Ma famille d’accueil et ma famille biologique : deux mondes !
Je vis dans une famille d’accueil à Paris depuis sept ans. Ma « mère » d’accueil je l’appelle Dada comme tous les enfants d’accueil qu’elle a eus. Quand je rentre chez mes parents un week-end sur deux à Sevran-Beaudotte, ma mère, qui est chrétienne, critique Dada qui est arabe et musulmane. Elle croit qu’ils vont me manipuler pour devenir musulmane. Moi, je suis juste déiste. Je m’intéresse aux religions pour en savoir plus et décider plus tard.
Ma mère critique aussi les vêtements que Dada m’achète. Ma mère aime tout ce qui brille et qui est blanc alors que je m’habille… différemment. Quand je suis avec elle, elle critique tout le temps tout ce que je fais. Elle commente tous mes gestes. Comme elle ne me voit pas souvent, elle a peur que je prenne des mauvaises habitudes. Elle critique aussi ma couleur de peau, parce que je suis plus bronzée que les autres de ma famille. Elle me dit même que je suis « sale » de peau et me demande pourquoi la famille d’accueil ne me donne pas de savon et de shampoing ! Du coup je m’enferme dans ma chambre pour qu’elle me laisse tranquille.
Ma mère n’était pas là quand je suis partie vivre dans cette famille. Elle avait disparu. Elle n’est revenue en France qu’il y a deux ou trois ans. Et après quelques mois, elle a commencé à critiquer la famille. Tu disparais, tu reviens et tu te permets de critiquer quelqu’un qui s’occupe de ta fille depuis cinq ans ?!
Je me suis habituée à ces deux vies
Au début, je me sentais obligée de défendre la famille d’accueil. Du coup, ma mère croyait que j’aimais Dada autant qu’elle ! Elle me disait : « C’est pas ta mère. » J’ai essayé de lui expliquer que ça n’avait rien à voir, mais elle ne capte pas. Au début, elle voulait même que je change de famille, que je sois avec des Blancs. Ou avec elle, mais qu’elle touche l’argent.
Dans ma famille d’accueil, on essaie de ne pas parler de ma mère, ou bien on en rigole. C’est vraiment deux mondes différents ! Comme dans les contes de fées, quand il y a une porte entre deux mondes. Avec mes parents, il n’y a pas de règles, pas de limites, des fois je me couche à 6h du matin même. J’amène des jeux, mais comme personne ne veut jouer, je déprime toute seule avec ma tablette. J’ai une liberté par rapport aux mangas que je n’ai pas chez ma famille d’accueil, où Dada me pousse et m’aide pour les devoirs. Ma mère comprend trop peu le français pour m’aider avec les leçons. Même si au final on ne fait rien, le simple le fait de les voir me rassure. Je suis là. C’est chez moi aussi. Je me suis habituée à ces deux mondes différents.
Lana-Rosy, 15 ans, collégienne, Paris
Crédit photo © Haut et Court // Jusqu’à la garde de Xavier Legrand (film 2018)