Chloé A. 18/05/2020

Sans oraux aux concours, j’ai dû m’adapter

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Pour passer le concours de professorat des écoles, je misais tout sur les oraux. Mais le confinement a bousculé ma stratégie...

Professeur des écoles, c’est un métier que j’aime. J’ai été enseignante pendant trois ans en maternelle dans le privé, et avant ça j’ai été intervenante artistique en école primaire pendant trois ans aussi. Mais comme je suis sensible à la mission de l’école publique qui est d’accueillir tous les enfants sans distinction financière, j’ai décidé de passer du privé au public. Pour ça, il faut que je passe le concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE).

Mes stratégies de concours, c’était de travailler les écrits de façon à être sûre de les passer et ensuite de mettre le paquet sur les oraux, parce que le seuil d’admissibilité des écrits dans l’académie de Paris n’est pas trop élevé par rapport aux notes que j’ai. À Paris, l’an dernier, la note minimum pour avoir les écrits était de 28 sur 80. Donc avec du travail régulier, j’étais sûre d’avoir les écrits. Par contre les oraux ça demandait plus de travail.

Mais les modalités ont changé. Initialement, on devait passer les écrits les 6 et 7 avril et les oraux au mois de mai, le temps de la correction. Mais au vu de la situation sanitaire, l’Education nationale a dû supprimer les oraux. On va passer les écrits entre mi-juin et fin-juillet. On ne connaît pas encore la date du concours. Et ça va être tendu pour corriger les écrits et envoyer rapidement les affectations à tout le monde. Donc je comprends qu’ils n’aient pas trouvé d’autres solutions.

Le jury de concours, ce n’est pas qu’un test théorique

J’étais particulièrement intéressée par les oraux, parce que c’est là où – en les préparant – on apprend le plus sur le programme, sur la pédagogie, sur comment mettre en place nos connaissances et nos compétences pour aider les élèves à progresser. Lors des oraux, nous présentons deux séquences pédagogiques que nous avons construites nous-mêmes. Ce sont l’ensemble des cours qui seront dispensés pour atteindre un objectif pédagogique, comme découvrir une notion de grammaire par exemple.

Et nous répondons aussi à des questions sur les élèves en difficultés. Sur comment faire pour les aider et les accompagner, comment gérer les relations avec les familles : c’est une épreuve plus pratique.

En janvier 2020, on observait une baisse de 10% de candidats inscrits aux concours de l’enseignement par rapport à 2019. Libération a tenté de comprendre les raisons de ce recul progressif.

C’est aussi le moment où on est en face à face avec des personnes de l’Education nationale. Le jury teste notre réflexion et notre adaptabilité en nous posant des questions sur nos prestations, ce qui permet de se rendre compte de nos points à améliorer. Comme j’ai déjà une expérience en tant qu’enseignante, je pensais que ça pourrait me porter pour les oraux, que j’aurais peut-être plus d’aisance que d’autres candidats.

Ayant été enseignante pendant plusieurs années, la classe n’est pas un lieu théorique pour moi. Parfois, sur le papier, certaines idées sont bien mais ne sont pas réalisables ou trop éloignées des capacités réelles des élèves. Par exemple laisser trop d’autonomie à un groupe qui n’a pas encore construit une autodiscipline assez solide, ou au contraire être trop rigide sur les règles en pensant que cela va permettre le calme alors que cela peut au contraire « faire exploser » les élèves.

Le confinement a rendu l’avenir plus incertain

Comme je misais plutôt sur les oraux, il va falloir que je bosse à fond pour essayer d’avoir le plus de points possibles aux écrits. Ça m’angoisse un petit peu, parce que les notes attendues vont être beaucoup plus élevées. Donc je fais des exercices de mathématiques et de français tous les jours avec des ouvrages de préparation au CRPE. Je fais également un concours blanc par semaine.

Je suis beaucoup moins dans la réflexion par rapport à la construction de séquences et à la pratique en classe (comment gérer les différences de niveau, comment favoriser le travail actif des élèves etc.). Je ne travaille plus que sur l’augmentation de mes capacités en mathématiques et en français. Cependant, je travaille davantage sur les corrections de copie, analyse de manuel, et analyse de séquence d’enseignement.

Pour Emma, la sélection en master a été une véritable source d’anxiété. Entre la compétition et les exigences élevées pour espérer y entrer, sa L3 l’a mise à rude épreuve.

J’ai peur d’avoir moins de chance de réussir le concours. Il y a 10 800 postes au CRPE cette année sur 87 000 candidats. Si je ne suis pas prise, je pense travailler à mi-temps dans une école privée et continuer à le préparer pour le passer l’an prochain. Cela serait très compliqué pour moi de le préparer une année de plus puisque j’arrive à la fin de mon chômage, et qu’il va falloir que je travaille en même temps. Cela représenterait une grosse charge de travail.

Je comprends les difficultés d’organisation du concours et la nécessité de changer les modalités de celui-ci. Mais, malheureusement, cela rend l’avenir plus incertain.

 

Chloé, 30 ans, étudiante, Paris

Crédit photo Pexels // Andrea Piacquadio

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