Cachou R. 21/03/2019

Je ne suis pas « juste » une décrocheuse scolaire

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Je suis ce qu'on appelle « une décrocheuse ». Je ne me considère pourtant pas comme telle. C'est juste qu'au lycée, je ne me sens pas à ma place, et ça me tracasse.

Sur les 31 heures de cours inscrites sur le planning de mon carnet, je vais même pas à la moitié. Je risque de me faire virer de mon lycée à tout moment. J’ai même été convoquée par la CPE il y a deux mois pour mes absences.

Du coup, j’ai une fiche de suivi que je donne à mes profs à chaque cours. Ils notent ma présence et mon comportement. J’ai aussi des heures d’aide aux devoirs (une à deux heures par semaine) avec ma prof principale et peut-être bientôt un conseil avec le chef de l’établissement, son adjoint, ma tante et ma prof principale à qui je devrai expliquer pourquoi je ne vais pas en cours.

J’avoue, le fait de me faire interpeller, d’avoir autant de contraintes, que l’on me « flique », ce n’est pas ma tasse de thé. J’ai même horreur de ça mais « c’est pour mon bien », j’en ai conscience.

Ça a commencé en troisième, par une absence, puis deux, puis trois… jusqu’à venir un jour sur trois. Au début, tu te dis : « C’est juste pour une fois, c’est rien ! » Et puis la tentation revient parce que t’as aimé et c’est reparti, un peu comme la fumette !

8h, le réveil sonne, flemme et une autre heure passe. Le matin, je suis même pas encore levée que je me pose déjà des questions : « J’y vais ou j’y vais pas ? » J’essaie de me convaincre avec un : « Allez, faut que j’me lève. » Et puis ça finit en : « Je trouverai bien une excuse ! »

Heureusement, ce n’est pas non plus ça chaque matin. Ça dépend des semaines, de quand j’ai la motivation. Des fois, ça m’arrive de n’avoir aucune difficulté à y aller. Je raccroche, le temps de quelques jours. Et puis je redécroche. Je n’ai pas la motivation pour entrer dans ce qu’ils appellent le « moule ».

Quand je sèche, je peux être dans mon monde

Chaque fois que je suis en cours, assise sur ma chaise, j’attends que ça sonne. Je suis présente physiquement mais je ne vois personne, j’entends rien, je fixe un point et c’est parti, c’est comme si un nouveau monde s’ouvrait à moi, j’ai l’impression de voler. Je préfère m’évader du monde réel pour y voir de meilleures choses. Parfois, c’est cool, parce que j’aime cette sensation de toujours pouvoir aller plus loin dans mes pensées, je creuse… Mais des fois, je ne contrôle pas et ça m’arrive de me faire vraiment emporter par ce vice.

Une fois, ma prof m’a interpellée alors que je griffonnais sur une feuille. J’étais tellement concentrée sur mes pensées, tellement partie loin, que je ne l’ai même pas entendue me poser ses questions.

Alors que quand je sèche, je peux être dans mon monde, librement. Je me balade, j’écoute de la musique et je pense. Des fois, je pars même des cours juste une heure et je reviens, ça me permet de faire une pause. Je rentre chez moi et j’me pose dans mon lit, ou je vais à un endroit où j’aime bien aller avec une belle vue. C’est tout ce qu’il me faut pour me sentir bien.

Pour d’autres, des événements marquants peuvent engendrer un décrochage brutal. C’est le cas de Tom qui s’est déscolarisé suite à une agression physique.

Quand je rentre chez moi, c’est comme si l’école ne faisait plus partie de ma vie, je ne pense plus aux devoirs, aux leçons… Quand je suis au lycée, j’ai l’impression d’être dans un monde de petits. À la façon dont on nous parle. Et les autres de mon âge me font penser à des enfants, je suis pas à l’aise avec ça. Quand je suis chez moi, j’ai pas cette sorte de climat qui me dérange.

C’est pas forcément le fait d’apprendre qui me dérange, car j’ai pas de difficultés. J’ai juste perdu l’habitude de travailler à l’école, d’ouvrir un cahier, d’apprendre des leçons tous les jours, de faire des exercices… J’ai perdu le rythme et c’est comme si je revenais à la case départ : il faut que je réapprenne tout.

Comment je vais faire pour le futur ?

Mais je voudrais que les profs comprennent que je ne suis pas juste une décrocheuse. J’aime apprendre, je m’informe sur un tas de trucs sur mon téléphone (neuf heures par jour environ). Malheureusement, c’est pas ça qui va me donner mon bac. Je ne tourne pas autour de moi-même mais plus autour du monde, de l’actualité.

Des fois, je cherche la raison du pourquoi. Mais je ne trouve pas, peut-être parce que je me pose trop de questions. Je parle avec beaucoup de gens sur les réseaux (Askip, Snapchat et Instagram) et dans la rue, dans mon quartier. Je passe plus de temps à parler, à faire de nouvelles rencontres qu’à aller en cours.  

Le documentaire de France 3 « J’aime pas l’école » et le travail de réconciliation des Maisons Familiales Rurales :

En général, je préfère parler aux personnes un peu plus avancées dans la vie. Et quand tu les entends te dire tous la même chose – « la vie c’est d’la merde », « s’en sortir est de plus en plus dur… » -, tu te dis : « Si c’est comme ça, comment je vais faire pour le futur ? »

Les gens que je fréquente ont déjà entamé leur vie d’adulte et ils me racontent leurs galères… Il n’y a plus de surprise, je sais déjà à quoi m’attendre et ça me décourage d’aller à l’école et de passer mon bac. Je vois bien qu’un bac et des études supérieures ne débouchent pas forcément sur un emploi, qu’il faut payer le loyer et toutes les factures, se nourrir, payer la voiture, les assurances. Se gérer est une préoccupation à temps plein parce que dans la vie d’aujourd’hui, il est de plus en plus dur de s’en sortir. Et l’État ne nous rend pas la tâche facile.

Alors, au final, je me dis : « Pourquoi galérer si c’est même pas pour être sûre d’avoir ce que je souhaite (devenir psychologue) ? » C’est comme si le futur me préoccupait plus que le présent.

 

Cachou M., 16 ans, lycéenne, Chevilly-Larue

Crédit photo Pixabay // CC0

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4 réactions

  1. Bonjour je suis dans la même situation que vous. Je pensais que j’étais bizarre et après avoir lut ce que vous aviez écrit j’ai compris que j’étais pas là seule.
    Des fois je suis motivée à travailler j’aime les cours je suis sérieuse active à l’oral et des fois je suis à bout de tout. Je n’ai plus la force d’aller en cours je n’ai plus la force de travailler et en ce moment c’est pire je n’ai même plus la force de sortir de chez moi. Du coup je ment à mes parents en leurs disant que je vais en cours, je ment à mes professeurs en leurs disant que je suis malade. Et je m’en à mes amies en leurs disant que j’ai juste la flemme d’y aller mais en réalité tous ce mensonge autours de moi m’oppresse. On arrive à la fin du 2 eme trimestre il va peut être y avoir un nouveau confinement j’ai que 6,86 de moyenne général j’ai beaucoup d’absence en cours je ne suis pas sage faut l’avouer. J’ai très peur. Mes parents sont du genre à m’obliger à aller en cours même malade. Ma mère est sénégalaise et mon père est français. Dans ma famille sénégalaise personne n’a jamais déprimé ils ont déjà été triste mais ils ont tous surmonté. Ils ont tous d’incroyable métier et mon frère est la fierté de la famille avec son super boulot et mon cousin qui a 1 an de plus que moi excelle au lycée sans oublié mais petites cousines qui sont les premières de leurs classes. Et dans ma famille paternelle ils ont tous plus ou moins réussi et eux ils ont fait des erreurs mon père n’a pas vraiment réussi il a galéré a trouver du travail au début mais étant très intelligent ( et je ne dis pas ça parce que c’est mon père ) il en a trouvé plusieurs qui payait bien et là il a un emploie stable. Et ils sont très sévères avec moi. Ma mère ne connaît pas le mot dépression et si je ne réussi pas je serais là honte de la famille. Et mon père ne veut pas que je fasse les mêmes erreurs que lui. A chaque fois que je n’es pas de bonnes notes ils me rabaissent et me font réviser mes leçons dans le salons pendant des heures sans pauses. Même le week-end et pendant les grandes vacances ce qui fait que je n’es pas de pause entre la fin d’année et la rentrée. Et encore un mensonge je leurs fais croire que je travaille bien et quand le bulletin va tomber ils vont s’acharner sur moi en me faisant bosser mes leçons. Je sais que c’est pour mon bien qu’il font ça mais j’en peut plus. J’ai beaucoup de projets pour l’avenir mais on dirait qu’une partie de moi ne réalise pas qu’elle est en train de tout faire foirer. Et j’ai très peur. Aujourd’hui ça fais 1 semaine que je ne suis pas allé en cours en prétextant que je suis malade mais j’ai peur. Ça m’a fait plaisir de voir que je n’étais pas là seule et ça m’a réconforter de vous lire. J’espère que tout ira pour le mieux pour vous tous.

  2. J’ai 16ans et j’en peut déjà plus.
    Je suis en 1ere dans un lycée très stricte j’ai eu un conseil de remédiation parce que j’avais trop de retard.
    J’arrive plus du tout a travailler chez moi a l’instant ou j’écris ces lignes je suis sensé travailler mais j’ai été pris d’une envie soudaine de taper « je ne suis pas scolaire » sur google et j’ai lu cet article je me suis vraiment reconnu et du coup j’ai décidé d’écrire ici.
    La seul chose qui fait que je pète pas un câble et que je continue a aller de temps a autre en cour c’est mes amies sans eux je sais pas ce que je serai (Adri heureusement t’est la).
    Je sais pas quoi faire j’ai l’impression d’être piégé par cette société d’être enfermé par le système.
    Au moins toute cette soufrance me permet de faire une chose :
    écrire…
    des poème des réflexion, des mémoires…
    il faut savoir que je suis en filière S (j’ai choisi les matière math physique svt)

    Mes poèmes sont toujours triste et je crois que c’est dailleurs ma tristesse qu’engendre les cours qui créer cette créativité momentané.
    Bref la seul chose pour laquelle je peut remercier cette société c’est la façon dont elle me rend triste.

    Je n’ai plus l’âme a continuer.
    Mais je n’ai aucune idée d’ou aller.

  3. C’est dingue à quel point j’ai l’impression de me lire il y a 15 ans !! Comme toi, je  » bleutais » jusqu’au jour où j’ai claqué la porte du lycée (et le bureau de la principale). Tout comme toi je ne trouvais pas ma place, j’étais perdue et j’avais beaucoup d’amis plus âgés qui ne me tiraient pas vers le haut. Apres une année à attendre, au desespoir de mes parents, je suis allée travailler et petit à petit j’ai créé ma carrière et mon parcours. Je suis retournée à l’école, puis à la fac 10 ans plus tard… Aujourd’hui je suis ingénieure au Luxembourg pour un bureau d’études. Je gagne très bien ma vie. Ces années de « cloud » m’ont permis d’être ce que je suis aujourd’hui… Garde le cap, tu n’es pas une décrocheuse, tu es en « work in progress » 😉

  4. Je me retrouve dans cette sensation de ne pas avoir de place au lycée..
    Je préférais comme toi balader écouter de la musique une belle vue endroit sympa…
    Penser rêver…
    J’ai 45 ans aujourd’hui j’aime toujours cela je suis assez solitaire j’ai arrêté le lycée à 17 ans après une injustice de mon prof de droit j’ai pas supporte..
    j’ai fais une formation l’année dernière qui a était très dure… mais je voulais absolument avoir mon diplôme surtout pour mes filles qu’elles soit fières.
    Et la même sensation que quand j’étais au lycée..
    Le pire c’était de voir notre formatrice aidait une stagiaire à tricher…
    Alors qu’on bossait tous dure sauf une…
    J’ai du refaire intégralement un dossier clé usb morte sans cela impossible de passer le diplôme.
    Je me suis dit c’est un signe faut que j’arrête et puis je l’ai pris comme un défi je l’aurai et j’aurai 2 fois plus de mérite mon 2eme stage l’enfer je tombe sur une responsable rigide qui m’espionne me fais des réflexions pour rien,me casse..
    au final j’ai eu mon diplôme mes filles étaient super fières moi pas vraiment je pensais que je me sentirais mieux.. Non
    Le système est pourri on valorise les hypocrites tricheurs et on casse les vrais bosseurs ceux qui on des idées…
    Ma formatrice ne pas du tout encourage quand j’ai du refaire mon dossier au contraire alors qu’elle toléré l’autre qu’elle triche j’hallucinais .
    J’étais écœuré du système et est trouvé du soutien dans les autres classes de pure inconnus.. Comme quoi ya de belles personnes ça m’a aidé à m’accrocher car j’étais seule en cour…
    J’ai bossé ou je voulais ensuite j’ai arrêté car certaines contraintes trop de boulots la je tenais mais les conditions étaient trop pénibles..
    je pense qu’il faut trouver sa voie sa place c’est personnel on est tous différent.
    Après se méfier des personnes qui sont que négatives c’est dur c’est pourri la vie c’est de la merde.
    C’est surtout un état d’esprit plus on fait ce que l’on aime plus on est motivée et on le fait bien.
    Parfois ya des contraintes mais que des contraintes mauvaises pressions perso je supporte pas travailler avec des personnes qui gueulent… C’est intolérable boss ou pas manager ou pas le respect c’est la base.
    Je respecte ce qu il me respecte les autres j’ai pas envie ni de bosser ni de passer du temps avec eux.
    Voilà tu es jeune trouve ta voie.. Le système est pourrie mais dans ce système ya aussi des belles personnes.
    Le diplôme ça rassure les employeurs mais on apprends beaucoup en pratiquant en regardant..
    La théorie cela me convient à petite dose à moi alors rêver se perdre dans ses pensées je connais…
    Je dois chercher un autre job une nouvelle aventure… Son premier job est rarement le bon plutôt que de me plaindre je vais voir si ailleurs se sera mieux pour moi.
    Ne pas se décourager si on cherche on s’écoute on se connaît assez on trouve croire en soi c’est un bon début… Et puis des personnes qui donnent leurs chances il y en a aussi.
    Ya pas que des cons qui croient qu’on est juste la pour bosser souffrir et obéir comme des moutons sans tenir jamais compte des élèves ou employés.
    Ce système ça marche pas dans la durée
    Bon courage et Bonne chance !

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