Tu trouves ça gay ?
Alors que l’été se termine, il me tenait à cœur d’amener ma copine voir le film 120 battements par minute. Elle attendait cela depuis trois semaines. On en sort avec les yeux pétillants. « Il est déjà 23h30 ?! » On se dépêche de quitter le quartier de la Défense pour ne pas rater le dernier train. En descendant les escaliers, dans l’obscurité, on voit une bande de potes bien alcoolisés en train de crier et de se battre. Je n’étais déjà pas vraiment rassurée de passer par ici, je savais qu’à cette heure-là, c’était un peu craignos. Un homme nous interpelle : « Salut les filles ! Vous êtes très charmantes toutes les deux. Vous faites un beau couple. » Gênées, on répond timidement et méfiantes : « Merci c’est gentil. » Puis nous reprenons notre chemin, main dans la main.
Il pleut des cailloux !
« Mince… Il pleut ! Je rêve ou il pleut des cailloux ? » On ne comprend rien. On cherche d’où cela peut venir, quand tout d’un coup, je me retourne et je vois quatre hommes, grands et musclés nous jeter des cailloux. Parmi eux, le gars qui nous avait fait un compliment. Je pensais que son compliment était sincère.
A cet instant, mon seul objectif est de trouver un refuge pour protéger ma copine. Comment réagir ? Aller à la confrontation ? Tenter un dialogue ? Ne cherche pas… Dans ces moments-là tu sais bien que tu es impuissante. La rage te domine et te paralyse. Tu t’imagines des scénarios où tu arrives à leur faire comprendre que oui, c’est normal et possible que deux filles sortent ensemble. Mais non, ça n’arrivera pas…
Ce qui m’a le plus perturbée cette nuit-là, ça n’a pas été de recevoir des cailloux, mais d’avoir vu un sentiment de honte dans les yeux de ma copine. Elle n’osait plus me tenir la main.
Les agressions détruisent les gens, les rendent craintifs et les changent. Ils se réfugient chez eux et ne savent plus ce que c’est de vivre pleinement. Ce soir-là, c’est exactement ce qu’il s’est passé.
Avec ma copine, on a essayé de comprendre leur acte : est-ce que c’était le fait que l’on se tienne la main ? Que l’on soit deux filles, seules, le soir ? Nous n’aurons jamais de réponses. Reste le souvenir de cette nuit : on s’est réellement senties comme des monstres, comme si nous n’avions pas le droit de nous tenir la main et que tout cela était contre nature. Alors que pas du tout !
À nous regarder ils s’habitueront
Ce soir-là, en rentrant, nous avons cherché des témoignages et nous sommes tombées sur un texte bouleversant : l’histoire d’un jeune homme de 20 ans qui, en sortant d’un bar un samedi soir, s’était fait fracasser la tête par groupe de mecs. Pourquoi ? Parce qu’il tenait la main d’un autre homme. Anthony, la victime, expliquait qu’il avait été roué de coups et que le mot « pédé » accompagnait leurs gestes.
En apprenant son homosexualité, la famille d’Océane a très mal réagi. Aujourd’hui encore, certains ne l’acceptent pas.
Ce n’était pas la fin de soirée dont j’avais rêvé, mais je me suis sentie rassurée de voir que nous n’étions pas les seules à qui ce type de situations arrivait. On croise des cons partout, la seule manière pour ne pas se cacher, c’est de passer outre ces agressions. Comme René Char l’a dit un jour : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder ils s’habitueront. »
Meggane S, 21 ans, étudiante, Université Paris Nanterre
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