Présidentielle : eux ne sont pas nous
Je n’irai pas voter cette année. Première ligne. Les masques tombent. À chaque fois, on me toise comme si j’avais fait un salut nazi ou insulté la mère de quelqu’un. Après la sidération, vient le temps des arguments et des plaidoyers. Puis ils se taisent un court instant, les yeux rivés sur mon visage, à la recherche d’un changement d’opinion. Je reste alors sidéré. Comme si on avait insulté mes parents.
Aucun d’eux ne nous sauvera
Cela fait maintenant plusieurs mois que j’observe cette campagne ridicule, avec toujours en tête la même question : mais qui sont ces gens ? Qui sont ces gens qui se croient autorisés à parler en mon nom alors qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes ? Qui sont ces gens qui blâment les pauvres tout en fraudant abondamment ? Qui sont ces opportunistes, anciens banquiers, qui se voient aujourd’hui diriger la nation ? Quel est ce parti « de gauche » qui n’a même plus un mot doux pour les classes populaires ? Quelle est cette élection où le candidat rebelle affiche un patrimoine… de près d’un million d’euros.
Moi je vis en HLM, et j’éprouve tout le mal du monde à ne pas devenir vulgaire devant ces gens-là.
Je leur lance un bras d’honneur littéraire à la face. Car je sais qu’aucun d’entre eux ne nous sauvera.
J’ai peur du 7 mai
Aucun d’entre eux ne sauvera les dix années d’espérance de vie perdue de mon père ouvrier. Aucun d’entre eux ne sauvera ma belle-sœur de l’interdiction d’accompagner ma nièce en sortie scolaire. Aucun d’entre eux ne sera Adama, Théo ou Nadjim, si un policier zélé devait pousser mon petit frère à bout… de souffle.
Aucun d’entre ne nous aidera. Car eux, ne sont pas nous.
Je le reconnais, c’est un brin provocateur. En vrai je ne sais pas si j’irai voter. J’ai peur que le 7 mai ne marque l’entrée dans une nouvelle ère. Une ère où l’on hésiterait plus à lancer des saluts nazis ou à insulter ma mère.
Dans tous les cas, le vote ne fait pas tout, et il est nécessaire d’agir par soi-même.
C’est ce que j’ai tenté de faire à travers mon livre Histoires de quartier et mon engagement au sein d’Unis-Cité. C’est ce que j’espère continuer de faire par le biais de La Vie continue ou encore de mon futur métier d’éducateur spécialisé. Les modes d’actions sont multiples et de nouvelles voies restent à inventer. Mon père m’a dit il y a quelques jours : « En tant qu’étrangers, on ne doit pas souhaiter de malheur à la France. Si la France va mal, on sera les premiers à prendre. » Alors je vais au front. Comme mon arrière-grand père. Et même si beaucoup y sont tombés, je sais aussi qu’il n’est pas meilleur endroit que la première ligne, pour rester debout.
Hakim, 25 ans, blogueur et ambassadeur d’Unis-Cité, Grande-Synthe