Lana D. 13/03/2018

Hôtels, foyer, famille d’accueil, j’ai enfin une vie stable

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Lana vit depuis près de six ans dans une famille d’accueil. Avant cela, elle est passée, avec sa propre famille, d’hôtel en hôtel jusqu’à un foyer...

Mes parents ont voulu changer de pays pour une vie meilleure. On est partis du Bangladesh direction la France quand j’étais toute petite. Mon plus grand frère est resté là-bas, car il paraissait trop âgé pour avoir son visa. Ils n’ont pas cru qu’il était de notre famille. Il y a juste mon deuxième frère qui a pu venir avec nous.

On est arrivés en France avec tous nos bagages, une connaissance de mes parents nous a accueillis quelques temps, puis la mairie nous a proposé de nous loger à l’hôtel. Mes parents n’avaient pas anticipé que ça allait être galère tous ces déménagements ! On avait beaucoup de bagages à porter, c’était lourd ! À peine installés à l’hôtel, les affaires mises en place après un minutieux et épuisant rangement, on devait refaire les bagages et rebouger. On avait pas beaucoup le temps pour se poser et une fois qu’on était dans la chambre, on s’ennuyait pas mal, on regardait les dessins animés qu’on aimait bien avec mon frère comme Dragon Ball Z, même si on ne comprenait pas le français.

La plupart du temps, on restait un mois, parfois moins. Une fois, on venait d’arriver et ils nous ont dit d’aller dans un autre hôtel.

On avait de longs trajets en métro pour aller d’une ville de la banlieue parisienne à une autre. Il faisait froid parce que nous, on était pas encore habitués, même avec nos nouveaux manteaux ! On avait peur de tomber malade, maman nous répétait souvent de nous couvrir.

L’avantage, c’est qu’on découvrait Paris par les fenêtres des hôtels ! On voyait la ville, même parfois la tour Eiffel s’allumer la nuit. Ou le Sacré Cœur. C’était vraiment beau. Pour nous, c’était comme un château.

On m’a dit que le foyer, c’était provisoire

Tout a changé quand ma mère est repartie au Bangladesh pour aller chercher mon grand frère. Elle nous a pas vraiment prévenus, en tous cas je n’ai pas compris, elle me paraissait juste bizarre. Une fois partie, mon père ne pouvait pas s’occuper de nous deux tout seul. Mon frère et moi, on s’est retrouvés en hébergement d’urgence à Saint-Vincent-de-Paul, à Paris. J’étais d’abord avec les grands, car je ne voulais pas quitter mon frère, j’avais peur d’être toute seule. Mais ils m’ont très vite mise avec les gens de mon âge car je ne pouvais pas faire les activités avec les plus de 15 ans. Tout d’un coup, je connaissais plus personne. Je ne voyais mon frère que dans la cour de temps en temps. J’ai dû m’adapter et rencontrer de nouvelles personnes. C’est pendant cette période au foyer que j’ai appris le français, dans une classe spécialisée pour les nouveaux venus : on avait cours tous les jours, comme à l’école, sauf que nous, on était au foyer !

On m’a dit que le foyer, c’était provisoire : je devais rester là-bas jusqu’à ce qu’on me trouve un endroit où aller. Ça a duré un an.

Un jour, j’étais à table et un éduc’ m’a demandé de le suivre dans une salle de réunion pour me présenter quelqu’un. Je comprends toujours pas. Les seules fois où j’y vais, c’est pour passer du temps avec mon père quand il vient me voir le week-end. Mais là, c’est pas le week-end.

Ma famille d’accueil, ma deuxième famille

En arrivant dans la salle, je vois une dame voilée assise. L’éduc’ me présente : « C’est Lana, elle est très gentille, elle est très sage. » Il était bien trop gentil, c’était bizarre ! D’habitude il était plutôt du genre à me rappeler à l’ordre !

J’observais silencieusement. Puis il me dit : « Cette dame va t’accueillir en famille d’accueil. » Ronald, mon frère, était déjà en famille d’accueil depuis quelques mois. J’avais plus ou moins compris que j’irais moi aussi un jour, mais ça a quand même été une surprise.

J’ai eu un deuxième rendez-vous avec la dame, je me rappelais même plus de son prénom, ni de son visage. Mais elle m’a apporté des cadeaux ! Ensuite, on a mangé quelque chose ensemble dans un parc. Je comprenais à peine le français donc on avait du mal à communiquer. J’ai quand même vu qu’elle était pas du genre méchante, ça m’a un peu rassurée. À la troisième rencontre, je suis allée chez elle et j’ai rencontré ses filles et la première des filles qu’elle avait accueillie en famille d’accueil. J’étais donc la deuxième !

Les familles d’accueil ont parfois des enfants “bien à eux”. Maude était ado quand ses parents ont voulu accueillir d’autres jeunes. Elle a assez mal vécu cette période et le passage de ces inconnus, parfois problématiques.

Une famille de cinq personnes pose sur et autour d'un canapé.

La dernière rencontre, je suis venue avec ma référente de la SAF (Service d’Accueil Familial) déposer mes bagages ! Je m’installais définitivement. C’était la veille de mes dix ans. On m’a expliqué les règles de la maison et voilà. La famille, c’était dix fois mieux que le foyer. Au début, je pensais que chez eux aussi ça serait provisoire et j’espérais que je rejoindrais vite mes parents. Ça fait maintenant presque six ans qu’on partage des moments ensemble. Je me suis attachée de plus en plus à eux. Je me suis rendu compte qu’ils étaient là pour moi, qu’ils m’encourageaient, qu’ils m’aidaient. Ils sont devenus ma deuxième famille.

Lana, 15 ans, collégienne, Paris

Crédit photo Adobe Stock // CC Leo Lintang

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