4/4 Les descentes ce n’est pas pour moi
Il faisait super froid, j’étais dans le bus pour aller dans une ville voisine. Ma mère m’avait envoyé faire des courses, j’étais fatigué, je venais de rentrer du collège. J’avais qu’une chose en tête, c’était d’être dans mon lit au chaud, j’étais pas prêt à ce qui allait m’arriver. Il était 18 heures à peu près, il faisait nuit. Bref, une journée d’hiver comme les autres… jusqu’au moment où deux jeunes avec des capuches m’ont regardé. Ils sont venus m’interpeller :
« Oeehh, ma gueule, ça vient d’où ? »
J’ai dit que je venais de la ville d’à côté : Le Bourget. Ils m’ont dit de descendre à la prochaine station, je les ai suivis car je savais que j’avais rien fait de mal. Il y avait pas de raison pour que ça se passe mal. J’étais naïf.
Des battes de baseball, des tasers, des manches à balai pour les descentes
Là, y a un des deux mecs qui m’a mis une grosse droite ! J’ai rien compris ! Il m’a mis par terre, et ils m’ont fait vraiment mal. Au bout de trente secondes, ils sont partis en courant. Je me suis relevé et je suis rentré chez moi sans faire d’histoires. C’est ça les guerres de quartier. D’un simple message sur les réseaux ou d’un rap visé, ça part en couille.
Je pourrais très bien y participer, j’ai plein de potes proches qui participent à des affrontements. Un jour, ils avaient planifié une descente dans une ville voisine. Ils avaient préparé des battes de baseball, des tasers, des manches à balai et tout. Ils voulaient vraiment faire mal. Moi, j’ai préféré rester chez moi, au chaud. Au moins, je risque rien ; car j’ai vu plein de potes gravement blessés suite à ces affrontements.
Pour se faire respecter, Eric s’est mis à adopter les codes des jeunes autour de lui et à se bagarrer. Descentes, trafic de drogue… Les choses se sont enchaînées, jusqu’à ce qu’il se retrouve victime d’une bande rivale. Un épisode du podcast Les Pieds sur Terre.
Moi, je suis spectateur et j’encourage personne à y participer, mais s’il veulent aller se faire casser la bouche, c’est leur problème.
Il y a des personnes qui sont traitées de « salope », de « lâche »
Vous allez sûrement dire qu’on peut aller porter plainte à la police en pleurant. Mais une personne qui se respecte et qui a une fierté ne va pas chez la police pour ce genre d’histoire, encore moins porter plainte. Et porter plainte contre qui ? Un mec cagoulé, avec des vêtements noirs.
Depuis ce jour-là en tout cas, je suis plus méfiant et je vais plus dans la ville en question. Mais si ça m’arrivait encore, je serais prêt à me défendre et à rendre les coups. Même dans ma propre ville, je ne me sens pas en sécurité.
Venger ses amis à tout prix, c’est la règle dans le quartier de Scott. Pour lui, c’est le manque de loisirs et d’infrastructures qui le poussent aux armes.
Quand on habite dans un quartier réputé pour être un endroit chaud, même si on ne participe pas aux descentes ou qu’on n’a rien à voir avec les embrouilles de quartier, on est quand même victime de ça. Pas forcément physiquement, plus moralement. Quand on décide de ne pas y participer, souvent il y a des personnes qui sont traitées de « salope », de « lâche ». Je n’ai jamais été traité de cette sorte mais j’en connais. Au bout d’un moment, une personne qui se fait appeler « lâche » à longueur de journée, elle a envie de prouver que c’est faux, et va donc participer aussi aux descentes, pour prouver que c’est un vrai mec avec des couilles. C’est un cercle vicieux et c’est dur d’en sortir une fois qu’on est dedans.
Je trouve ça dommage que deux petites villes soient en conflit l’une contre l’autre alors qu’on peut se souder et être heureux en s’amusant ensemble.
Marwan, 17 ans, lycéen, Le Bourget
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)