Après les pleurs, faut-il avoir peur ?
Je suis choquée, atterrée, par ce qui s’est passé. Plus que jamais, je ressens toute la détresse, la folie qui s’empare progressivement de ce monde. Et aujourd’hui, plus que jamais, je crois que la France vient de tourner une page de son histoire. Aujourd’hui, pour la première fois, je ressens de la peur. Peur de ce que sera l’avenir en France. Et dans le monde en général.
Je ne parle pas de cette peur qui rend con, cette peur primaire qui nous pousse à rendre les musulmans responsables de tous les maux de notre pays, de chercher des boucs émissaires au sein des populations les plus opprimées, etc.
Non, je parle d’une autre sorte de peur ; la peur, bien réelle et fondée, de vivre dans ce monde dans les cinquante prochaines années. Plus je réfléchis à tout ce qui arrive, plus je nous sens démunis et impuissants… Quand je pense à ce que devient le monde, j’ai envie de pleurer.
Les événements récents m’ont fait énormément réfléchir. Sur plein de choses.
Outre la question de la liberté d’expression, qui est clairement remise en cause et menacée en France dorénavant, je m’interroge sur ces assassins. Les frères Kouachi. Et je me demande; « Pourquoi ont-ils fait ça ? Qu’est-ce qui les a amenés, petit à petit, à penser ça et à passer à l’acte ? »
La réponse que j’en tire ne fait pas plaisir à entendre. Mais il faut quand même la dire. Nous sommes tous responsables. La France a engendré ses propres monstres.
Les frères Kouachi ne correspondaient pas à l’image qu’on se fait des terroristes en général. Ils sont nés ici, ont grandi ici, ont été embrigadés et « formés » ici. Ils étaient des p’tits jeunes comme on en voit tant dans les quartiers. Ça aurait pu être votre pote, votre frère, votre fils.
Deux jeunes paumés aux parents humiliés
Toute cette histoire me rappelle tristement le film « La désintégration », de Philippe Faucon.
Dans cette histoire, Ali, Nasser et Hamza, trois jeunes d’une cité lilloise, révoltés et perdus dans une société qui les rejette et dans laquelle ils ne trouvent pas leur place, se font manipuler et enrôler par Djamel, dix ans de plus qu’eux, qui réussit à les convaincre de commettre un attentat au nom du djihad.
On y voit toute la détresse de ces jeunes qui font quotidiennement face au racisme et à la discrimination, à la difficulté de trouver du travail, aux problèmes sociaux, familiaux, à la vie de quartier, parqués comme du bétail dans des tours de béton.
L’endoctrineur joue là-dessus et parvient à leur faire rentrer dans la tête que « oui, la société française ne veut pas d’eux. »
Et quelque part, cette phrase n’a jamais été aussi vraie qu’aujourd’hui.
Je ne pense pas que les frères Kouachi connaissaient bien l’Islam. Peut-être n’avaient ils même jamais lu le Coran ? Je ne pense pas qu’ils étaient de vrais religieux. Je pense qu’ils étaient, comme dans ce film, deux jeunes aussi paumés l’un que l’autre, aussi révoltés l’un que l’autre, vouant une haine sans borne à une société qui les a rejetés, petit à petit, depuis des années. Une société qui humiliait leurs parents en les traitant depuis des années comme des citoyens de seconde zone.
Ce drame m’a tout de suite fait penser à cette citation de Victor Hugo, de l’époque de la Commune, qui sonne étonnamment vrai aujourd’hui :
« Hélas, combien de temps faudra-t-il vous le redire
à tous que c’était à vous de les conduire.
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,
que votre aveuglement produit leur cécité.
D’une tutelle avare nous recueillons les suites,
et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin.
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe…
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte. »
Le sentiment que ça peut péter à tout moment
De nombreux professeurs ont entendu des choses très dures lors de la minute de silence et pendant les jours qui ont suivi la nouvelle. Beaucoup d’élèves de confession ou de culture musulmane, sûrement dans un esprit de provocation, ont apparemment donné raison aux tueurs en revendiquant le fait que Charlie Hebdo était menacé depuis longtemps, et qu’ils n’avaient qu’à arrêter. D’autres ont évidemment mis en avant le fait que représenter le prophète était un blasphème, et qu’il était donc normal qu’on les punisse.
Beaucoup de profs ont été horrifiés et terriblement blessés par certains propos. Cela ne m’étonne pas du tout. La plupart de ces gamins ne se sentent pas ou plus du tout français. Et on peut les comprendre…
L’école et tous les acteurs éducatifs qui travaillent avec ces jeunes « délaissés » ont beaucoup de boulot. Il y a là quelque chose qu’il faut complètement revoir et changer.
Les profs ne sont plus considérés comme des personnes de confiance. Les jeunes n’arrivent plus à leur parler. Il y a une vraie rupture du dialogue et de la communication qui s’est opérée ces dernières années. Il faut que ça change. Les profs et l’école sont les seuls, en dehors de la famille, qui peuvent leur donner la chance de comprendre le monde qui les entoure et d’apprendre en toute objectivité à penser par eux-mêmes.
Être arabe et musulman en France aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile. Et avec les récents évènements, ça va se corser encore davantage. Je suis sûre que le Front National va grimper en flèche. Je sens cette tension, cette peur… Je sens les regards différents des gens sur les femmes voilées dans la rue. Il y a eu une rupture. La goutte d’eau de trop. Ceux qui n’étaient pas convaincus avant le sont désormais et leurs discours me donnent envie de vomir et me fait peur. Le sang par le sang !
Pas moins d’une cinquantaine d’actes islamophobes recensés dans toute la France ces derniers jours…
Oui, malgré ce magnifique élan national et international de soutien en faveur de la liberté d’expression, émouvant et inattendu, j’ai bien peur que l’avenir ne soit pas radieux.
La tension est vive, et j’ai en permanence le sentiment que ça peut péter à tout moment. En ce moment particulièrement. Tout le monde est à cran et il suffirait de peu de choses.
Mais il n’est pas trop tard pour dire à tous ces jeunes que ce n’est pas la France, ce pays qui les a vus naître et qu’ils ne reconnaissent plus comme le leur, qui les méprise et les hait. Juste les plus cons d’entre nous.
Camille, 23 ans, volontaire en service civique, Perpignan
Crédit photo Flickr CC Emilien Etienne
tout à fait, il faut chercher les motifs qui poussent les frères Kouachi à assassiner les journalistes de Charlie Hebdo, ces journalistes-là n’ont pas eu raison lorsqu’ils font avec moquerie la caricature des religions monothéistes. de quelle liberté d’expression la France parle-t-elle si dans les caricatures de Charlie Hebdo que ce soit concernant la moquerie de Jésus Christ ou du Prophète Mohamed, Charlie Hebdo fait de la peine à plus de 2 milliards de chrétiens et insulte plus d’ un milliard et demi de musulmans? la liberté d’expression se termine lorsqu’elle commence à perturber et à offenser les autres. mais ça ne justifie pas non plus l’homicide des frères Kouachi,ils sont des assassins et méritent la punition juridique y correspondant.