Charlotte S. 26/01/2022

2/4 Le frotteur du métro

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Charlotte a été agressée sexuellement par un frotteur dans le métro. Depuis, par peur et dégoût, elle ne peut plus prendre les transports le soir.

Femme ou homme dans le métro, je pense que tout le monde se sent stressé, que ce soit très tôt le matin ou tard le soir lorsqu’il y a moins de monde. Le réflexe de couper sa musique pour être à l’affût du moindre bruit, pour ne pas être dans ses pensées, s’est vite installé.

Ayant habité longtemps près de Paris, je prenais régulièrement le métro. C’est à la fois un lieu qu’on connaît bien et un lieu qu’on ne veut pas connaître. Pour moi, c’est peut-être l’endroit le plus sale que je connaisse. Les personnes mal intentionnées le soir, les lumières éteintes sur certains quais, les gens qui vous suivent ou qui vous parlent pour que vous veniez avec eux. Toutes ces expériences, je les ai vécues.

Un homme s’est précipité derrière moi

Un soir, vers 19, 20 heures, je rentrais d’une sortie à Paris avec une amie, on ne prenait pas la même direction. Nous nous sommes donc séparées pour rentrer chez nous. Je suis allée m’installer, mais le train était très rempli. Je me suis mise dans un des coins d’une porte, et un homme s’est vite précipité pour se placer derrière moi. 

C’est là qu’a commencé la descente aux enfers. Il a posé ses grosses mains froides sur mes hanches avant de commencer à me toucher partout où il le pouvait. J’ai tourné les yeux et j’ai vu sa ceinture détachée, son pantalon baissé et son pénis collé à moi. Je me suis mise à avoir froid et à bouillir en même temps, voyais flou et tout brillait autour. Mes yeux étaient gorgés d’eau et je subissais. Je ne pouvais plus bouger ni parler et je transpirais tellement que je pensais que j’allais me noyer. 

Utilisée comme un objet sexuel inanimé

Cet homme prenait du plaisir sur mon corps sans se soucier de moi. Il n’y avait que mon corps et rien d’autre. Personne n’est intervenu, personne n’a vu. Puis, il est parti. Ce soir-là, je suis rentrée livide. Je me suis sentie utilisée comme un objet sexuel inanimé qui devrait vivre avec ça toute sa vie.

Série 3/4 – Agressée dans les transports, Pauline a senti son corps se paralyser. Cet état de sidération, elle l’a vécu plusieurs fois. Depuis, elle voyage la boule au ventre, en hypervigilance.

 

Une femme au centre de l'image reste là immobile, bouche-bée et le regard perdu. Derrière elle, son double crie au désespoir la tête vers le ciel et les mains sur les oreilles dans les transports en commun. Autour d'elle, des personnes sans regards lui tournent le dos et ne la regardent pas. Devant et derrière les deux corps de femme, il y a deux barres de transport en commun.

 

Je n’ai plus jamais porté les mêmes vêtements. J’ai tout jeté, comme pour mettre ce moment de côté, comme s’il ne s’était rien passé, alors qu’au fond de moi je ne pouvais pas le nier. J’ai réussi à reprendre le métro et le RER, mais jamais le soir, ni au même endroit. Chaque personne qui s’approchait ou me collait trop provoquait une crise d’angoisse, des sueurs froides. Je n’en ai jamais parlé à personne, jusqu’à il y a quelques jours, bourrée.

Je n’étais même pas consciente de ce que je disais. Mon subconscient parlait à ma place. Je me suis mise à pleurer en demandant que le monsieur ne recommence pas. Des amis m’ont entendue. Ce sont les seules personnes à qui je peux me confier sur ce sujet. Je sais qu’ils me soutiennent et sont là pour moi.

Le métro, c’est peut-être l’endroit le plus sale que je connaisse.

Charlotte, 16 ans, lycéenne, Nancy

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Le harcèlement dans les transports

Une situation bien connue

D’après une enquête menée par la Fnaut (fédération nationale des associations d’usagers des transports) en 2016, neuf femmes sur dix ont déjà été victimes de harcèlement dans les transports. La plupart des cas concernent des regards insistants, une présence envahissante, des commentaires et des sifflements sexistes. Dans 89 % des cas, aucun·e témoin n’a réagi.

Quand le corps empêche de réagir

Il n’est pas rare que les victimes de violences sexuelles culpabilisent de n’avoir pas pu se défendre face à leurs agresseurs. Lors de situations violentes, il arrive que l’esprit soit plongé dans une forme de « brouillard », un état de sidération empêchant la personne de réagir comme elle le souhaiterait.

Porter plainte, une double peine ?

Depuis novembre 2021, des centaines de femmes victimes d’agressions témoignent des difficultés rencontrées au moment de porter plainte. Derrière le hashtag #DoublePeine, elles racontent l’incompréhension, les remarques sexistes et parfois le mépris des policier·e·s. Une initiative qui relance le débat sur le manque de formation des agent·e·s.

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