13/12/2024

Violences conjugales jeunes : quitter le mâle

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En 2024, près d’un quart des adolescentes et jeunes femmes en couple dans le monde ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur petit ami avant leur 20 ans, selon une étude de l’OMS.

Bercées par une vision romantique du couple intense, de son amour « ouf », possessif et jaloux, qui fait forcément mal, elles sont aussi victimes de mécanismes d’emprise, d’abus, de coups, d’agressions sexuelles…  

En France, les moins de 29 ans représentent 18,6% des appels pour violences conjugales au sein d’un couple hétérosexuel au 3919 en 2023.

Pour certaines d’entre elles, être jeune les rend illégitimes à se reconnaître comme des victimes. Pour celles qui portent plaintes, justice n’est pas toujours rétablie. 

Sara, Yanissa, Aïcha et Rose ont toutes les quatre subi des violences physiques et psychologiques dans leur couple. Et en sont sorties. 

Pour Sara, c’était le premier. Petit à petit, son copain a réussi à l’isoler de ses proches pour mieux la contrôler. Quand il a levé la main sur elle, elle a décidé de mettre fin à la relation. Après la séparation, elle a dû changer de numéro. 

Contrôle, isolement et violence se sont progressivement installés entre Yanissa et son petit ami, aggravés par une dépendance au cannabis. Le déclic a eu lieu lorsqu’il l’a menacée de mort.  

Aïcha a subi les menaces de viol et de mort de son copain. Après qu’il l’a rouée de coups, elle s’est tournée vers l’hôpital puis la police, mais elle s’est finalement fait justice elle-même. 

Violentée par son copain, Rose a été en plus malmenée par le système judiciaire. Comme les bleus sur ses bras, elle a compté les mois avant d’être entendue par la police. Et avant que sa plainte ne soit prise au sérieux.

La rédaction

 

« Il y a un après pour ces jeunes femmes »

 

Natacha Henry est autrice, journaliste et historienne. Experte auprès des institutions européennes sur les violences faites aux femmes, elle décrypte les mécanismes d’emprise et de domination au sein des couples. 

 

« Ce que décrivent très bien ces quatre jeunes femmes, c’est comment au début il y a la croyance dans une grande histoire d’amour. Et comment ces hommes vont être des grands séducteurs et très vite des grands possessifs. Elles ont une facilité pour décrire la reconstruction derrière, ce qui montre qu’il y a un après pour ces jeunes femmes. Elles reprennent leurs études, elles passent le permis. Elles rebondissent. 

 

Ces garçons, comme Youssef, ont compris qu’en se faisant passer pour le prince charmant, ils allaient avoir tout le loisir de dominer leur copine. C’est le cycle de la violence. La première étape, c’est que la vie est à peu près sympa. Chez les jeunes c’est souvent intense parce que ce sont les premières relations.

La deuxième étape, c’est que ça commence à être un peu tendu. Il y a des réflexions de domination et de contrôle. Elle commence à faire attention, à surveiller ses tenues, ses fréquentations… Elle entend les conditions et elle commence à avoir peur. Dans une relation non violente, ça n’arrive pas. On peut se disputer, mais il n’y a pas une relation de pouvoir. Elle sent qu’on lui demande de ne plus être la personne qu’elle était avant. Ça n’est pas de l’amour !

La troisième étape, c’est l’explosion de violence. Là, elle a peur pour sa vie. Des coups, des blessures, des strangulations, des hématomes. On voit bien Rose qui les compte. Après cet épisode de violence, la quatrième étape c’est la lune de miel. Il revient s’excuser. Avec des fleurs, des cadeaux, en expliquant que personne n’a jamais vécu un amour aussi profond, qu’elle n’en trouvera jamais un qui l’aime autant. Qu’il a des fragilités. Leur notion de culpabilité est assez limitée. Ils leur font croire qu’il n’y a qu’elles qui peuvent les aider, et que si elles les quittent maintenant, leur vie s’effondre. 

C’est un système malin. Il lui explique que si elle ne l’accepte pas comme ça, si elle ne l’aide pas, il va continuer comme ça. Son changement à lui dépend de sa compréhension à elle. En même temps, elle se sent valorisée parce qu’un garçon est à ses pieds. Elle se sent importante parce qu’elle va l’aider. C’est le schéma maternant. 

 

Par ailleurs, en France, on ne s’occupe pas beaucoup des addictions dans ces situations. Alors que ce sont des dépendances qui aggravent la situation. On le voit dans le témoignage de Yanissa. 

 

Ce qui est alarmant aussi, c’est que les chiffres de violences au sein de couples jeunes sont très élevés, comme le montre le rapport du 3919. Sans mentionner le fait qu’elles n’appellent pas toutes. Mais en même temps, on voit dans les récits que la ZEP a accompagnés qu’elles ont des ressources. Elles ont toutes un déclic. Comme elles n’habitent pas avec le garçon, il n’y a pas d’enfant, de logement, d’emprunt, pas une vie commune, ce qui leur « facilite » techniquement la séparation. Cette liberté de mouvement fait la différence. 

 

Dans ces histoires, on n’a pas non plus forcément affaire à des jeunes hommes qui vont changer. Ils sont probablement en train de faire subir les mêmes choses à d’autres jeunes filles. C’est pour ça que ces témoignages sont hyper importants. 

 

Ce qu’on peut conseiller c’est de ne jamais aller à la police seule et aussi d’appeler une association spécialisée, ce qu’aucune d’entre elles n’a fait. Sûrement parce que ces associations ne sont pas connues des jeunes. Il y a donc là un vrai travail à faire. »

 

Propos recueillis par Adèle Douay