Le burn-out : on en entend beaucoup parler, je l’ai vécu
Il m’est tombé dessus comme une masse.
C’est un moment où ta vie, lumineuse et étincelante, passe sans prévenir dans un tunnel, oppressant et sombre. J’exagère quand je dis « sans prévenir », parce que bien sûr j’ai essayé de me prévenir quand le voyant rouge s’est allumé. « Je », mon corps et mon cerveau, mon physique et mon psychisme, ensemble, à deux et à l’unisson.
La migraine, chaque jour, pendant trois semaines
Quand ce voyant rouge s’est allumé, j’étais trop occupée à remplir mes journées de mille choses plus stimulantes les unes que les autres : études, job étudiant, engagements associatifs et élargissement de réseau, en plus des sorties de loisir.
D’abord, j’ai senti le choc, un coup violent, une douleur intense mais passagère. J’ai vite posé une main dessus, en appuyant très fort comme pour stopper l’hémorragie, en me persuadant que ça ne faisait pas si mal, que si je me le certifiais, la douleur s’apaiserait.
Alors j’ai changé mes habitudes. J’ai dormi quelques bonnes nuits, limité mes sorties à une soirée arrosée par semaine en week-end. Bingo. J’ai passé mes journées à penser à autre chose, puis à complètement oublier ce choc. Je me suis occupée davantage et il est passé complètement inaperçu. Comme disparu. Quelques jours de vacances et la marque avait quitté mon crâne…
Que neni. Après l’euphorie de deux semaines sur les rotules, l’adrénaline a commencé à redescendre et la douleur est revenue. Après la série d’angoisses nuptiales quotidiennes comprenant cauchemars et réveils multipliés, la migraine est venue m’achever, comme ça, en plein jour. Chaque jour. Durant des jours. Trois longues semaines.
Ma vie m’angoisse à m’en tordre les tripes
Je ne me laisse pas abattre pour autant et mets rapidement en place un brainstorming d’excuses bidons et de culpabilité dévorante histoire de recréer des énergies.
Je ne la fais plus à l’envers à mon corps qui, dans des cris stridents interminables, ajoute à mon quotidien quelques pleurs dans le noir. Une pincée d’insomnies. Arrive le jour où je ne supporte plus le lundi matin. Ni les samedis arrosés. Mon corps vomit simplement sa propre existence.
Je me retrouve en pleurs dès neuf heures du mat’ parce que ma journée, ma semaine, ma vie m’angoissent à m’en tordre les tripes.
Chaque matin est devenu un combat. Combattre la fatigue et le mal de crâne que produit le réveil. Le corps lourd qui reste comme collé au matelas. La loi d’attraction plus forte à chaque nouvel éveil. Combattre le coup de l’emploi du temps qui défile immédiatement dans le cerveau, le coup de marteau des heures qui défilent sans s’arrêter.
Il faut se contre battre les pleurs, qui viennent se faufiler, juste avant de mettre le pied dehors, les pleurs de cette journée qui commence réellement, cette infinie tristesse de se sentir à peine capable de sourire à la personne qu’on aime. Combattre la souffrance et le déchirement chaque fois qu’elle ferme la porte derrière elle, et la culpabilité de se sentir comme une épave, faible et incapable de gérer ses émotions. Émotions qui sont disproportionnées et qui jouent de l’état «zombitique» de l’être. Et puis combattre, inlassablement, la vision sombre et terne de son propre soi. Le bateau qui dérive et éclabousse son port d’énergies négatives.
Repérer le burn-out avant qu’il ne vous ronge trop
Toute chose un peu compacte est devenue difficile à avaler.
Les mots, les aliments, les regards fuyants. Et surtout le sentiment d’abandon qui se glisse partout, dès qu’un espace se libère, même de quelques millimètres. Blessant, effrayant.
Toute la perversité de cette maladie réside dans le fait qu’elle va lourdement insister pour que l’esprit, durant tout le long de ces longues journées, soit constamment occupé. L’hyperactivité va s’accentuer, chaque jour. Il est très probable d’accepter de nouvelles réunions, de renoncer à l’après-midi qu’on s’était promis de demander à son patron, de lever le doigt pour se positionner sur de nouveaux projets. La rapidité des heures qui défilent n’est pas étonnante, elle va devenir angoissante. Angoissante parce que les journées suivantes vont toujours demander plus de devoirs du soir.
Après plusieurs petits boulots, Teddy en a eu marre. Marre de travailler comme une fourmi, sans que tout ça n’ait de sens. Il témoigne : « Je ne veux pas d’une vie de travail et de sacrifices ».
C’est simple, chaque journée qui se termine aboutit uniquement sur la journée d’après. Les angoisses laissent peu de répit.
La difficulté est de ne pas tomber dans le piège de la victimisation. Accepter la maladie, le burn-out et le combattre réellement, c’est réussir à trouver l’équilibre entre agir en conséquence et donner un nom à son mal être, sans se complaire dans la situation.
Le plus difficile est de réussir à repérer le burn-out avant qu’il ne vous ronge trop. Pour remonter, doucement, en acceptant de l’aide et beaucoup de repos. En acceptant les cicatrices qu’il laisse. Et surtout, surtout ne pas négliger les leçons qu’il donne. Apprendre de soi, continuer à s’écouter, ne pas s’abandonner. Ecouter les proches qui ont essayé maintes et maintes fois de vous prévenir.
Le corps et l’esprit méritent que l’on prenne soin d’eux.
Carole D., 22 ans, étudiante (master en sociologie), Poitiers
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