Les jeux vidéo contre ma solitude
En primaire, ma mère bossait tard et mon père avait des horaires décalés qui changeaient toutes les semaines. Il travaillait le matin ou l’après-midi. Le reste de la journée, il dormait sur le canapé pour récupérer. J’ai des demi-frères et sœurs, mais j’ai beaucoup d’écart avec eux. Donc je les voyais très rarement. Quand je rentrais chez moi, il n’y avait personne la moitié du temps et je me sentais très seul. Comme je n’avais pas grand-chose à faire, je passais mon temps à regarder des dessins animés ou des films, à jouer aux legos.
Puis, à 10 ans, j’ai eu mon premier PC et j’ai découvert un jeu qui s’appelle Minecraft. Je passais des heures à y jouer. C’est un monde où on peut faire ce qu’on veut, et c’est juste parfait pour un enfant qui a besoin de s’évader pendant une heure, deux heures… voire plus ! Au bout de quelques mois, j’étais accro aux jeux vidéo.
En primaire, je parvenais encore à maintenir de bonnes notes malgré une légère dyslexie qui n’est d’ailleurs toujours pas soignée aujourd’hui. Je confonds certains sons, par exemple les « p » et les « b » ou bien les « s » et les « c », et je pense qu’à l’époque, j’aurais peut-être eu besoin d’être entouré et d’avoir des gens derrière moi pour faire mes devoirs. Mais ce n’est pas forcément facile de parler de sa solitude avec ses parents. Déjà que ce n’est pas facile de parler tout court aux parents… Alors leur rajouter ce genre de problèmes en plus de leur journée de boulot, c’est vraiment pas évident !
Plus on est seul, plus on a du mal à aller vers les autres
Au collège, les choses se sont dégradées. Je pouvais me faire à manger tout seul, ce qui était plutôt cool, mais je me sentais toujours aussi isolé et je me suis encore plus enfermé dans mes jeux vidéo. Mes notes étaient franchement en baisse et c’est à ce moment que mes parents se sont posés des questions et sont devenus plus présents. Mes résultats scolaires se sont améliorés mais l’envie d’aller en cours n’était plus vraiment là.
Le fait d’avoir été seul aussi jeune m’a rendu moins sociable, j’étais très timide. Car paradoxalement, plus on est seul, plus on a de mal à aller vers les autres… Alors qu’on en a justement besoin. Heureusement, j’ai réussi à plus parler avec mes parents. Et surtout, à la fin du collège, j’ai aussi découvert un réseau social qui s’appelle Discord. C’est une application de discussion en ligne, avec plusieurs salons vocaux ou textuels, qui permet de correspondre avec des gens sur des films, des jeux, la vie en général. Avoir la possibilité de parler, de me livrer aux autres, m’a beaucoup aidé à ce moment-là. J’ai pu lier des amitiés avec des gens qui m’ont soutenu et que j’ai parfois rencontré en vrai.
Et, les jeux vidéo, c’est pas que pour les mecs ! Jeanne en parle avec passion, pour casser les clichés : « Tu joues aux jeux vidéo ? Mais t’es une fille ! »
Aujourd’hui, ça va mieux. Il y a un an et demi, ma demi-sœur a eu un bébé et dans la famille, ça nous a tous un peu rapprochés. Ma relation avec mes parents s’est améliorée et je vois plus souvent ma sœur. Mon père a changé de poste : il a moins d’horaires décalés et plus de vacances.
Avec le recul, je me dis que qu’il n’y a malheureusement pas de solution miracle pour gérer la solitude quand on est tout petit. Ça peut paraître bateau, mais pour ne pas s’enfoncer et sombrer, il faut essayer d’en parler, même si ce n’est pas toujours facile, et de s’entourer de bons amis. Je ne parle pas forcément d’avoir des tonnes d’amis, mais de se faire au moins quelques potes, à qui on peut parler et sur qui on peut vraiment compter.
Théo, 15 ans, lycéen, Villeparisis
Crédit photo Unsplash // Alex Haney