1/5 L’indifférence des adultes malgré mes tentatives de suicide
En CM2, le directeur a demandé à toutes ces filles qui me harcelaient de dire pardon et de « cesser ces chamailleries ». Ça s’appelait donc « des chamailleries ». Le terme harcèlement n’avait pas été employé. En sortant du bureau, elles avaient une raison de plus de se moquer de moi : le fait de ne pas être prise au sérieux, même par le directeur.
L’année de mes 10 ans, nous avons déménagé dans une ville de Corrèze. Très loin de ma petite vie normande que j’aimais tant. J’ai intégré une nouvelle école en CM1. Ce groupe de filles populaires m’a d’abord pris sous son aile. J’étais contente. J’ai commencé à leur raconter ma vie. Mais ça n’a duré que quelques semaines.
Je ne me souviens plus exactement de l’élément déclencheur. Il me semble qu’elles pensaient que je voulais prendre la place d’une telle dans le groupe. Ça a d’abord été quelques moqueries. Puis, des insultes, de plus en plus courantes. J’ai perdu toute envie d’aller à l’école.
C’est comme si j’avais un peu honte de la situation
À l’époque, mes parents travaillaient beaucoup. Je ne leur en ai pas parlé car ils n’étaient pas très disponibles. En plus, je ne sais pas pourquoi, mais je me sentais « bête » : j’avais un peu honte de la situation. Puis, ma mère est partie à Strasbourg, à l’autre bout de la France. Mon père, lui, était de moins en moins présent. À l’école, ça allait de pire en pire. Les quelques personnes qui ne m’insultaient pas commençaient à beaucoup en rire. Je n’en ai jamais parlé à personne, jusqu’à ce jour où je me suis pris ce coup de poing plein de colle forte dans l’œil. J’ai dû aller d’urgence chez le médecin. Par chance, pas de séquelles physiques, uniquement de douloureux souvenirs.
J’arrivais en CM2. Les professeurs commençaient à être au courant de ce que je vivais. J’avais une nounou à cette époque, que j’aimais beaucoup et que je considérais un peu comme ma grande sœur. C’est elle qui a commencé à en parler aux autres adultes.
J’ai tenté le suicide à plusieurs reprises
À mon entrée en sixième, sur décision commune avec mes parents, j’ai demandé une dérogation afin d’être séparée de ce groupe de filles. Mais je suis retombée sur d’autres personnes très nocives. Elles étaient très jalouses, notamment du fait que j’ai des bonnes notes. Il y avait aussi des enjeux de pouvoir, pour être au centre de l’attention et être la « cheffe » de la bande. J’ai eu beaucoup de critiques sur mon physique… J’étais prise pour une « bouche-trou ». La pire année fut la cinquième, les idées noires me gagnaient.
J’aurais eu besoin de ma mère dans ces moments-là, qu’elle soit là et qu’elle essaie de comprendre… Le déclic pour elle a été mon hospitalisation après une première tentative de suicide. Mes parents ont un peu paniqué. Je suis sortie de l’hôpital après quelques semaines. Ma mère très heureuse et soulagée, moi beaucoup, beaucoup moins. Je me sentais encore fragile. Elle pensait que j’allais beaucoup mieux car j’avais vu des professionnels. Elle voulait passer à autre chose sauf qu’elle ne se rendait pas compte de ce qui se passait.
Du haut de ses 9 ans, elle venait de me sauver la vie…
Retour au collège, à la pression et aux critiques. « Oh, t’es faible ! », qu’ils disaient. Les profs l’avaient dit à la classe sans me demander mon avis. Sur le moment, je n’ai pas réagi, mais quand les moqueries de mes camarades ont recommencé, je leur en ai voulu. J’aurais préféré qu’ils ne disent rien.
Dans 1 : 54, le réalisateur Yan England nous plonge dans le quotidien de Tim, jeune lycéen victime de violences de la part d’un groupe d’élèves à cause de son homosexualité. Il décide de prendre sa revanche sur son principal agresseur en se donnant comme objectif de le battre à une compétition nationale d’athlétisme. Mais cette pression le pousse au bout de ses limites.
J’ai refait une tentative quelques semaines après mon retour au collège. Mon seul soutien a été une de mes petites sœurs. Je me suis retrouvée devant ma fenêtre au troisième étage de ma maison. J’avais le choix, et je savais ce que je voulais faire. Je me souviens des cris de ma sœur qui m’appelait à table, puis du bruit de ses pas affolés dans l’escalier. Je me souviens du goût des larmes qui coulaient jusqu’au coin de ma bouche, de la grande inspiration que j’ai prise, puis de mon regard dans le vide. Tout ça s’est passé en quelques secondes mais je me souviens de chaque détail. Ma sœur m’a attrapée par la taille, m’empêchant de sauter. Du haut de ses 9 ans, elle venait de me sauver la vie…
Depuis, ma relation avec ma sœur est extrêmement forte. Et j’ai rencontré une fille qui montait à cheval avec moi, qui m’a été d’une grande aide. Elle m’a aidée à affirmer mon caractère. Et les choses ont commencé à s’améliorer.
J’aurais aimé que les adultes soient plus présents
J’ai encore des séquelles : certaines situations me rappellent cette période et provoquent des crises d’angoisse. Et j’ai une très très forte peur de l’abandon. Ma mère me dit souvent que je suis plus mature que les gens de mon âge, je pense que c’est en partie « grâce à » mon harcèlement. J’aurais préféré que les adultes soient plus présents, avoir un réel dialogue avec eux dans lequel j’aurais pu expliquer ce que j’ai expliqué dans ce texte. C’est quand on en parle qu’on se sent compris. Et que les choses peuvent aller mieux.
Série 2/5 – Les profs de Benoît étaient au courant du harcèlement qu’il subissait, mais lui ont fait comprendre que ce n’était pas la priorité.
Quand mes parents m’ont annoncé un nouveau déménagement, les crises d’angoisses ont recommencé à l’idée de revivre le même enfer. Heureusement, je suis tombée sur des personnes incroyables, qui sont et resteront mes vrais amis toute ma vie. Grâce à eux, j’ai pu aimer la vie à nouveau.
Sophie, 15 ans, lycéenne, Brest
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
J’ai vécu le sucide de mon frère, j’ai ressenti un trauma psychique pendant 2,3 ans .
Mais j’ai vu l’indifférence des autres personnes, tout le monde s’en foutez, j’ai même étais harceler au travail.
Courage à toi dans ta vie.