Robin des bois est un homme du train
Régulièrement, cette année, je me suis demandé si j’étais de la campagne ou de la ville. Question facile me direz-vous ! Et pourtant, mon quotidien, comme celui d’autres jeunes de mon âge, rend la réponse à cette question plus compliquée qu’il n’y paraît.
J’ai grandi et je vis actuellement chez mes parents dans une petite ville de Flandre Intérieure, répondant au doux nom flamand de « marais aux lièvres ». Il s’agit d’une ville, mais j’ai toujours eu l’impression d’être « de la campagne » : après tout, en 10 minutes à vélo à partir du centre-ville, je peux tout de suite me retrouver au milieu des champs, avec la campagne à perte de vue.
Mes racines : ma forêt de Sherwood
L’autre jour, alors que je faisais mon footing, ça m’a frappé : aucun doute, cette route boueuse qui longe la ferme des parents d’un ami, où j’ai quelques-uns de mes meilleurs souvenirs d’enfance, c’est là que se trouve une partie de mes racines. Elles résident aussi dans ce bois sinistre plein de vestiges de la Seconde Guerre mondiale où j’aime courir. Mes racines, c’est enfin le petit village de ma grand-mère aux noms étranges pour le non-initié : Godewaersvelde, le « Roi du Potjevleesh »… Tout ça fait quand même très « rural » !
Urbain Robin
Et en même temps, ces dernières années, les expériences qui ont marqué ma vie sont reliées à la grande ville : durant mon année Erasmus à Münster en Allemagne ou durant mes études à Lille et à Nantes. J’ai passé l’essentiel de mon temps dans des métropoles, avec leur vie étudiante, le mélange de populations qu’on y trouve… Cette année, volontaire dans une association luttant contre les inégalités sociales et culturelles, je travaille même dans les quartiers populaires concernés par la « politique de la ville » : comme quoi, être un petit « Robin des bois », ça se passe surtout en ville de nos jours. Et c’est dans une grande ville de région parisienne que, comme beaucoup d’amis de mon âge, j’imagine devoir chercher du travail après mon volontariat.
Le train, un passage de l’une à l’autre de mes identités
Moitié rural, moitié urbain, j’ai parfois l’impression d’être un homme « du train ». Train que j’aime et déteste à la fois. Le train, c’est pour moi autant le signe que, financièrement, je dépends encore de mes parents, que le confortable moyen de transport qui me donne toute mon indépendance. Et durant les 35 minutes de trajet, je vois défiler sous mes yeux le passage d’une facette à l’autre de mon identité, les villes ou les zones industrielles remplaçant progressivement les champs baignés par la brume matinale. Jour après jour, c’est d’ailleurs les cahots du train qui rythment mon existence : même autour d’un verre avec des amis, l’horaire du prochain train reste calé dans un coin de mon esprit et, bien vite, arrive le moment où je dois courir le prendre.
J’espère bientôt habiter en ville, comme les « gens sans TER ». TER que j’aurais alors plaisir à prendre, de temps à autre, pour retourner voir les miens dans ma forêt de Sherwood flamande.
Benjamin B., volontaire en service civique, Lille
Crédit photo C. Alain