Amélia R. 09/10/2023

1/4 À la maison, chaque centime compte

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L’argent n’avait jamais été un sujet entre Amélia et ses parents, jusqu’à l’inflation. Fini les restos en famille. L’argent de poche aussi.

Avant, chez moi, on ne roulait pas sur l’or mais ça allait, on pouvait aller au resto de temps en temps. Mon père travaille comme gardien d’immeuble et dans le BTP, ma mère est puéricultrice et agente technique. Elle s’occupe aussi du ménage et des poubelles dans un bureau.

J’entendais souvent le mot « inflation » sans réellement comprendre son sens et son impact. Pourtant, je voyais bien qu’à la télé c’était une véritable question. Moi, ça ne me touchait pas. Jusqu’à cet événement : j’ai dû demander de l’argent à mon père.

Ce fut un véritable choc pour moi de réaliser que celui que je considérais chez mes parents comme le plus « à l’aise financièrement » ne l’était pas autant que je le pensais. J’étais déjà au courant des difficultés que traverse ma mère car elle me demande souvent de faire des transactions d’un compte à l’autre pour mettre de l’argent de côté ou couvrir un découvert. Mon père, lui, m’a toujours donné de l’argent quand je lui en demandais.

C’était la première fois qu’il me disait : « Je ne peux pas. » Cette réponse m’a glacée et, depuis, je n’ose plus demander et je refuse à chaque fois qu’il me propose. Une autre fois, j’allais chercher des gâteaux pour ma mère et elle m’a sortie une phrase qu’elle ne m’avait jamais dite avant : « Bien sûr, prends les moins chers. » 

Des petits boulots en supplément

À ce moment-là, je me suis rendu compte de la chance que j’avais de pouvoir vivre dans la loge de gardien de mon père. Les charges liées à l’eau et la lumière ne sont pas payées par mes parents, ils ont donc moins d’argent qui sort de leur portefeuille.

Pour joindre les deux bouts en fin de mois, la seule possibilité pour mes parents est d’avoir deux boulots à leur actif. D’aussi loin que je me souvienne, ça a toujours été le cas.

SÉRIE 2/4 – Quand elle fait les courses pour les jeunes du foyer dans lequel elle est hébergée, Maïssa voit bien que son panier, qui ne doit pas dépasser les 25 euros, a diminué de moitié.

Capture d'écran de l'article 2 (celui de Maïssa) de la série "La fin du mois, j'y pense déjà". Sous le titre "En foyer, on vit avec 3 euros par jour", on voit une illustration de deux jeunes filles devant un rayon d'articles au supermarché. La première est accroupie, elle tient une liste dans sa main gauche et est tournée vers sa camarade. La deuxième nous fait face, elle tient quant à elle un ticket de caisse. Celui-ci est détaillé à droite de l'image. Il montre le contenu des courses effectuées par les deux jeunes filles, essentiellement alimentaires. Les prix de base sont rayés au stylo rouge, et augmentés.

Mon père travaille tellement que je ne le vois presque jamais ; une heure ou deux quand il rentre à la maison avant que j’aille me coucher. Il n’est pas là pour le dîner. Le week-end, c’est un fantôme et, pendant les grandes vacances, il ne part pas en même temps que nous. Je ne passe qu’une semaine avec lui maximum. Il est toujours à droite à gauche pour trouver des petits boulots en supplément. Des petits dépannages par-ci, par-là qui arrondissent les fins de mois. Je le vois en coup de vent. Il revient après ses petits boulots et il veut toujours me donner un petit billet.

Depuis ces évènements, je fais très attention à mon propre argent, je m’assure qu’il me reste quelque chose au cas où j’aurais un quelconque problème qui nécessiterait une dépense. L’idée qui domine, c’est que chaque centime compte, que chaque dépense est calculée à l’avance.

Amélia, 16 ans, lycéenne, Paris

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)

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