Emilie B. 24/05/2019

Travailler à l’étranger m’a permis de me surpasser

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Partie six mois en stage en Irlande avec Erasmus, j'ai dû assumer beaucoup de responsabilités. Des tâches souvent épuisantes, qui m'ont permis de me rendre compte de ma force.

L’angoisse. Le 20 Novembre 2017, l’année de mon bac (pro), je suis partie seule, sans mes parents, dans un pays que je ne connaissais pas : l’Irlande. Y trouver un stage dans le social, n’a pas été simple. J’ai commencé par chercher dans des « charity shops », mais je n’ai jamais eu de réponse. Puis, j’ai eu un déclic, je me suis souvenue que l’Arche [association pour les personnes en situation de handicap] était implantée partout dans le monde, et notamment en Irlande. J’ai envoyé des mails, avec lettre de motivation et CV. Au bout d’une semaine, j’ai reçu une réponse… négative. J’étais dégoûtée. Puis en lisant mieux le mail, je me suis rendu compte que la personne me parlait d’une autre communauté appelée « Camphill Community », comme l’Arche, mais en plus petit. J’ai trouvé 18 établissements, génial ! Sur 18 mails envoyés, une seule structure m’a répondu. Mais cette fois, c’était la bonne. C’était un « Oui » !

Arrivée à « Camphill Community Grangbeg », je me suis retrouvée dans la VRAIE campagne irlandaise : beaucoup de vert, beaucoup de moutons et un peu de pluie (évidemment). J’étais loin de tout. Le bus le plus proche était à 16 kilomètres, la ville la plus proche à 20 minutes et il n’y avait pas vraiment de réseau…. « Mais qu’est ce que je fous là ! » C’est ce que je me suis dit quand le personnel m’a fait visiter la structure. Il y avait deux maisons adaptées pour les personnes en situation de handicap vivant sur le site, un bâtiment pour les pauses et les réunions et enfin, une ferme avec des animaux comme des cochons, des vaches, des alpagas, des poules et évidemment des moutons. Il y avait aussi un immense potager et deux serres.

L’intérieur de la maison dans laquelle j’allais vivre était en bois. C’était magnifique : une très grande cuisine moderne, un salon avec cinq-six fauteuils et deux canapés un peu usés. Juste en face, il y avait une armoire avec une tonne des DVD en désordre et une petite télé qui ne lisait, justement, que les DVD. Puis, j’ai enfin découvert ma chambre juste à côté d’une salle de bain que je partageais avec les personnes en situation de handicap. Elle était petite, mais elle me convenait. Il y avait un lit une place, un évier avec des étagères et un petit bureau face à la fenêtre qui donnait sur la magnifique plaine verte.

Après la visite et les présentations aux personnes vivant sur le site, je suis repartie dans ma chambre et j’ai directement appelé ma mère en pleurant pour lui dire que je voulais rentrer.

Des patates écrasées avec une sauce marron bizarre et gluante

Je suis très proche de ma famille. J’avais déjà voyagé plusieurs fois à l’étranger, mais toujours accompagnée par mes parents. C’était mon premier voyage solo sans papa pour m’indiquer où aller ni maman pour me rassurer. Mais ils m’ont beaucoup encouragée à rester sur place. J’étais co-worker, c’est-à-dire que je travaillais dans la ferme, dans la maison et avec les personnes en situation de handicap six jours sur sept, 24h/24, avec une petite gratification chaque semaine. J’avais aussi droit à dix jours de congés.

Marouane a lui aussi passé six mois à l’étranger en stage avec Erasmus. En Angleterre, il a appris à être plus tolérant et avoir davantage confiance en lui. « Passer six mois en Angleterre m’a fait grandir »

Le matin, je devais me lever à 8h pour préparer le porridge, le thé et le café pour tout le monde. Puis, vers 9h, la première activité de la journée commençait, avec une pause à 11h. À 13h, nous rentrions manger ce que Mag’s, la cuisinière, nous avait fait. Généralement, sur la table, il y avait : des patates écrasées (sans beurre ni lait) avec une sauce marron bizarre et gluante qu’ils appelaient « gravy », du porc ou de l’agneau et un peu de salade (très peu même). Entre 14h et 14h30, j’avais droit à une petite pause avant de retourner travailler jusqu’à 17h. Puis, je commençais à faire le souper pour 18h, pour les quatre personnes qui vivaient avec moi et les éducateurs. Le plus souvent, je faisais des pâtes car j’étais très fatiguée de ma journée et aussi parce que je ne savais faire que ca.

Après, j’étais tranquille jusqu’à 22h, heure à laquelle je devais coucher une des usagers à qui il fallait faire la «  routine » du soir (lui mettre le pyjamas, lui laver les dents…). J’avais aussi, la nuit, un bipeur une à deux fois par semaine car une de nos personnes avait un problème de mémoire et se levait des fois la nuit ne sachant plus où elle était.

Si j’avais su tout ce que j’allais avoir à faire en Erasmus…

Mais ce qui m’inquiétait le plus, c’était la ferme. Car même si en France je vis à la campagne et que je suis déjà rentrée plus d’une fois dans une ferme… Y travailler, c’est différent. Durant mon séjour, j’ai énormément bossé dans les serres. J’ai planté des graines, retiré les mauvaise herbes, arrosé les plantes. J’ai aussi travaillé dans le champs, pour retirer les carottes et les pommes de terre. Tout ça, le plus souvent dans le froid et sous la pluie. Février et mars ont été les mois plus durs, car en plus de la routine, c’était la période de mise bas des moutons. Le fermier avait demandé aux co-workers de faire des rondes toute les deux heures après le travail pour vérifier si il n’y avait pas de brebis qui mettait bas sans aide et de nourrir les agneaux toute les trois heures au biberon (toute les trois heures… jours et nuits !).

Heureusement, je n’étais jamais seule : nous étions cinq co-workers venant de différents pays et ayant le même âge. Jil et Hanna étaient Allemandes, Haû venait du Vietnam et Kershia était Sud-Africaine. Nous étions comme des frères et sœurs, nous nous soutenions dans les coups dur. Nous nous sommes même bien amusés.

Les mois ont passé et je me suis habituée à vivre avec toutes ces charges, qui m’ont énormément apporté. J’ai grandi et je suis plus débrouillarde. Si j’avais su tout ce que j’allais avoir à faire avant de partir, je pense que n’aurais pas osé me lancer. Je ne me serais pas sentie à la hauteur. J’aurais eu trop peur de ne pas y arriver. Alors, qu’en fait, j’ai réussi à tout gérer. Seule, à l’étranger, je me suis découvert des ressources insoupçonnées. Mieux, l’expérience Erasmus a été comme une thérapie. J’avais des difficultés à m’intégrer à l’école et j’ai subi du harcèlement scolaire. Cette expérience m’a permis de reprendre confiance en moi et de devenir plus autonome. Cela a aussi confirmé mes choix professionnels. J’ai trouvé du sens à aider les personnes les plus vulnérables. Et ces personnes, par leur simple sourire, m’ont amenée à penser que j’avais fait le bon choix professionnel, devenir éducatrice.

 

Emilie, 21 ans, en formation, Agen

Crédit photo Pixabay // CC rawpixel.com

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5 réactions

  1. Moi je suis sénégal , étudiant et je vis au Sénégal . Oui en lisant son article je trouve qu’elle est faramineuse et aussi génial, elle accepte aussi la vie du destin, je voulais juste savoir tout début est difficile, mais, il faut croire en soi. Merci bonne continuation sister.

  2. Quelle belle expérience tu nous fait partager Emilie. Beaucoup de richesse et comme tu dis, des ressources insoupçonnées face à l’instinct de survie.
    Nous avons découvert en toi une belle personne.

  3. Quelle belle initiative et quel récit !!!
    FORMIDABLE !

  4. Un grand merci à la ZEP de permettre à nos jeunes de partager leurs expériences riches de sens ! Grâce à ces belles aventures humaines, ils s’ouvrent sur le monde, sa diversité culturelle et s’épanouissent avec des rencontres qu’ils n’auraient pas imaginées possibles. Ils construisent leur avenir via des échanges inoubliables, au contact de l’Autre avec un grand A, l’Autre avec ses différences et qui leur apporte tant…
    Un grand merci bien sûr aussi au dispositif ERASMUS+, au lycée Gustave Eiffel et à leurs équipes engagées dans ce beau dispositif !!
    En espérant que le parcours de chacun donne envie à beaucoup d’autres de se lancer dans l’aventure ! La force de la jeunesse est là !
    J’espère que l’institution et notre société continueront à mettre en valeur le potentiel de nos enfants et sauront poursuivre et faciliter l’accès à ces dispositifs d’échanges, notamment européens, à tous ceux qui le souhaitent.
    Merci à tous les intervenants actifs et engagés dans ces rapprochements humains et professionnels et continuons d’agir pour améliorer encore leur mise en oeuvre !

  5. Je connais Emilie et c’est vrai que quitter sa famille a été un déchirement. Il est vrai aussi qu’elle est revenue plus autonome et que cette expérience l’a faite grandir.
    Elle est de nature généreuse et bienveillante, le travail auprès des personnes en situation de handicap est vraiment ce qui lui convient.
    Je lui souhaite tout le meilleur pour la suite et le fait que les jeunes puissent vivre de telles expériences, je trouve cela très bénéfique pour eux ainsi que pour les personnes qui les reçoivent.

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