À Haïti j’ai souffert, mais mon pays me manque
Ma maman est morte en 2006. J’avais 8 ans. J’étais perdue. Je suis partie avec ma grande sœur vivre chez ma grand-mère qui habitait la maison d’à côté. Elle me maltraitait. Elle me mordait. J’ai encore la marque sur le pouce. En 2011, ma grande sœur est morte elle aussi. Je suis allée vivre avec mes deux grands frères. Quand ils sont venus me chercher chez ma grand-mère, ils ne lui ont pas dit qu’ils allaient repartir avec moi. On a juste disparu.
En 2013, j’ai encore déménagé. Je suis partie vivre à Port-au-Prince avec deux autres grandes sœurs, du côté de mon père cette fois. C’est mon père qui l’a voulu. Pour qu’elles m’aident à régler mes papiers à l’ambassade de France. Pour que je puisse le rejoindre en France. Depuis, elles sont parties vivre au Chili. Il a fallu deux ans pour faire les papiers. En 2015, mon père est venu me chercher pour me ramener en France. J’avais 16 ans et je ne l’avais vu que deux fois dans ma vie, puisqu’il était parti de la maison avant ma naissance.
Quand je suis arrivée, Haïti me manquait
C’était la première fois que je venais en France. Je rêvais d’habiter ici. Des logements solides, des spectacles… Je ne connaissais pas du tout Paris. Je me suis retrouvée dans un autre monde. Des bâtiments hauts, des voitures bien garées, le métro… Je suis arrivée le 13 avril 2015. L’appartement est petit. Ma chambre est petite. Je n’ai pas de bureau. Pour faire mes devoirs, je suis assise sur mon lit. J’habite avec mon père et ma belle-mère. Mon père travaille dans le bâtiment. Il est fatigué quand il rentre. Il commence à avoir du mal à marcher. Il a 55 ans et ma belle-mère 64.
Quand je suis arrivée, j’ai passé trois nuits à pleurer, Haïti me manquait. Quand je suis arrivée à la maison, plus d’enfants pour jouer, parler, discuter. Je me sentais seule. Je restais à la maison avec ma belle-mère. Depuis qu’elle est mariée avec mon père, elle ne travaille plus. Elle aidait les personnes âgées avant.
J’ai commencé l’école en septembre. Entre temps, je suis restée à la maison et je m’entrainais à écrire. Je recopiais un gros livre sur l’histoire de France. Je regardais aussi la télé pour améliorer mon français. Plein de dessins animés. Ça m’a aidé parce qu’avec mon père, je parlais créole.
Ça m’a fait plaisir de commencer l’école. Le premier jour, on était que deux dans la classe d’insertion (CSI). Avec Adama. Après, j’ai ma copine de Gare du Nord qui est venue au lycée. À la fin de l’année, on était 15. Quand la prof parle, j’écoute, j’écoute, je lève la main, je réponds. Elle dit : « Bravo Hélène. » Y’a un élève, la prof lui a donné un devoir à faire à la maison pour la lecture et l’écriture. Il a écrit : sambe. Pour chambre. Ça m’a fait rigoler, beaucoup.
À Paris j’ai peur d’habiter toute seule
L’année était difficile, et j’ai redoublé. En 2016, j’ai continué à apprendre. Après ça, j’ai fait un CAP pressing. Ça me plait. Au début, je voulais travailler dans la petite enfance ou l’esthétique. Mais maintenant, ça va. On apprend à repasser un pantalon, une chemise, un pull pour femme ou pour homme. Ça j’aime bien. J’ai deux ans de CAP. Y’a beaucoup de jeunes qui viennent de la classe d’accueil. Il n’y a qu’une seule Française dans ma classe, Léa. Ce n’est pas elle qui a choisi. Comme moi. C’est le lycée qui a choisi.
Ma belle-mère m’a dit que quand je commencerai à travailler, elle va partir voir l’assistance sociale pour qu’elle me cherche un appartement, ou un petit studio. Moi, j’ai peur d’habiter toute seule. Si tu as un problème pendant la nuit, tes parents ne peuvent pas le savoir. Si tu tombes malade par exemple. Je préfère être avec des gens.
J’aimerais rentrer à Haïti, un ou deux ans. Depuis onze mois, je n’ai plus de nouvelles de ma famille là-bas. Si seulement je pouvais y aller, même en vacances. Mais c’est trop cher.
Hélène, 18 ans, lycéenne, Paris
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Salut Hélène, jolie témoignage. J’ai un parcours un peu similaire au tien. J’aimerais bien te parler en privé. Alors si tu lis ça, réponds je te donnerai plus de détails 🙂
linion fè lafos