Etudiante en droit et caissière… entre deux mondes !
Il est bien connu aujourd’hui qu’être étudiant en études supérieures sans travailler et vouloir prendre son indépendance est devenu impossible. C’est pourquoi, après m’être inscrite en première année de droit et sciences politiques à la faculté de Marseille il y a quatre ans, je me suis tout de suite attelée à chercher un contrat étudiant dans un commerce quelconque. Avec de la chance, je n’ai pas mis longtemps à trouver ce contrat au Casino supermarché, dans le quartier des Catalans, deux jours par semaine, les mercredi et dimanche. Je suis alors devenue étudiante en droit et sciences politiques et hôtesse de caisse qualifiée : la combinaison de deux mondes complètement différents.
Le droit : la bonne voie
D’un côté, une élève assez studieuse : suivre tous les cours de droit et d’économie de première année, rester enfermée chez moi pour réviser pendant plusieurs semaines, la tête dans les bouquins… Et puis, quand les gens me demandaient ce que je faisais dans la vie, répondre : « Je suis étudiante en droit », ça faisait toujours de l’effet. Je prenais toujours en compte les avertissements de mes professeurs sur l’importance des révisions, de la réflexion, de la connaissance. J’ai vite commencé à me sentir comme une privilégiée, mon entourage me faisant toujours ressentir que j’avais choisi la bonne voie.
Caissière : l’expérience du manque de respect
D’un autre côté, une hôtesse de caisse ; plus communément appelée « caissière ». À partir du moment où j’enfilais mon blouson « Casino » et que je me postais derrière ma caisse, je n’étais plus personne. Les clients d’un supermarché comme le Casino des Catalans ne considèrent pas les caissières comme des commerçantes. D’ailleurs, ils ne les considèrent pas du tout. Deux jours par semaine, je redevenais « plus personne », juste une caissière bonne à servir les autres. Confrontée à une clientèle assez âgée qui considère, sans s’en cacher, qu’elle a le droit de ne me dire ni bonjour, ni s’il-vous-plaît, ni merci, ni au revoir. Je me suis alors retrouvée face à une réalité complètement différente : bloquée sur ma chaise pendant des heures, sans avoir le droit de rétorquer face au manque de respect avéré.
Les collègues : un mode de vie si différent
Il y avait mes collègues de boulot : des femmes uniquement, beaucoup de jeunes de mon âge avec un style de vie complètement différent du mien, vivant déjà avec le petit copain dans un appartement avec tout l’aménagement adéquat, mettant tout leur dernier salaire dans une voiture ; tandis que je vivais avec mon salaire d’étudiante. Et puis il y avait mes collègues plus âgées, complètement blasées, car elles exerçaient ce métier depuis bien trop longtemps.
Et surtout un cas particulier : une hôtesse de quarante ans passés qui n’a pas eu le choix de son métier. Professeure de planche à voile dans sa jeunesse, elle a dû tout arrêter à cause de graves problèmes de dos. Devant entretenir sa famille, elle s’est retrouvée dans l’obligation d’exercer un métier qui ne demandait pas de qualifications particulières et où elle pouvait rester assise. La seule qui montrait un peu de respect par rapport à mes études, et surtout la seule qui rappelait tous les jours l’importance d’en faire (ou une formation) lorsqu’on en a la possibilité.
Dans son témoignage, une étudiante parle de sa précarité : 450 euros de bourse, un loyer à payer et des factures accumulées. Une survie au quotidien. #LaPrécaritéTue
La chance d’exercer un métier qui me plait
Entre ces deux mondes, j’étais toujours partagée : alors que mon métier d’hôtesse de caisse m’apportait un savoir pratique et me permettait de garder les pieds sur terre, mes études en droit me donnaient l’impression de ne rester qu’une théorie floue qui ne me mènerait nulle part. Mais après plus de trois ans et demi à travailler dans ce Casino (le temps qu’il m’a fallu pour valider ma licence de droit) et une réflexion juridique acquise, j’ai enfin compris les paroles de ma collègue de boulot : ne pas laisser filer la possibilité d’exercer un métier qui me plaît, même s’il faut passer par plusieurs années de galère, lorsque la possibilité s’offre à moi.
Laurie G., 24ans, licenciée en droit et étudiante en journalisme, Marseille
Crédit photo Ryan McGuire
merci d’avoir partagé ton expérience et pour la qualité de ce texte fort agréable à lire.