Shivanya O. 07/10/2025

Fuir le mariage forcé

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À 19 ans, Shivanya vit dans un foyer d’hébergement pour femmes victimes de violences. Elle a fui sa famille pour échapper à un mariage forcé et être libre de faire ses propres choix.

J’ai quitté mes parents parce qu’ils étaient violents et voulaient me marier de force. Je suis née à Pondichéry, en Inde. On a déménagé en France quand j’étais ado, pour que mes parents trouvent du travail. Rapidement, ils ont commencé à organiser mon mariage avec mon cousin. Il avait 30 ans. Moi, 17. C’était uniquement pour qu’il obtienne la nationalité française. Je n’ai jamais été d’accord.

Un jour, ils ont organisé un appel vidéo pour que sa famille voie mon visage. J’ai refusé. Mon père m’a attrapée, m’a bloqué les bras dans le dos. Ma mère m’a filmée de force. J’entendais mon oncle dire : « C’est bon, elle est belle sans maquillage. » En Inde, se marier avec un cousin, c’est courant. Mais moi, j’étais choquée. Personne ne m’a demandé mon avis.

« Je devais fuir »

Peu de temps après, mon père m’a frappée. Il m’a tiré les cheveux et tordu la tête. Là, j’ai su que je devais fuir. Une cousine m’a conseillé d’aller parler au lycée. J’y suis allée, j’ai raconté ce que je vivais. Ils ont monté un dossier. Un jour, en plein cours, j’ai pris mes affaires et je suis partie. Je n’ai rien dit, même pas à ma petite sœur.

Le soir-même, j’ai dormi au centre d’hébergement d’urgence géré par l’association FIT Une femme un toit. C’est un lieu qui protège les femmes en danger. J’y suis toujours, depuis plusieurs mois.

L’adresse est secrète. Tout est fait pour que je sois en sécurité. Mes parents pourraient appeler la police pour me retrouver. Parfois, ils me contactent. Ils pleurent, veulent que je revienne. Mais je sais que c’est pour mieux me contrôler. Je ne veux plus revivre ça.

Au foyer, je partage une chambre. J’étais seule au début, maintenant j’ai une coloc. J’ai aussi rencontré d’autres filles. On rigole, on cuisine ensemble, on parle d’amour, du futur… Pas trop du passé. Certaines sont enceintes. On apprend à se protéger. Il y a une psychologue, et si on ne donne pas de nouvelles pendant plus de deux jours, quelqu’un vient nous chercher.

Je peux rester ici jusqu’à mes 25 ans. On a des tickets restos, une banque alimentaire, des légumes, du lait… et même un jardin. Je suis tranquille, pour la première fois.

Je suis tamoule. En Inde, il y a plein de langues, de cultures… Mais le mariage forcé, ce n’est pas une tradition. C’est une mentalité. Dans l’histoire tamoule, les femmes sont fortes. Égales aux hommes. Comme Rani Velu Nachiyar, une reine qui a combattu les Anglais. On l’appelle « la femme brave ». Ce sont les dernières générations qui ne respectent plus les femmes.

Pour moi, le mariage doit être un choix. Je veux décider. Quand et avec qui.

Shivanya, 19 ans, en recherche d’emploi, Paris

Crédit Pexels // CC Trishik Bose

 

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