Voyage en Aquitaine. D’Espelette à la vie de famille
La fête d’Espelette était un incontournable de mon voyage. Pour moi, c’était une fête typique du Pays Basque et j’avais repéré les dates avant de partir. Cependant, quelques basques me mettent en garde contre son folklore et la foule de touristes que je risque d’y rencontrer. De nombreux locaux n’y ont d’ailleurs jamais mis les pieds !
En arrivant au village, après avoir dépassé les files quasi-ininterrompues de voitures, je n’ai qu’une idée en tête : fendre la foule et me délester de mon sac à dos. Il commence sérieusement à me peser… Parfois, je l’avoue, j’aspire à davantage de confort…
A la fête du piment
Libre comme l’air, il ne me reste plus qu’à aller découvrir la fête. Ici, je dois jouer mon rôle de touriste. Et ce n’est pas ce que je préfère… Je n’ai pas pris contact avec les bénévoles et je déambule seule, sans basques. L’immersion semble donc plus périlleuse… Mais je me lance, chargée de mes cartouches de questions. Certaines fois, il faut se faire un peu violence…
Après avoir dégusté un godet de potiron à la carotte et au Piment d’Espelette, un membre du syndicat du Piment m’instruit sur cette épice basque. Produit A.O.C. depuis 2000, la production suit un cahier des charges strict. Tout le processus de fabrication est strictement contrôlé. Les producteurs doivent être accrédités et leurs parcelles expertisées. Tous les lots sont analysés à l’œil, en nez et en bouche : une vraie dégustation œnologique. Sur l’échelle de Scoville (l’échelle de Richter du piment), la force de l’Espelette est évaluée à 4/10, contre 10/10 pour le plus piquant : le Criolla Sella de Bolivie !
A Espelette, pour l’occasion, le Piment est roi : en poudre, en corde, caché dans du chocolat ou niché au cœur d’un taloa (une galette de maïs que l’on garnie de poitrine fumé).
Le ventre plein, un peu perdue dans une foule sans cesse grossissante, j’erre entre les stands. J’effectue un tour de France en peu de temps et dans un seul village, car le Piment côtoie des moules qui font de l’œil au nougat qui, lui, lorgne sur le Champagne. Une vraie Foire Fouille !
En arrivant, j’avais pour ambition de « dégoter » mes hôtes du soir à la fête. Mais, là, je n’ai plus le courage d’aller solliciter l’hospitalité d’inconnus. Alors, j’appelle mon hôte de la veille qui m’envoie chez son cousin chef cuisinier, à quelques kilomètres de là.
Mes hôtes ont d’ailleurs de multiples identités. Ils peuvent être des connaissances directes, des connaissances de connaissances (le cousin d’une amie par exemple), des connaissances de ce cousin qu’il me conseille d’aller rencontrer… ; et ainsi de suite. Ce sont donc en partie les gens qui déterminent mes étapes. Rarement, je fais appel aux « couchsurfers ». Parfois, j’arrive sans savoir où je dormirai le soir. Je demande à la mairie du village ou au bar du quartier. C’est le plus hasardeux mais, souvent, le plus beau des hasards.
Une soirée en famille
Deux sacs à dos sur les épaules, le front rougi par le soleil et un bandeau crasseux sur la tête, je pénètre dans la salle du restaurant une étoile de Xavier. Mon look détonne clairement avec la décoration du lieu. J’ose à peine m’avancer dans la cuisine. Je ne voudrais pas que des puces se glissent dans les mises en bouche, veloutés ou autres délices en préparation…
Xavier m’indique la direction de sa maison où ses enfants m’attendent, dans la rue unique et principale d’Aïnhoa : la seule maison bleue, ornée de glycine, aux pieds de la colline. Cela me donnerait presque envie de chanter !
Son fils, âgé de 14 ans, m’ouvre la porte avec le même sourire que son père. Marie, sa sœur de 17 ans, ne tarde pas à le rejoindre.
Régulièrement, des marcheurs sonnent à leur porte et sollicitent l’hébergement, leurrés par la coquille de Saint-Jacques clouée sur leur porte. Naturellement, quand leur mère est à la maison, ils leur ouvrent la porte, offrent un repas et un matelas. En contrepartie, chaque hébergé s’engage à leur envoyer une carte postale à son arrivée. Au regard des cartes disposées sur un support dans leur cuisine, il semblerait que du monde ait été accueilli chez eux.
Après un dîner riche d’échanges et une longue nuit passée dans des draps qui fleuraient bon la Soupline, je continue ma route, leur adresse en poche ; de quoi honorer ma mission d’hébergée !
Je quitte alors un Pays fort d’une profonde identité : culinaire, historique, familiale, artistique, sportive, paysagère et aussi langagière. A mes yeux, la langue régionale est d’ailleurs souvent un vrai marqueur identitaire et unificateur.
Allez hop, moi, je vais me plonger dans l’argot parisien !
La Fille, 27 ans, curieuse voyageuse, croqueuse d’aventures
(Vous pourrez trouver l’intégralité du texte sur La Route de la Fille)
Crédits photos © Bertrand Lapègue, Clarisse Freyssinnet et Cap Sud-Ouest France 3