Grimalkin A. 13/06/2018

Entre ma mère et moi : le silence

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Il y a parfois des frontières invisibles entre deux personnes. Grimalkin habite sous le même toit que sa mère et pourtant, lui parler est impossible.

Quand j’étais petite, je voyais ma mère comme une déesse vivante. Un être tout droit venu des cieux. Je pensais qu’elle était la meilleure des mères. Tout ce qu’elle faisait était bien. Mais le problème, c’est que je n’arrivais pas à lui parler. Encore maintenant, je n’arrive pas à lui faire part de mes secrets. Rien ne veut sortir. Avec elle, je me sens juste très mal à l’aise. Je me dis que si je lui dis que parfois je suis triste, elle serait déçue…? Ou en colère ? Je sais qu’elle n’aime pas voir nos faiblesses. Quand j’étais petite, je n’étais pas très forte. Quand je pleurais, parce que j’avais mal quelque part, elle criait. Elle me disait : « Qu’est-ce qu’il y a ? Est-ce que ta mère est morte ? »

Quand j’étais en primaire, je faisais des cauchemars. Je rêvais que ma grande sœur et ma mère s’énervaient contre moi. Mais je n’osais pas aller la réveiller. C’est arrivé encore récemment. De me réveiller avec l’envie de pleurer, avec comme un poids sur moi. Mais le matin, quand ça arrive, vers 7-8h, mes parents ne sont de toute façon pas là. Ils sont avec ma petite sœur de deux ans dehors. Ils font souvent ça : sortir. Ma mère et mon beau-père ne travaillent pas. Du coup, on se retrouve seules, ma grande sœur de 17 ans et moi. Dans ces cas-là, je ne peux pas, non plus aller la voir. Si elle voyait que ça ne va pas, elle rigolerait. Quand on se parle, on se parle comme des amies, mais pas vraiment proches.

J’écris pour me sentir moins seule

Alors, quand je suis triste, j’écris des histoires tristes, imaginaires. Ca ne me fait pas aller mieux, mais j’adore écrire. Cela me donne le sentiment qu’il y a d’autres personnes comme mon personnage, d’autres personnes qui sont tristes comme moi. Ma mère ne lit pas ces histoires. De toute façon, elle ne comprendrait pas. Elle ne parle pas français. Mes parents sont Tibétains. Je ne sais pas très bien parler leur langue, mais je comprends presque tout.

Je suis née en Inde et suis arrivée en France à l’âge de 6 ans. Là-bas, ma sœur et moi étions dans une sorte de foyer pour enfants tibétains. On ne voyait pas notre mère tous les week-ends. Elle était malade et il n’y avait personne pour nous emmener à l’hôpital.

Mon père est parti en France quand j’avais un an. C’est parce qu’on demandait à le voir que ma mère, dont la santé va mieux, nous a emmenées ici, ma sœur et moi. On a habité chez notre père environ un an, puis on est parties. On l’a revu deux fois peut-être. Ça ne se passait pas bien. Mais parfois, c’était acceptable.

Une fois, le mois dernier, j’ai profité d’être seule avec ma mère, pour lui demander pourquoi mon père était parti, comment ils s’étaient rencontrés et mariés. Elle m’a vaguement répondu, mais elle avait l’air de s’en ficher. Elle était ailleurs, alors j’ai abandonné.

On n’a pas de relation mère-fille

Cela fait trois ans que ma mère est avec mon beau-père. On se parle au maximum une fois par semaine. Ça ne se passe pas vraiment bien. C’est rare qu’on mange ensemble. À la maison, on a deux tables. Manger avec mes parents me met mal à l’aise. En plus, ma petite sœur n’est pas propre et elle fait du bruit. Moi, j’aime le silence. Alors je mange sur l’autre table, avec ma grande sœur. Et on ne se parle pas. Mon beau-père est fainéant. Il n’aide pas du tout ma mère. Et il fait tout le temps pleurer ma petite sœur. Il crie.

Je n’ai pas l’impression d’avoir une relation mère-enfant comme on peut voir dans les films, ou dans la rue. Moi, j’ai « une mère ». Et c’est tout. Quand j’étais petite, je voulais lui faire des câlins. Mais comme elle me repoussait, j’ai arrêté. Aujourd’hui, je n’aime pas du tout les contacts physiques.

Mon rêve ? Ce serait d’aller un jour avec ma mère au parc. Ce serait amusant. Mais ça n’arrivera pas. Il y a comme une barrière entre nous et ce silence.

Grimalkin, 15 ans, collégienne, Paris

Crédit photo : Adobe Stock // © Inesbazdar

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1 réaction

  1. Bonjour Grimalkin , je suis Marion j’ai 24 ans et ces pareil pour moi la cohabitation est un supplice je sais que elle est ma mère mais je ne le ressens plus depuis bien longtemps des que je ne suis pas dans ces pieds nous sommes comme des vielles copines comme si que il ne ces rien passée . Bref ces pesant et tu te remets en question tout le temps alors que le problème ne vient pas de toi. Je t’envoie beaucoup de force , sache que si elles voulait s’améliorer elles l’aurais fait depuis bien longtemps ces tout bête mais pour ne pas trop souffrir accepte que elle le changera jamais par contre toi tu peux t’améliorer pour toi . Bisous

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