Avec mon job d’été j’ai découvert qui j’étais
L’été, c’est la période des boulots saisonniers. Le genre de boulot qui ne te passionne pas vraiment, où tu te fais gentiment exploiter, mais qui te sert à payer ton loyer et remplir ton frigo. Evidemment, comme tout jeune sans le sou, cet été j’ai aussi fait un boulot saisonnier. Mais pour moi, il a été une révélation. Ma révélation.
Des pathologies et la vie devient compliquée…
Mon travail consistait à être l’animatrice d’un petit groupe d’adultes en situation de handicap. Un mois de travail, deux groupes, 15 jours chacun.
Des vacanciers de 35 à 86 ans avec des pathologies, des personnalités, des problématiques très différentes.
Nous étions deux animateurs et une responsable à encadrer six personnes par groupe. Nous étions tous dans un immense gîte, au milieu de la campagne vendéenne. Nous assurions donc la vie quotidienne : les repas (en quantité pour 10 à chaque fois s’il vous plait), les toilettes, l’animation, les ateliers, les courses, la prise des médicaments, les sorties… Des tâches pas forcément faciles.
Ma première douche fut d’ailleurs assez épique puisque mon vacancier m’a échappé et a déambulé tout nu dans le premier étage.
Comme vous vous en doutez, certaines personnes pouvaient rendre les tâches très simples et d’autres les rendre très compliquées.
En effet, nos vacanciers sont peut-être adultes mais ont des handicaps pour la plupart mentaux, voire physiques et mentaux. Régimes alimentaires particuliers, angoisses répétées, colères exacerbées, déplacements ralentis… La vie peut vite devenir très compliquée.
Le genre de boulot à fuir…
Être présente 24h sur 24 impliquait aussi une attention de chaque instant : les temps de repos étaient souvent rares, même la nuit (qui s’est déjà fait réveiller à 3h du matin pour prendre un thé ?).
Il fallait également gérer sans cesse le groupe pour des conflits entre les personnes, des aléas médicaux, des petits tracas, les envies de chacun.
Bref, un boulot très prenant, très fatiguant (du 7h30 – minuit quand il n’y avait pas de drame pendant la nuit), parfois ingrat.
Ma responsable aimait dire que dans ces périodes tu ne vis plus pour toi mais pour les autres. En effet, tu vis à leur rythme. Tant pis si t’as pas le temps de finir ton café, tant pis si t’es crevée, tant pis s’il y en a un qui a fait le bordel toute la nuit et que t’as pas envie de te lever…
Le genre de boulot où lorsque tu appelles tes proches pour leur raconter la colère de l’un, la fugue de l’autre, on te demande pourquoi tu ne démissionnes pas et tu ne rentres pas chez toi en courant.
… sauf quand ça aide à se découvrir
Pourtant, ce boulot là, je pourrai y retourner demain si il le fallait. Parce que c’est un réel échange humain. Oui, parfois, on a envie d’étriper nos vacanciers, de se taper la tête contre les murs, de pleurer. Mais, à côté de ça, ils nous livrent un bout de leur vie, de leur histoire.
Ils nous touchent, se confient, nous encouragent même parfois. Certains sont expressifs (quand ils le peuvent), d’autres non. Mais tous ont à un moment une expression de bonheur.
Voir un vacancier jouer dans l’eau avec des enfants et rire aux éclats. En voir un autre appeler sa mère presque en pleurant de joie d’avoir monter un escalier (peur de l’obstacle) dans un moulin.
Entendre leurs regrets de nous quitter. De rentrer dans leurs foyers.
J’ai même eu l’impression pendant ces deux semaines que mon boulot c’était de donner du bonheur aux gens.
Cet été 2016 a été pour moi une révélation. Un collègue disait que lorsqu’on est H24 la tête dans le guidon, on découvre qui on est. On découvre surtout, et surtout dans les situations compliquées, ce qu’il y a au fond de nos tripes. Ce qu’on n’aurait jamais soupçonné avoir !
Cet été 2016, ce fut ma remise en question. Ma réflexion. Qui j’étais et qui je suis vraiment.
Je n’ai pas besoin de vacances à moi. Mes vacances, je les passe avec mes vacanciers.
Anaïs, 21 ans, étudiante, Poitiers
Crédit photo Pixabay / CC by Klimkin
Vivre H24 avec des gens, c’est compliqué aussi, avec la fatigue etc.
Mais oui, il faut toujours en garder le positif et le fait que ça fait grandir 🙂
C’est bizarre, j’ai vécu la même chose l’année dernière. Alors que c’était éprouvant, mal adapté, qu’il y avait des tensions dans le groupe d’animateur, que la responsable n’était pas responsable, je suis rentrée chez moi le sourire aux lèvres. Parce que je ne retiens que les sourires des vacanciers, les bons moments entre animateurs, les remerciements et tout ce que j’ai pu apprendre sur le terrain !
Exactement, c’est de la fatigue mais de la fatigue positive ! Du bonheur en boite. Merci de ton commentaire collègue animatrice 🙂
Je suis responsable de séjours adaptés depuis 2009 et j’ai adoré ton témoignage ! C’est exactement ça ! Je n’ai jamais pu arrêter les séjours car c’est vraiment que du bonheur, même si des fois c’est très éprouvant. Chaque séjour est différent et j’en garde que de bons souvenirs.
Un jour il faudra bien arrêter mais j’en profite tant que je peux 😉
Une collègue animatrice