Se loger à Paris : une loterie… et des cartons
Juin 2017. Paris. Je viens de valider ma licence. « Que vas-tu faire de ton été ? Tu vas en profiter ? » C’est ce que tous mes amis de la fac me demandent. « Non mon pote ! Cet été, ça va être galère. » Car, cet été, je dois trouver un logement.
Je savais que ça finirait par m’arriver. Depuis trois ans, j’avais trouvé une planque, un moyen de ne pas mendier quelque mètres carrés sous les toits de Paris. J’étais dans un foyer étudiant. Un de ces endroits où les chambres sont plutôt propres et le loyer pas trop cher. Mais au mois d’avril, le directeur de mon foyer m’a annoncé qu’il ne pouvait pas me garder une quatrième année.
C’est la règle. Je vais devoir partir.
Tu as les bons chiffres ou tu ne les as pas
Me voilà donc parachuté au cœur de la plus grande loterie de France : le marché immobilier parisien. C’est un énorme casting de la Nouvelle Star sauf que là, ce n’est pas ta voix qu’on juge mais ta feuille de salaire. Ou celle de tes parents. Les règles de cette loterie sont simples : déposer un maximum de dossiers de candidature en espérant que l’un des propriétaires des studios visités ne reçoive pas de meilleur dossier.
Pourtant mes parents sont de bons garants. Ils additionnent deux salaires de cadres en fin de carrière, mais cela ne suffit pas. Parfois, les visites se font en groupe et là, chacun essaie de deviner si le dossier de son voisin est meilleur que le sien. C’est à celui qui fait la meilleure impression au propriétaire. C’est tout juste s’il ne faut pas apporter une lettre de motivation. Heureusement ou non, ce n’est pas à chaque fois à la tête du client, vu que souvent, ce n’est pas le propriétaire qui fait les visites mais un agent immobilier qui se contente de prendre ton dossier.
C’est alors très mathématique : soit tu as les bons chiffres, soit tu ne les as pas.
Je campe dans les cartons
Je passe donc mes journées à faire le tour des studios de Paris avec les fiches de paye de mes parents. Les endroits sont tous plus miteux les uns que les autres. L’humidité, la saleté et le manque de lumière sont la norme. Mais je ne me fais pas d’illusion, les prix sont bien trop hauts sur ce marché où l’offre fait la loi face à trop de demandes. Je n’aurai pas un palace dans la gamme de prix recherchée : environ 600 euros.
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Fin juin, j’arrive enfin à trouver un studio pour lequel mon dossier est accepté. Je gagne le droit de payer bien trop cher un logement bien trop petit. Ce n’est pas vraiment moi l’heureux gagnant, mais plutôt mes parents. Ce sont eux qui signent le bail et avancent deux mois de loyer en caution. 650 euros pour 22.5 m². Je me charge de signer l’état des lieux lors d’une dernière visite qui me laisse une chance de repérer les possibles arnaques ou moisissures. L’endroit est plutôt propre… à première vue. Si on regarde dans le détail, on se rend compte que la crasse est partout. Je passe un weekend avec ma copine à tout nettoyer à la javel. Je peux enfin déménager mes cartons.
Enfin dans mon tout premier chez moi… Ce n’est pas vraiment chez moi. Mes parents m’ont dit que je finirai de m’installer en septembre. En attendant je me retrouve à camper. Je dors sur un matelas gonflable de camping au milieu des cartons et des livres de la fac. Je mange assis sur le parquet avec mon couteau-suisse et mon gobelet de festival. Tout cela évidemment sans lumière, car comme beaucoup d’appartement parisien, il n’y a pas d’ampoule au plafond mais juste des prises pour des lampes de salon. Heureusement que le jour tombe tard en été. Pour avoir internet, je vais au Starbucks.
Vivement la rentrée.
Paul C., 22 ans, étudiant en L3 (Université Paris Nanterre)
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