Lune L. 17/11/2021

4/4 Je veux m’engager pour ne plus être impuissante

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Lune a assisté impuissante aux violences que subissait sa mère. Aujourd’hui, elle aimerait s’engager pour aider d’autres victimes.

On mange, c’est calme. Je monte dans ma chambre, pas de bruit. D’un coup, je les entends se crier dessus, s’insulter. Ça part comme ça. Ça monte crescendo jusqu’au moment où il pousse et tape. Inconsciemment ou consciemment, allez savoir ce qui se passe dans sa tête. J’entends ma mère qui crie un « suicide-toi, je m’en fous ».

J’ai peur, je vis dans le déni, je fais abstraction de la situation. Écouteurs, musique, je ne veux pas entendre. Je suis impuissante, je ne peux pas agir. Les voisins appellent la gendarmerie, on nous pose des questions, on part chez un ami à maman. Lui reste à la maison. Encore. C’est la deuxième fois que ça arrive. C’est dur.

Jaloux qu’elle soit toujours en contact avec mon père

Il y a un an, mes parents m’ont annoncé qu’ils divorçaient. Grosse galère en vue. « On divorce à l’amiable », et puis finalement un tel veut ça et l’autre aussi. On n’est pas d’accord sur la vente d’un bien ou la garde des enfants… Ça engage des conflits, des procédures, des déménagements. Avocats, juges et j’en passe.

Chacun a refait sa vie, assez rapidement d’ailleurs, peu après cette annonce. Maman s’est retrouvée un conjoint. Ça se passait bien jusqu’au moment où ça a dérapé. Elle, prise dans le divorce, à faire des choix et recevoir des appels et messages de mon père par rapport à ça, et lui, jaloux qu’elle soit toujours en contact avec mon père. Il fait des crises et boit jusqu’à être bourré et à en tomber dans les escaliers. Sympa l’ambiance quand on rentre de cours, d’activité sportive, ou d’une sortie entre potes.

Ça fait mal de savoir sa mère se faire frapper

Je pense que ça n’arrive pas qu’à moi de voir cette situation, mais de ne pas avoir la force mentale et physique nécessaire pour agir. Ça fait mal de savoir sa mère se faire frapper par son père plus jeune, et maintenant par son conjoint. C’est répétitif.

Je n’en ai pas parlé avec ma mère, pourtant la première concernée, car on n’est pas une famille qui parle beaucoup de sujets comme ça. J’ai vu ma sœur essayer, et ma mère se renfermer et ne pas répondre. Alors, j’en ai parlé avec mes amies, qui ont essayé de m’aider. Elles m’ont proposé d’aller chez elles quelque temps, de sortir pour me changer les idées, et des numéros d’aide.

Je ne les ai pas appelés, par peur du jugement des personnes au bout du fil et que ma mère m’en veuille de m’en être mêlée. Mais cette situation a eu un impact sur moi, sur ma scolarité. J’ai des notes pas très bonnes, alors qu’elles ne l’étaient déjà pas.

Agir contre ces violences faites aux femmes

Ça s’est arrêté il y a quelques mois, après que je les ai entendus en parler plus calmement et que lui ait diminué sa consommation d’alcool. En suivant des comptes sur les réseaux sociaux, tels que @solidaritefemmes et d’autres avec des témoignages de femmes, je me suis rendu compte que beaucoup faisaient face à ce problème. Ça m’a permis de me rendre compte que ce n’était pas aussi peu grave que je me le disais.

J’aimerais pouvoir m’engager ne serait-ce qu’un petit peu, à mon échelle, pour agir contre ces violences faites aux femmes. J’espère pouvoir aller dans une association d’ici l’année prochaine, ou à la fin du lycée. J’ai déjà regardé quelques noms, tels que Halte aide aux femmes battues (HAFB) et la Maison des femmes de Montreuil.

Série 1/4 – Emma a grandi avec un père alcoolique et violent jusqu’au divorce de ses parents. Depuis qu’il a perdu ses droits parentaux, elle se sent beaucoup mieux, malgré les séquelles.

Illustration sur laquelle on voit une fille enfermée dans une bouteille géante, les mains sur les parois, un verre de vin géant renversé à côté d'elle.

« Je suis impuissante, je ne peux pas agir » : je pense que d’autres témoins ont eu ce ressenti. J’espère, en m’engageant, ne plus avoir ce sentiment de ne pouvoir rien faire à part attendre, et j’espère pouvoir agir en cas de problème. Et aider. Bien que ça se soit arrêté chez moi, ça peut reprendre à n’importe quel moment, n’importe où et chez n’importe qui.

Lune, 17 ans, lycéenne, Rambouillet

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Les enfants, grand·e·s oublié·e·s des violences conjugales

Des chiffres sous-estimés

143 000 enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré des violences sexuelles et/ou physiques au sein de son couple. Mais si l’on tenait compte des violences psychologiques et des violences non déclarées par les victimes, le nombre d’enfants concerné·e·s par l’exposition aux violences conjugales en France serait de 4 millions selon la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF).

Les enfants exposé·e·s présentent tou·te·s des troubles psychologiques  

La quasi-totalité des mères appelant le 3919 rapportent que leurs enfants présentent des sentiments de peur, d’anxiété, d’angoisse et de stress. Un quart d’entre elles relèvent également une perte d’estime de soi et un sentiment de culpabilité chez elles et eux, et pour 10 % d’entre elles des signes de dépression, de lassitude et de fatigue. 

La loi ne reconnaît pas aux enfants le statut de victime  

Les enfants exposé·e·s aux violences au sein du couple ne sont pas considéré·e·s comme victimes au regard de la loi. En plus de ne pas obtenir cette reconnaissance symbolique, cela les empêche de se constituer partie civile lors d’un procès et d’obtenir des dommages et intérêts pour les préjudices et les traumatismes subis.

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