En finir avec le harcèlement à l’école
Bousculades. Insultes. Humiliations. Violences à répétition. Le harcèlement, c’est ce phénomène d’ampleur qui fait d’une personne la cible à atteindre. En être victime, c’est se retrouver coincé·e dans un engrenage infini. Pourtant, il existe des moyens d’en sortir. Réussir à en parler est un premier pas important. Encore faut-il que quelqu’un vous croie et vous prenne au sérieux.
Pour cela, parfois il faut se répéter avant de trouver la bonne oreille, comme pour Jamelya, harcelée à l’école primaire. Dylan, lui, a pu compter sur l’intervention efficace de la CPE de son collège. Un déménagement a permis à Manuel d’échapper à ses harceleurs. Ben a dupliqué la stratégie du harceleur de Yanis pour lui faire subir la même chose et libérer son ami de cet enfer.
La rédaction
Une série illustrée par Meriem Mesfioui
« Il est important de ne pas rendre la réalité plus douce qu’elle ne l’est »
Pour Fernando Llor, scénariste de la bande dessinée Débile, le harcèlement scolaire vécu par le basketteur Iñaki Zubizarreta illustre une violence qui s’ancre dans la construction des jeunes victimes. C’est ce qui l’a motivé à travailler sur ce sujet.
Comment s’empare-t-on de la thématique du harcèlement scolaire pour en faire une BD ?
C’est un sujet très difficile. Il était important de ne pas rendre la réalité plus douce qu’elle ne l’est. Iñaki, le personnage de la bande dessinée, c’est Iñaki Zubizarreta, un célèbre joueur de basket espagnol, qui mesure plus de deux mètres. Dans un documentaire, il s’était confié sur le harcèlement qu’il avait subi à cause de sa taille.
25 ans après, les séquelles psychologiques et la haine sont toujours en lui. Pour moi, c’était ça qu’il fallait raconter : comment le harcèlement a eu un impact sur la personne qu’il est devenu.
J’ai travaillé avec lui, étape par étape. Ensuite, avec les psychologues qui l’ont suivi pour faire une sélection des événements de son histoire susceptibles de refléter les étapes les plus fréquentes dans le processus de harcèlement scolaire.
Comme je le raconte dans la BD, Iñaki en veut surtout à sa professeure de l’époque. Non seulement elle n’a pas été présente mais elle a aussi participé à ces humiliations collectives en le dévalorisant en cours.
Que nous apprend cette histoire, au-delà de sa singularité ?
En se basant sur ce qu’il a vécu, on a pu dégager trois phases assez courantes dans le harcèlement scolaire. La première, c’est le fait de se faire voler son identité, en se faisant appeler autrement que par son prénom, par exemple. Iñaki s’est fait appeler Théodule. La deuxième phase, c’est de s’emparer de ce qui appartient à la personne en lui volant ses affaires. La troisième phase, c’est la violence pour tester les limites. Au début, c’est verbal, puis physique. Et ça monte crescendo.
Ce qui m’a le plus fait réfléchir en travaillant sur ce sujet, c’est à quel point cette violence peut révéler un monstre en vous et peut vous remplir d’agressivité, comme Iñaki. Mais le message qu’on a voulu faire passer, c’est qu’il y a tout de même de l’espoir quand on est victime. L’espoir de ne pas devenir un « monstre » à son tour.
Pensez-vous que cette BD puisse contribuer à faire évoluer le regard sur le harcèlement ?
Dans plus de 80 établissements scolaires où nous sommes intervenus, les jeunes nous ont fait des câlins, nous ont remercié et ils se sont beaucoup ouverts à nous. Mais nous ne sommes pas psychologues ou professeurs. Le plus important était de relayer cette BD auprès du corps enseignant et du personnel scolaire. Parce que ce sont eux qui doivent protéger les élèves !
Je ne sais pas comment c’est en France mais en Espagne, où je vis, le harcèlement scolaire a toujours été appréhendé avec une certaine légèreté. On entend souvent que ce sont des problèmes d’enfants qui vont se régler par eux-mêmes. On a voulu mettre en lumière qu’il fallait prendre cela au sérieux. Et montrer que ça ne concerne pas que les enfants. D’ailleurs, le récit ne se termine pas en douceur. Ça nous a semblé important de conclure de cette manière.
Propos recueillis par Lisa Rompillon

1/4 Trouver une oreille attentive
Pour s’intégrer et parce que sa tante avait minimisé la situation, Jamelya n’a pas eu tout de suite conscience de ce qu’elle subissait. Jusqu’à ce qu’un adulte pose pour elle le mot « harcèlement ».

2/4 Sauvé par les mots de la CPE
Dylan s’est fait malmener par des garçons de sa classe. Grâce à son prof de sport, témoin de ces scènes, le jeune garçon a réussi à en parler.

3/4 Déménager, la délivrance
Manuel a été victime de harcèlement homophobe au collège. Il s’est senti très seul dans cette épreuve. Son déménagement a tout changé.

4/4 Harceler le harceleur
Yanis, le meilleur ami de Ben, a été victime de harcèlement. Face à l'inaction des adultes du collège, Ben a décidé de prendre les choses en main.