Dans le bus après le lycée, l’enfer continue
Nous sommes le 20 novembre 2018, il est 16h34, la fin du cours de français va bientôt sonner et je vais enfin pouvoir sortir de cet enfer et rentrer chez moi. La sonnerie retentit, je sors de la classe, seule sous la pluie et le ciel gris, je dépasse les grilles de l’entrée du lycée, je vois des regards posés sur moi et je comprends vite qu’ils me jugent. Qu’est-ce que c’est pesant d’être constamment jugée, d’avoir tout le temps des lourds regards sur soi, d’être considérée comme une pute aux yeux de tout le lycée ! Bref, il est 16h37 et ça fait maintenant un mois que je me fais harceler.
Je suis épuisée de vivre cet enfer, j’ai honte d’en parler et personne ne peut m’aider à en sortir. Lorsque j’arrive à mon arrêt, je croise ce garçon, mon ex-petit ami qui m’a fait des menaces et qui m’a insultée violemment quatre jours auparavant. Il m’a dit que s’il me croisait un jour, il me « casserait les genoux en deux » et me « monterait en l’air ». Je vous avoue que s’il faisait 1 mètre 50 les bras levés je n’aurais pas eu peur, mais lui, il mesure 2 mètres…
Je suis fatiguée et peu importe ce qui peut m’arriver, je ne pense qu’à une chose : partir loin, très loin de cette vie, de ce cauchemar, de ce lycée.
Je sens les regards sur moi
J’entre dans le bus toujours aussi triste, je m’assieds le plus au fond possible et regarde les gens monter. Lorsque le bus démarre, je suis soulagée de rentrer chez moi, mais le calvaire n’est pas encore fini. Je sens les regards sur moi ; le trajet va me sembler très long. En route, je passe devant la maison de ma principale harceleuse, avec qui je passais de bons moments à l’époque. Comment a-t-elle pu me faire ça ?
Un peu plus tard sur le trajet, je passe dans le village d’une ancienne très bonne amie qui a participé à la réputation que j’ai aujourd’hui, en divulguant des choses très personnelles. Ce n’est pas la première fois qu’elle fait une réputation à une de ses anciennes « copines ». J’ai une immense haine envers cette fille. Non pas parce qu’elle m’a tourné le dos, mais parce qu’elle m’a fait une réputation qu’aucune fille adolescente ne mérite. Cette réputation m’a fait perdre confiance en moi, en les autres et m’a fait ressentir une immense solitude.
Près de la vitre du bus, un arc-en-ciel
Le bus s’arrête face à une maison où habite une très bonne amie, qui a toujours été là pour moi et qui l’est encore aujourd’hui. Je vois sa piscine où on a passé des superbes moments, où il y a eu de nombreux éclats de rire, puis je vois sa balançoire, l’endroit où on aime bien se raconter des potins et des choses marrantes.
Un magnifique arc-en-ciel me fait sourire. Il ne me reste plus que dix minutes de bus. Il y a une légère éclaircie, ça me fait du bien de voir du soleil, j’allume aussi ma musique pour écouter des chansons qui me redonneraient un peu de joie.
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J’arrive enfin, je descends du bus à l’arrêt de la mairie, je croise mon père avec mon petit frère de 4 ans, ils étaient partis chercher des bonbons à l’épicerie. Mon père me fait une blague et je lâche un éclat de rire, ça fait du bien de rigoler ! Nous arrivons devant ma maison, j’ai le sourire aux lèvres car je sais que c’est un lieu où on ne me juge pas et où je me sens bien.
Aujourd’hui, on est le 18 février 2019, je suis toujours dans un bus mais beaucoup de choses ont changé. Oui, j’ai toujours la même famille, le même chat, la même maison, mais je suis à présent bien entourée et je me fiche du regard des autres. En trois mois, j’ai pris de la maturité, mon caractère s’est renforcé. Et s’il y a bien une chose que je retiendrai de ce cauchemar, c’est qu’il faut vivre sans le jugement des autres pour être heureux.
Emma, 17 ans, lycéenne, La Queue-lez-Yvelines
Crédit photo Unsplash // CC Dan Bøțan