Daouda C. 26/11/2025

Mission permis

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Daouda est aux portes de l'embauche : CAP, formations et code de la route en poche, il ne lui reste que le permis à passer. L'enjeu est de taille, alors c'est avec une discipline militaire qu'il s'est préparé à cette épreuve.

Le permis de conduire, c’est mon aventure en ce moment. Je dois l’obtenir pour pouvoir faire mon métier de chauffagiste. Mon patron, il me l’a dit : « Si t’as le permis, je t’embauche et je te mets une voiture à disposition pour que tu travailles en autonomie. »

Professionnellement, je suis au point. J’ai mon CAP Sanitaire pour le froid, et un CAP Chauffagiste pour le chaud. J’ai même une certification de sauveteur secouriste au travail (le SST) et mon habilitation électrique (le SSE).

Je n’ai jamais été en retard au boulot, de toute la durée de mon apprentissage. Mais je dois avoir le permis pour être embauché. Un chauffagiste, ça va chez les gens.

J’ai raté six fois le code, mais j’ai fini par l’avoir. Deux fois, j’ai eu trente-quatre points, alors qu’il en faut trente-cinq. Le permis, c’est vraiment comme un Visa pour le travail, alors je me suis acharné. Tous les soirs, je m’entraînais sur Internet. Je révisais comme à l’école. À chaque fois, je payais 30 euros pour passer l’examen. Deux cent dix euros au total, mais j’ai le code !

Une fois que j’ai eu le code, j’ai enchaîné sur le permis. Quarante-cinq heures de conduite, plus de 3000 euros dépensé. Trois mois de salaire que j’ai mis dedans. Je me suis donné du mal. Beaucoup de mal. Un travail de malade.

Un carnet, beaucoup de marche

Pour passer mon permis de conduire, en plus de prendre des leçons, j’ai commencé par marcher. Dix heures de marche pour pouvoir conduire. Avec mon petit carnet dans les mains, j’ai voyagé dans toute la ville de Maisons-Alfort, où j’étais convoqué pour mon examen. Je suis allé dans tous les virages en direction de Sénart, Saint-Maur, Créteil, Melun, Vitry…  J’ai fait des milliers et des milliers de pas pour repérer le terrain.

A chaque rond-point, je dessinais un schéma pour me souvenir des entrées et des priorités. A chaque carrefour avec sens giratoire, je repérais les informations qui allaient me servir. J’ai dessiné soixante pages dans mon carnet pour décrire toute la circulation de la ville : priorités à droite et cédez-le-passage, sens uniques, impasses, carrefours, sens giratoires, ronds-points, sens interdits et stops, tout était dans mon carnet. J’ai appris par cœur les distances de sécurité agglomération et hors agglomération à respecter : à 20 km/h il faut garder douze mètres, à 30 km/h il faut être à dix-huit mètres… Il n’y avait pas un piège de cette ville que je ne connaissais pas.

Je n’avais jamais rien révisé et préparé autant, sauf peut-être mon CAP. Mais pour le CAP, c’était moins fatiguant : je n’avais pas besoin de faire des plans ou des pas. Je ne devais pas apprendre une ville par cœur. C’était moins de fatigue, moins de mal à la tête.

C’était une mission, comme un exercice militaire. Je n’ai rien laissé au hasard.

« Monsieur, accélérez ! Accélérez ! »

Le 26 septembre au matin, je suis arrivé pour l’examen comme si j’allais à la guerre.
J’ai roulé au centre de Maisons-Alfort. Dans ma tête, j’avais tous mes dessins. J’aurais presque pu fermer les yeux, tellement j’avais la ville dans la tête. Le permis, il était dans ma poche, et le CDI aussi !

Mais sur une voie d’accélération pour l’entrée sur l’autoroute, l’examinateur m’a dit : « Monsieur, accélérez ! Accélérez ! »

Et là, j’ai su que je ne l’aurais pas. J’ai su que j’avais raté. Que je n’avais pas été assez vite. La catastrophe, la défaite, l’élimination.

Je n’ai pas eu le permis, je n’ai pas eu le CDI. Je dois attendre au moins six mois pour le repasser. J’ai dû changer mes plans. Je ne serai pas chauffagiste, je n’ai pas te temps d’attendre. Je cherche un boulot de préparateur de commande.

Mon destin a changé à cause de cet examen raté. Je peux mettre mon CAP à la poubelle, car je dois vite gagner ma vie.

Daouda, 24 ans, en formation, Paris

Crédit Pexels

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Sans permis, tout est permis ?, par Souleymane, 22 ans. Il y a cinq ans, Souleymane a raté son permis de conduire. Depuis, il économise pour le repasser et… prend quand même le volant de temps en temps.

 

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