Nous les enfants d’immigrés, nous les mutants
En jetant un œil à mon parcours, je me suis rendu compte à quel point il a toujours été difficile de trouver ma place parmi les autres. Et qu’étant d’un naturel solitaire, je me contentais de cette situation. Pourquoi ?
Parce qu’issu de cette « deuxième génération », parce que trop introverti ou parce que hors-normes tout simplement.
En discutant avec un ami, cette évidence m’a sauté aux yeux. Nous, enfants d’immigrés ayant grandi dans ce pays, sommes des mutants.
Une vie très différente de celle de nos parents
Mais qu’est-ce qu’ un mutant ? Voici les définitions que nous donne le dictionnaire.
Mutant, adj. : Se dit d’une cellule, d’un clone cellulaire ou d’un organisme dérivant d’une cellule qui a été le siège d’une mutation.
Mutant, nom : Dans la science-fiction, être issu de la ligne humaine, mais qui présente des qualités extraordinaires.
Alors oui, nos parents ont consenti au déracinement pour diverses raisons, mais presque toujours avec l’espoir d’une vie meilleure. Il en résulte que nous, leurs enfants, sommes « condamnés » à vivre une vie très différente des leurs.
Nous, enfants d’immigrés ayant grandi dans ce pays, sommes des mutants.
Et parce qu’eux-mêmes ne savent pas vraiment quelle vie ce pays pourra nous accorder, nous devons par nos propres moyens tenter de définir nos propres repères. Mélange plus ou moins équilibré des règles inculquées par nos parents et des codes dictés par ce pays qui nous a vu grandir, notre pays.
Lutter pour embrasser ses différences
Cette tâche est ardue et bon nombre d’entre nous s’y perdent et ne reviennent jamais. Tandis qu’une bonne partie jongle encore à essayer de trouver l’équilibre qui nous permettra de jouir de nos « qualités extraordinaires » sans renier aucune de ces deux sources.
C’est mon combat quotidien en tant que mutant.
Mais il serait erroné de penser que nous fils et filles d’immigrés sommes les seuls à poursuivre ce combat qui n’est rien d’autre qu’une quête d’identité. Nous ne sommes qu’un type de mutants parmi d’autres. Au sein de cette communauté de personnes qui luttent quotidiennement afin d’embrasser leurs différences, leurs « qualités extraordinaires ».
Je crois que nous sommes tous un peu mutants, car simplement humains. Et en tant que tel, il ne s’agit pas pour nous de trouver notre place. Car comme quelqu’un me l’a très intelligemment fait remarqué un jour, nous n’avons pas de place prédéfinie ni ne devons chercher à rentrer dans une place qui ne nous sied pas, car après tout nous ne sommes pas des objets, mais des êtres humains. Il nous incombe alors de créer cette place qui deviendra notre, de trouver notre voie dans ce monde afin d’affirmer notre voix dans cette vie.
Zala, 21 ans, mutant
Crédit photo Ryan McGuire