Alma Z. 13/09/2024

3/4 Le dégoût du sentiment amoureux

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Quand Alma était enfant, son beau-père l’a agressée sexuellement. Sa mère a ajouté à sa douleur en ne la croyant pas. Aujourd’hui adolescente, elle éprouve des blocages dans son quotidien et son rapport au sentiment amoureux.

Je me sens mal à l’aise avec des hommes qui ont dix ans de plus que moi. Je ne supporte pas les endroits bondés de monde. Je ne supporte plus de dormir avec une porte ouverte. Je ne supporte pas les contacts physiques, sauf si c’est moi qui les autorise. Je peux aimer quelqu’un mais je ne veux pas sortir avec parce que quand je sais que c’est réciproque ça me dégoute. C’est à cause de ça que j’ai quitté mon copain. Savoir qu’il m’aimait lui aussi me donnait une sensation très désagréable. Comme si j’allais vomir. 

Je n’ai pas peur des hommes, je ne suis juste pas à l’aise par rapport aux sentiments amoureux. Ça me dégoûte mais j’essaie de changer ça. Je peux aimer, mais sur certains points… je bloque ! Je sais que je ne pourrais jamais complètement oublier et jamais accepter ce qu’il s’est passé. 

C’était la première fois que je tenais un pénis dans ma main. Au début, je n’ai pas compris ce qu’il se passait. C’était mon beau-père, il avait la quarantaine et moi 7 ans. C’est quand j’en ai parlé à une amie que j’ai réalisé que ce n’était pas normal.

La première fois que c’est arrivé, c’était un après-midi d’été. J’étais seule chez moi, allongée sur le lit dans la chambre de ma mère. Il est rentré dans la chambre, puis s’est allongé à côté de moi. Il a commencé à me parler de sa journée de travail : « Il faisait vraiment chaud aujourd’hui, j’ai beaucoup transpiré. » Je ne savais pas quoi répondre, ça ne m’intéressait pas vraiment de savoir s’il avait transpiré ou pas.

Cinq à dix minutes, une éternité

Puis il m’a posé cette fameuse question : « Tu veux sentir à quel point j’ai transpiré ? » Je lui répondu que non. J’avais 7 ans. Je m’en foutais de savoir à quel point tu avais transpiré. Tu allais prendre une petite douche et c’était réglé. Il n’a pas du tout tenu compte de ma réponse, il a simplement pris ma main droite et l’a fourrée dans son short. Je ne comprenais pas ce que je touchais. C’était mi-mou, mi-dur et bien mouillé. J’ai détesté ce moment, je lui ai dit que je n’avais pas envie et que c’était bizarre. Quand il est parti, je suis allée me laver les mains, j’avais encore l’impression de toucher ce que j’avais touché.

La deuxième fois, c’était après des courses qu’on était allés faire tous les deux à Auchan. Il s’était plaint à ma mère que j’avais fait un caprice pour des chewing-gums. Je lui avais juste demandé de m’en acheter et il avait accepté. Il devait aller chercher ses affaires chez sa sœur qui habitait le bâtiment d’à côté. Il m’a demandé de l’accompagner. Quand on est arrivés là-bas, il s’est installé sur le canapé en me disant de le rejoindre. Il m’a fait m’asseoir sur lui, c’était la première fois que je sentais une bite en érection sous moi. C’était désagréable alors j’ai essayé de me lever mais il me retenait contre lui. Puis, après un moment qui m’a paru une éternité, il s’est levé et m’a fait venir dans une chambre avec lui.

Il m’a forcée à m’asseoir sur le lit puis il a commencé à m’embrasser sur la bouche en collant sa langue contre mes dents que je serrais de toutes mes forces pour ne pas laisser sa langue rentrer. Sa main a commencé à descendre sur mon corps, de mes épaules jusqu’à mon entre-jambe, tout en me tenant fermement avec son autre main. J’étais pétrifiée, je ne savais pas comment je devais réagir, il m’empêchait de le repousser. Puis il a commencé à me lécher le visage tout en frottant sa main sur mon entrejambe, mon sexe (à travers mes vêtements) pendant cinq à dix minutes, qui m’ont paru être des années.

Après avoir fait ça, il a pris son sac et m’a ramenée à la maison. Je n’ai jamais eu une relation de confiance avec ma mère. Les seules fois où j’ai voulu communiquer avec elle, elle a préféré croire les autres plutôt que moi, alors je ne lui ai jamais parlé de ce qu’il s’est passé. 

J’ai porté plainte mais pas de mon propre chef. C’est mon ancien collège qui a fait un signalement à la police. En cinquième, j’ai écrit ce que j’avais vécu dans une rédaction sur le thème des agressions et de la violence. Ma professeure de français de l’époque en a parlé à la CPE du collège, qui en a parlé aux assistantes sociales.

« Tu aimes juste attirer l’attention »

Quand ma mère l’a appris, elle m’a demandé d’écrire sur papier tout ce qui était arrivé, puis elle en a parlé à mon frère et à ma sœur sans mon accord. Je lui en veux encore beaucoup pour ça. Ensuite, elle a appelé mon ancien beau-père, dont elle avait divorcé depuis un moment, pour avoir les deux versions de l’histoire. Elle m’a obligée à lui parler. Il m’a dit que si jamais je l’emmenais au tribunal il allait se suicider et que sa famille ne resterait pas sans rien faire. Je me suis sentie trahie, écœurée et en colère. Ma mère n’avait même pas réfléchi au fait que de toutes les personnes sur terre, c’était bien LA personne à laquelle je ne voulais ni parler ni penser.

Le lendemain, on devait aller à un rendez-vous avec mes anciennes assistantes sociales pour reparler de ça. Pendant ce rendez-vous, ma mère m’a dit : « Je ne te crois pas, c’est impossible que ce soit arrivé, tu aimes juste attirer l’attention. » Je n’aurais jamais imaginé qu’elle pense et me dise ça, d’autant qu’elle sait très bien que je n’aime pas mentir. Qu’est-ce que ça m’aurait apporté de dire un mensonge comme ça sur un sujet aussi grave ?

Ce jour-là, elle a perdu toute ma confiance. Depuis je n’en ai jamais reparlé avec elle. D’ailleurs, je ne lui parle jamais de ma vie personnelle. Je lui parle juste de mes devoirs, et si j’ai une anecdote drôle que j’ai eu avec mes amis, je lui raconte. Je ne pourrai jamais lui pardonner. 

Alma, 15 ans, lycéenne, Provence-Alpes-Côte d’Azur

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Série Après l’enfance maltraitée, récit 4/4 : Un revirement parental inespéré 

Mya a été maltraitée par ses parents pendant de nombreuses années. Après des fugues pour alerter sur son sort, elle a pu vivre au sein d’une famille aimante. À son retour chez elle, les choses ont changé, grâce à l’intervention d’une éducatrice.

 

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