Adélaïde L. 24/11/2019

L’endométriose c’est des douleurs, mais surtout des sacrifices

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Les douleurs, l'incompréhension des médecins, j'ai dû apprendre à les gérer. Mais l'endométriose altère aussi mon quotidien, mon alimentation et mes relations.

J’ai 22 ans et je suis atteinte d’endométriose : un combat intérieur digne d’une bonne partie de Call Of Duty. Derrière ce mot un peu barbare se cache une femme sur sept en âge de procréer, mais aussi des douleurs pendant les règles, pendant les rapports, après certains repas et parfois juste sans raison.

À 15 ans, au cours d’un déjeuner, de vives douleurs m’ont pris le bas du ventre et m’ont obligé à écourter. J’ai pensé à un simple cycle plus intense que les autres, et je me suis contentée d’attendre en boule que les plaquettes de Spasfon que j’ingurgitais daignent faire effet.

Mais quelques mois plus tard, les douleurs sont revenues encore plus fortes, à tel point que lors d’une de mes « crises », j’ai supplié sincèrement qu’on les arrête, même si cela devait passer par un coma, voire pire. J’avais enchaîné des phases de fièvre et de frisson, et réussi tant bien que mal à me lever in extremis pour me rendre jusqu’aux toilettes où j’avais dû faire un choix entre nausées et diarrhées. J’enchaînais aussi les malaises, me rendant au fil des heures un peu plus faible. Cette journée-là, j’ai cru que mon corps ne supporterait pas ce qui lui arrivait et que j’allais y rester. Moi qui ne suis normalement pas sensible à la douleur, j’ai découvert une résistance que je n’imaginais même pas possible. J’ai appelé le médecin en urgence qui malgré ma tension basse m’a simplement conseillé de prendre du Spasfon et d’attendre.

J’ai mis deux jours pleins avant de pouvoir de nouveau me lever sans tomber.

Un ballet de médecins et de diagnostics contradictoires

Les mois se sont écoulés ainsi : une semaine de douleur et de nausées avant mes règles, une semaine de règles insoutenables et une semaine à me remettre de toute l’énergie perdue. J’avais une seule semaine sur quatre où ça allait à peu près, si toutefois je ne faisais pas d’écart alimentaire. Certains aliments tels que le gras, l’alcool et la viande rouge peuvent en effet déclencher des inflammations de l’intestin – et par extension de l’utérus -, et donc créer des douleurs.

J’ai consulté plusieurs médecins et spécialistes qui m’ont affirmé que « les règles ça fait mal, que c’est normal et que, comme remède, le thé et le Nurofen c’est super. » Je n’ai pas fait médecine mais j’avais un doute… Enfin, après le quatrième gynécologue consulté, on m’a prescrit une IRM, « si cela me faisait plaisir ». Plaisir d’apprendre grâce à cette IRM que « j’avais de l’endométriose, comme beaucoup de filles qui veulent se faire remarquer ». Oui, oui.

On me donnait l’impression d’exagérer

S’en est suivi durant deux ans un ballet de médecins, parfois spécialistes, parfois non et de diagnostics contradictoires. On m’a dit à 17 ans que j’étais stérile. Puis on m’a expliqué qu’en fait, ça dépendait. Que j’avais une endométriose à un stade assez élevé et que seule une opération pourrait me soulager… Enfin non, que sur du court terme. On m’a prescrit de nombreux traitements, dont un qui m’a fait faire une dépression sévère car il n’était pas du tout adapté. Puis on m’a expliqué que je n’avais rien, et que tout le monde s’était trompé.

L’animatrice Enora Malagré témoigne, pour Konbini,  de son endométriose : ses douleurs, le regard des autres sur sa maladie et son impossibilité de procréer. Elle en a d’ailleurs fait un livre « Un cri du ventre ».

Malgré les IRM, les endoscopies rectales et les examens vaginaux, personne n’était d’accord. Ma pudeur s’envolait mais les douleurs, elles, s’intensifiaient. Et j’ai donc tout arrêté. Les visites, les médecins, tout.

J’en avais marre de tous ces avis qui me faisaient douter de la véracité de mes propos et qui me donnaient l’impression d’exagérer ce qui était une « normalité ». Pourtant, dès que j’avais un rapport, je saignais abondamment… Je finissais invariablement dans les toilettes, prise de nausées à cause de la douleur. Mon amoureux m’apportait des poches de froid que je plaçais sur mon bas-ventre. Puis il me portait jusqu’au lit, car à chaque fois j’étais incapable de marcher. Chaque cycle, je l’appréhendais et je ne savais plus quoi faire.

Moins de fun, mais moins de douleur

J’ai accepté après un an et demi de retourner voir l’un des meilleurs professionnels de l’endométriose. J’avais rendez-vous dans six mois et j’étais « chanceuse qu’une place se soit libérée ».

Il fut compréhensif, pédagogue et m’a expliqué qu’il n’y avait rien à faire, que c’était ainsi ; oui, j’avais bel et bien de l’endométriose à un certain stade. Mais cela ne m’a pas dérangé car il me l’a expliqué patiemment et gentiment. Il m’a conseillé de prendre une pilule en continu, d’arrêter d’avoir mes règles (sans pour autant me garantir les effets à long terme que cela pouvait avoir), de prendre de la codéine dès que j’avais des douleurs, et de limiter le gluten, les produits issus de la vache, le gras, l’alcool. Une vie palpitante en somme. Mais il avait été pédagogue et gentil, donc j’ai essayé d’accepter le deal. Moins de fun, mais moins de douleur.

Souheila aussi souffre d’endométriose. Avant de mettre un mot sur sa douleur, elle a longtemps entendu les médecins lui dire qu’il était « normal d’avoir mal pendant ses règles »…

Aujourd’hui, ça va mieux. Ça fait deux ans que je n’ai plus mes règles et que mon quotidien est plus facile car je n’ai plus autant mal qu’avant. Je continue parfois de prendre de la codéine avant les rapports pour me permettre d’avoir une vie intime, et du citrate de bétaïne avant certains repas.

Je n’ai pas le quotidien le plus glamour qui soit, mais je n’ai pas non plus un quotidien triste et sans avenir ! Loin de là ! Je profite comme je peux. J’attends patiemment le jour où j’aurai des enfants – car malgré les risques d’infertilité, je suis sûre que j’en aurais – et après cela je pourrai enfin me faire retirer l’utérus et me rattraper !!

J’aurai alors une vie plus légère, sans prendre de codéine avant un rapport. Sans redouter la carte du restaurant qui me fait mal au ventre après un repas un peu trop gras ou arrosé.

 

Adélaïde, 22 ans, étudiante, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Timothy Eberly

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1 réaction

  1. Je vous soutiens je suis bénévole accompagnante de l endometriose sur l idf et professionnelle auprès des jeunes de 16 25 ans dans le cadre de l insertion professionnelle et sociale ! Ne lâchez rien surtout pas! Je vous encourage

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