Axelle A. 25/02/2016

J’aime regarder les filles

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Axelle aime les filles. Ça a commencé au collège mais il lui a fallu du temps pour en parler, et pas à n'importe qui.

Imaginez une fille de 20 ans vivant en banlieue parisienne. Ayant fait ses études à Versailles. Deux soeurs et des parents aimants. Beaucoup d’amis, de rires et de sorties. Rien de plus banal à première vue. Alors si on va plus loin qu’est ce qu’on attend d’une jeune fille de mon âge ? Des études ? Check. Un premier petit boulot ? Check. Le permis ? Check. Un petit ami ? Ho.  Mon histoire commence ici.

Des regards de plus en plus intenses

J’avais 14 ans quand cupidon a fait sa première approche. J’étais au collège et il y avait cette fille blonde avec qui je m’entendais très bien. C’est une période où les amis sont comme la famille : très proches. Notre relation créait des tensions et des jalousies, mais rien n’y faisait, nous étions bien ensemble. C’était ma meilleure amie et personne ne pouvait me l’enlever. Et il a y eu ces regards de plus en plus intenses. Ces caresses douces, ces mots de plus en plus explicites. Puis il y a eu ce geste de trop.
 Celui qui exprime l’amour sans qu’on ait besoin de le dire, mais qui est réservé à l’amour.

Trou noir d’amour.

Pourquoi est-ce que je rêve de cette fille ?

Il m’a fallu partir loin, très loin, jusqu’au Mexique pour me rapprocher de moi-même. J’avais 17 ans quand je suis partie, valise à la main, vivre un an chez une amie mexicaine. Avec du recul, j’ai compris ce que cet ange à flèches avait créé. Simplement un amour qu’on vivait sans le savoir. Je l’ai d’abord rejeté pendant longtemps, j’en ai fait de insomnies. Pourquoi est-ce que je rêve avec autant de douceur de cette fille que j’ai croisée hier ? Où est mon Prince charmant ? En fait, je ne suis pas normale.
 De retour de mon voyage, mon premier réflexe a été de me mettre en couple avec ce garçon avec qui je flirtais depuis plus de 4 ans. J’avais besoin d’amour je crois, de sentir que je pouvais être aimée et aimer. Mais vous le savez, l’amour appelle à l’amour, et il gagne toujours. J’ai mis les choses au clair avec cette fille avec qui j’avais gardé de bonnes relations. Elle m’a d’abord rejetée et a nié notre relation en bloc. Puis nous nous sommes de nouveau retrouvées. Pour de bon, après ce périple intérieur de trois ans, ce temps d’acceptation que chaque fille qui aime les filles, ou chaque homme qui aime les hommes, vit.  Aujourd’hui, cela fait bientôt trois ans que nous sommes ensemble, et j’aurais pu terminer mon histoire en disant que mon chemin est terminé. Mais je pense qu’il vient de commencer.

Mon entourage l’accepte, mais il y a les autres…

Il vient de commencer parce que cette acceptation passe par des détails de la vie. Il y a d’abord eu la meilleure amie de ma soeur, la première personne à qui j’en ai parlé. J’ai accepté d’aller vers elle car je savais qu’elle avait déjà eu des relations avec des filles. Elle a été ma force et mon guide. On est souvent redevable envers ces gens qui nous ouvre la porte à un moment de notre vie. Aujourd’hui, elle reste mon guide et même si nous nous voyons pas souvent, j’ai cette oreille constante.
 Aujourd’hui, mon entourage l’accepte et je suis très soutenue.

Mais les détails de la vie, ce sont aussi les autres, la société. Revenons-en à Versailles, ha Versailles, la capitale du roi soleil. Ses jolies jardins, ses jolies rues, les cafés où les étudiants se retrouvent et… le berceau de la manif pour tous. Au moment où j’ai commencé à sortir avec cette fille, la manif pour tous battait son plein dans les rues.

Partout, des images contre le mariage pour tous

Imaginez-moi, il y a trois ans : je me lève le matin, j’allume la radio, débat avec Christine Boutin.  J’arrive au lycée, juste devant, une affiche : « Un papa une maman ». Alors ni une ni deux, il y a ce sentiment d’injustice et de colère qui vous prend. Ils sont venus jusqu’ici, mon lieu de vie.

Je veux rappeler que nous existons, je monte chez le CPE et exige d’arracher cette affiche. Ce qu’il fait sans contestation, lui-même en colère. La journée continue et le soir je vais chez une amie qui habite à deux rues, aux fenêtres : ce drapeau rose. Enfin, je rentre chez moi, j’ouvre mon Facebook et tombe sur des vidéos, des articles et des images contre le mariage.

Si on m’avait demandé si j’avais voulu naître avant ou après cette époque, je n’aurais rien changé.  Quelle coïncidence que mon combat se fasse en même temps que des millions de gens. Ne pas aimer les garçons dans notre société hétérosexuelle, c’est une remise en question perpétuelle. La pub, la radio, la télé, les blagues, les questions personnelles, les garçons qui nous draguent : il faut savoir trouver une alternative, trouver d’autres modèles.

Voila où j’en suis, sur mon petit chemin, heureuse d’y être mais consciente des arbres qui me tomberont dessus. Je choisis d’y rester pour moi-même, et pour les autres.

Axelle, 20 ans, en formation, Ile-de-France

Crédit photo Flickr / Tobias Tschurtschenthaler 

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2 réactions

  1. Merci, ♥

  2. Merci pour ce beau texte, Axelle. Mais les arbres ne tomberont pas. Ils se présenteront comme de grandes ombres souvent effrayantes sur nos routes, mais ils ne tomberont pas.
    La Manif pour Tous a été pour tous les LGBT, Queer, féministes, etc. de notre génération la claque dans la figure qui disait “Ton existence même nous dérange, et nous sommes une part importante de la société française”. Et c’était à la fois une raison d’être furieux-se, nauséeux-se, effrayé-e… Souvent les trois à la fois. Et pourtant, leur combat est d’arrière-garde, leurs arguments sont éculés, leurs stratégies sont celles des animaux coincés dos au mur qui se jettent une dernière fois dans la bataille, avec la rage de la peur.
    Ce qui était plus effrayant, c’était notre incapacité, à nous et nos soutiens, à nous coordonner, nous organiser, nous mobiliser pour montrer que nous étions très très largement majoritaires. Chacun d’entre nous doit participer à éclairer la route entre les arbres. Je dirais même encore plus, chacunE d’entre nous DOIT le faire, parce que notre l’absence de visibilité lesbienne est évidemment un symptôme grave, pour toutes les femmes d’ailleurs. Si chacune est une lumière sur son chemin, et si nous incitons ceux qui nous aiment à ne pas rester dans la neutralité, mais à s’engager à nos côtés, le chemin sera bien éclairé. Et non seulement les arbres ne tomberont pas, mais ils ne feront même plus d’ombres.

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