Handicap : comment vivre à l’épreuve de la maladie et du regard des autres
Le vrai problème selon moi, c’est le regard des autres. Ceux qui jugent sans comprendre… Je ne suis pas en fauteuil roulant, mais j’ai un handicap : la maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique. Nous sommes en France environ 200.000 personnes à avoir une MICI (Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin). Peu de personnes connaissent ces maladies. Je vais vous expliquer ce que c’est et ce que je vis au quotidien.
C’est une maladie grave. Le côlon est enflammé, c’est-à-dire qu’il y a des sortes de petits trous, le sang passe dans le côlon et à cause de ça, j’ai mal au ventre, je dois souvent aller aux toilettes. C’est très handicapant.
Le jour ou j’ai attrapé cette maladie, je me suis demandée ce qui m’arrivait mais je n’ai pas paniqué : je pensais que j’allais guérir. Les médecins m’ont dit : « On va trouver une solution. » J’ai donc pensé qu’un jour, je n’aurais plus cette maladie. Grosse erreur ! Il y a une différence entre « solution » et « guérison » !
« Va t’acheter du shampoing ! »
Le regard des autres : c’est dur… TRÈS DUR !!! Les gens ne comprennent rien ! Je m’explique : vu que je suis longue aux toilettes, mes amis me disaient « bah alors, t’es tombée dans le trou ? » Mais le pire, c’est quand j’ai dû avoir des perfusions de rémicade : j’ai perdu beaucoup de cheveux et j’ai eu du psoriasis partout sur mon corps, y comprit sur mon cuir chevelu. Résultat : mes cheveux étaient HORRIBLES !!! Au début, je me disais : « Ce n’est pas bien grave, personne ne me remarque au lycée de toute façon ». Quelle erreur ! Même mes amies me faisaient des remarques : « T’as fait quoi à tes cheveux ? On dirait que t’as des miettes de pains sur tes cheveux ! » J’ai même eu un mot dans ma trousse : « C’est pour ton bien que je dis ça, mais tu ne prends pas soin de tes cheveux et c’est dommage etc… » Ou encore quelqu’un a mit un mot sur mon livre d’histoire-géo : « Va t’acheter du shampoing ! »
Traitée de menteuse pas le médecin
Les médecins : eux non plus ne comprennent rien ! Pas tous, mais beaucoup d’entre-eux ! A cause du psoriasis, j’ai dû aller voir un dermatologue à l’hôpital. Quel con ! Il essayait de me faire peur en disant : « Si tu arrêtes le rémicade, on va devoir te retirer le côlon ! » Il voulait absolument que je continu de prendre le rémicade pour que je continu à avoir des problèmes de peau, ainsi pour que ce soit bien pour son business ! C’est terrible ce que je dis, mais un patient en bonne santé n’est pas rentable pour le médecin. Ou j’ai vu une autre dermatologue qui me traitait de menteuse car soi-disant je ne perdais pas mes cheveux. Ou encore, la fois où mon gastro-entérologue a refusé de me faire une analyse de selle. Je suis allée à l’hôpital, j’étais sensée y rester quatre jours maximum. Les médecins de l’hôpital, eux, m’ont fait une analyse. Et ils ont trouvé une mauvaise bactérie ! J’ai dû rester 2 semaines à l’hôpital !
Pire encore : les médecins ont voulu m’opérer. L’opération consiste à retirer le côlon. Ils ont voulu m’opérer AVANT de m’avoir fait une analyse de selle, alors que j’avais une très mauvaise bactérie ! J’étais en septicémie, je serais décédée s’ils m’avaient opérée à ce moment là…
Le gros problème, c’est que les gens sont mal informés sur cette maladie. Dès que quelqu’un a des cheveux moches et des plaques rouges sur le corps, les gens ne vont pas se dire « il a peut-être une rectocolite hémorragique, il doit prendre du rémicade et cela a des effets secondaires », ils vont plutôt se dire « il est crade ».
C’est difficile d’avoir une vie sociale avec cette maladie : si on passe nos récréations à aller aux toilettes et pas à parler aux autres, c’est compliqué de créer des liens.
Handicapée donc handicapant pour un employeur
Aujourd’hui je vais un peu mieux. Je fais actuellement un régime très difficile, pendant une semaine : pas de féculents, pas de fruits, pas de légumes, pas de produits laitiers (sauf quelques exceptions). On réintroduit petit à petit les aliments. C’est très dur, j’ai souvent faim, c’est dur physiquement et mentalement.
Pour trouver un travail, c’est très compliqué. Car quand on est handicapé, on est considéré comme handicapant pour l’employeur.
Pour aller à l’école ou pour passer un concours c’est très dur aussi : j’ai du mal à me lever, je suis fatiguée, j’ai des maux de ventre.
Enfin, pour trouver l’âme sœur, quand on est « pourri de l’intérieur », qu’on doit se lever la nuit pour aller aux toilettes, qu’on y va souvent et longtemps, c’est pas facile… et pas franchement élégant ! Les gens préfèrent être avec quelqu’un en bonne santé. Ce qui est normal personne n’aimerait que son conjoint soit handicapé ! On est handicapé, on n’est pas des monstres ! Vais-je un jour avoir besoin d’un assistant sexuel à cause de mon handicap ?
Quand une personne a un handicap visible, les gens ont pitié de lui. Mais quand c’est invisible, ils se permettent de porter un jugement car on est absent, fatigué, etc. J’ai même eu un professeur qui pensait que je me droguais, car j’étais tout le temps très fatiguée. On est handicapé, et alors ? La pitié et le jugement, on n’en veut pas !
Clothilde, 21 ans, étudiante, Lille
Crédit photo Stéphane Flickr CC
Dans la suite du commentaire d’Amy, j’ai trouvé ton article vraiment beau mais aussi malheureusement tellement réaliste. On a envie que tous le monde puisse lire une fois cet article pour qu’un jour le regard des gens changent par rapport aux différences. Je n’ai qu’une envie, de t’apporter tous mon soutient pour la suite, en espérant qu’un employeur et une âme soeur viennent ensoleillé ta vie :).
C’est un beau témoignage plein de sincérité. Tu as bien fait de témoigner. J’espère que ça fera réfléchir. On juge trop souvent sans savoir… Bon courage pour la suite 🙂