été compliqué : avant, je passais toutes mes journées avec lui, mais désormais nous n’allions nous parler plus que via des messages et des appels. 

Un an plus tard, on est partis le rejoindre. En voyant les armoires vides, j’ai commencé à réaliser que j’allais partir et laisser ma vie derrière moi. Je n’avais pas donné mon avis sur ce départ. Peut-être parce que je n’avais pas bien réalisé ce qui allait se passer. Mais surtout parce qu’on ne m’avait rien demandé. Cet été-là, pour la première fois, j’aurais aimé avoir cours, juste pour dire au revoir à mes camarades. Mais ce n’était possible, on était déjà en grandes vacances. 

« Un sacré changement »

Le jour du départ, je ne pensais plus à tout ça. Je pensais juste au fait que j’allais revoir mon père qui me manquait énormément. Et puis j’étais impatiente de prendre l’avion. C’était la première fois. Évidemment, j’ai dormi pendant tout le trajet… 

Mon petit frère avait un an et demi quand mon père était parti et ma mère craignait qu’il l’ait oublié. Mais il l’a directement reconnu et s’est jeté dans ses bras. Après les retrouvailles, on est rentrés à la « maison », notre nouvelle demeure que je découvrais, dans le sud de la France.

Ça faisait bizarre. Cette maison ne ressemblait en aucun cas à celle du Maroc. En ville, les rues n’étaient pas pareilles. Les gens, je ne savais pas, on était arrivés de nuit et je n’avais croisé personne. Mais ça n’allait pas tarder : la rentrée était une semaine après notre arrivée. La semaine s’est vite écoulée. On est beaucoup sortis pour voir la ville. Pour moi, ça faisait un sacré changement : l’architecture, les magasins, le temps, les gens… 

J’ai fait ma rentrée en CM2. La communication n’était pas fluide. Passer d’une langue à une autre du jour au lendemain, ce n’est pas simple. J’ai aussi eu quelques problèmes à m’intégrer.

En vacances au Maroc

En sixième, ça s’est mieux passé, mais là, j’avais hâte que ce soit les vacances d’été : mes parents avaient prévu qu’on retourne au Maroc pendant quelques semaines. On y est bien allés, mais le temps est passé très vite. Quand on est repartis, j’ai eu le sentiment que je n’avais pas assez profité. Mon pays et ma famille me manquaient déjà. 

Aujourd’hui, j’ai 14 ans, je suis en troisième. Ça se passe mieux au collège, mais j’ai toujours hâte de retourner dans mon pays. Pourtant, si je devais faire un choix entre rester en France ou retourner au Maroc, je ne saurais pas choisir. D’un côté, ma famille me manque, ma vie là-bas me manque, l’ambiance, la chaleur, tout ça. Le Maroc quoi. Mais d’un autre côté, rester en France me permettra de faire des études et d’avoir un avenir sûr. Peut-être que quand j’aurai fini mes études et que j’aurai un métier, je retournerai au Maroc, cette fois pour y vivre. Pour l’instant, je vais rester en France, en gardant contact avec ma famille là-bas et en y allant dès que possible.

Farah, 14 ans, collégienne, Corrèze

Crédit Flickr // CC WiLPrZ

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