Harcèlement : les réseaux sociaux ont pourri mon été
Au début de mes années lycée, j’étais vraiment amie avec deux filles, Roxane et Manon. On était inséparables.
En seconde, un soir de mars, je suis sortie faire la fête à un bal des conscrits dans un village à côté de chez moi. Pendant la soirée, un garçon m’a embrassée. Un simple baiser qui allait donner lieu à des rumeurs qui se sont répandues comme la peste. Certains disaient que j’avais « couché » avec ce garçon, d’autres que j’embrassais n’importe qui.
J’ai toujours essayé de dépasser ce qu’on pouvait dire sur moi, même si les propos étaient douloureux. On m’a toujours dit que la meilleure vengeance était l’ignorance. Les rumeurs colportées sont parties comme elles sont arrivées. J’ai pu souffler, oublier… pendant quelques mois.
Chaque jour, chaque heure, des messages à en pleurer
Début juillet, pendant les vacances scolaires, j’ai commencé à recevoir sur Facebook des messages d’insulte de la part de mon « amie » Roxane et de ses cousines.
Ces filles se permettaient sans même me connaître de me traiter de « pute », de « grosse merde », de « fille qui n’aurait jamais dû exister », d’« allumeuse »… et j’en passe.
Roxane avait décidé de remettre au goût du jour les histoires du passé, sachant que j’en avais souffert. Chaque fois que j’ouvrais mon ordinateur pour suivre l’actualité Facebook – pendant cette période je me connectais plus de cinq fois par jour – j’avais un stress immense, une angoisse insoutenable à l’idée de recevoir encore des messages blessants.
Chaque jour, chaque heure, je recevais des messages où ces filles me rabaissaient plus bas que terre, je pleurais en les lisant. Je n’avais absolument rien fait de mal, j’ai toujours été droite et honnête, j’avais ma conscience pour moi.
Ces filles se permettaient sans même me connaître de me traiter de « pute », de « grosse merde », de « fille qui n’aurait jamais dû exister », d’« allumeuse »… et j’en passe.
Facebook devrait être un moyen de se détendre, de se changer les idées, mais de nos jours, les personnes l’utilisent pour se venger, régler des problèmes, partager des rumeurs à toute vitesse.
Un dimanche soir de juillet, je pleurais dans mon lit, ma respiration s’accélérait, j’étais à bout. Je ne me sentais plus la force d’expliquer à quiconque le faux du vrai. J’ai tout coupé ! J’ai cessé d’envoyer des messages sur mon téléphone, je l’ai éteint et posé sous mon oreiller. J’avais l’impression d’être dans un trou noir, sans possibilité d’en sortir. Ce cauchemar allait-il bientôt se finir ?
Vers une heure du matin, je ne dormais toujours pas, je tournais en rond dans mon lit. Mon père regardait la télé, quand le téléphone de la maison a sonné. Je me suis bien doutée qu’à cette heure tardive, ce n’étaient pas des personnes qui appelaient pour nous vendre des articles encore inutiles.
Un de mes amis appelait mon père pour lui faire part de mes problèmes. Il avait peur pour moi, peur que je ne fasse une bêtise car, mon téléphone coupé, je ne donnais aucun signe de vie depuis plusieurs heures.
J’étais soulagée que mes parents sachent enfin ce que j’avais pu endurer depuis quelques semaines, soulagée qu’un ami s’inquiète pour moi.
Oublier cette histoire le plus vite possible
Le temps des explications était venu ! Ma mère s’est levée et on s’est tous les trois assis sur le canapé.
Je pleurais, je tremblais, j’avais peur d’expliquer à mes parents ce que j’avais enduré depuis quelques semaines, peur de ne pas comprise et surtout d’être jugée. Je craignais que mes parents ne se fassent une mauvaise opinion de moi.
On a discuté pendant plus de deux heures.
Mon père était énervé, il ne tolérait pas qu’on puisse faire autant de mal à sa « grande fille ». Ma mère pleurait, ça la touchait autant que moi.
En ce qui concerne Facebook, ils m’ont simplement dit de faire attention, de rester distante avec les réseaux sociaux quelque temps.
Ils m’ont incitée à porter plainte, mais j’ai toujours refusé. Je voulais oublier cette histoire le plus vite possible. J’ai rompu tout contact avec Roxane et ses cousines, j’ai cessé de lire leurs messages. Je marquais leurs messages comme « lu », je ne leur montrais plus aucun signe de faiblesse.
Début août, j’ai reçu un sms de Roxane où elle s’excusait de m’avoir insultée, humiliée. Je ne lui ai jamais répondu, c’est tellement simple et faible de s’excuser par message, aussi simple que d’insulter quelqu’un sur internet.
Le pardon ne fait pas disparaître le mal qu’on nous a fait endurer.
Les vacances ont continué. Bien entourée par mon chéri, mes vrais amis, mes parents et ma petite sœur, j’ai pu remonter cette pente, non sans difficultés.
À la fin de l’été, la rentrée approchait à grand pas et pourtant, je n’avais ni stress, ni peur de revoir le visage de Roxane. J’ai attendu des jours et des jours, en pensant qu’elle allait venir s’excuser, me parler de la façon dont elle avait pourri mon été et ma réputation. Elle ne l’a jamais fait alors j’ai mis ma fierté, ma rancœur de côté pour aller la voir. Finalement, je lui ai pardonné. Non je ne suis pas rancunière. Je crois que chacun a le droit de faire une erreur. Petit à petit, on a réussi à se reparler, mais notre amitié n’allait plus jamais être comme avant. A cause de Roxanne, de son comportement, j’ai du mal à faire confiance aux personnes qui m’entourent.
Mon père était énervé, il ne tolérait pas qu’on puisse faire autant de mal à sa « grande fille ». Ma mère pleurait, ça la touchait autant que moi.
Je suis devenue une jeune femme susceptible, mal dans sa peau. Chaque petite réflexion peut me faire souffrir. Je le dois à celle qui se disait mon amie et à ce réseau censé rapprocher les gens !
Mon histoire m’a appris à prendre de la distance vis-à-vis de Facebook ou n’importe quel autre réseau social. J’essaie de ne pas dévoiler ma vie au monde entier pour préserver mon intimité. Je suis beaucoup moins active qu’avant sur Facebook. Je me connecte pour regarder des vidéos, pour suivre l’actualité de certaines pages précises ou celle de mes amies, sans publier les histoires de ma vie.
Je dis toujours « Je pardonne mais je n’oublie pas », comme internet, qui garde trace de tout !
Cassandra, 18 ans, étudiante, Dijon
Crédit photo Flickr cc Claudio Alvarado Solari Smartphone