Lo P. 06/01/2022

2/2 Me droguer m’a abîmée

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Lo se bat pour ne pas reprendre de drogues, après un an de consommation compulsive.

Mon état était lamentable. Physiquement et mentalement, j’étais un zombie. Des cernes noires et gonflées malgré mon maquillage, une peau ravagée, un teint gris blanc. Plus qu’épuisée. Un sac devenait trop lourd pour moi, j’étais anorexique. Plus je prenais de la drogue, moins je mangeais, donc j’en prenais encore plus pour maigrir. Envie de mourir, dégoûtée de tout et de tout le monde. Une étiquette de toxico. J’étais un déchet humain.

Pourtant, j’avais seulement 16 ans à ce moment-là. Je tapais dans la dure depuis quelques mois : ecstasy, MDMA, kétamine, LSD, médocs comme Trama et Tercian (des médocs pour calmer des grosses douleurs, et le Tercian c’est pour des gens qui ont des troubles de l’attention et qui ont besoin d’être calmés)… J’étais aussi dans la drogue douce depuis plus de trois ans.

J’étais en échec scolaire, en dépression et un tas d’autres problèmes. C’est parti encore plus en couille avec la drogue. J’ai commencé à prendre de la dure parce que je voulais changer d’état, parce que j’étais tout le temps en déréalisation (en gros t’as l’impression de ne pas être dans la réalité et ça rend fou). J’étais tout le temps triste aussi. Oui, c’est complètement débile.

Pertes de mémoire et crises d’angoisse

Comme beaucoup de personnes, j’ai commencé par fumer des joints pour voir ce que c’était, pour faire l’intéressante. Je suis très vite tombée accro parce que je pensais que c’était la seule chose qui pouvait me rendre heureuse. Mais c’était juste une illusion. Puis, j’ai commencé à taper dans la dure. J’étais complètement désespérée et, surtout, je me suis laissée influencer. Je trouve que la drogue – et la dure – est beaucoup trop normalisée et facile à se procurer.

Il y a un an, en octobre, j’étais aux urgences pour aller en hôpital psy parce que j’étais en train de péter un câble mentalement. Je devais faire une prise de sang que les médecins et mes parents allaient voir. Mais, la veille, j’avais pris de la kétamine et un taz. Je ne me souvenais plus de ma soirée. L’infirmière m’a fait la prise de sang et j’ai fait un malaise, j’avais vraiment l’impression de mourir. Pendant ce malaise, dans ma tête, j’ai revécu la soirée en accéléré. Je me suis réveillée, j’étais perdue. J’ai trouvé ça super glauque. Pendant ma semaine en HP, je n’ai fait que de penser à l’impact de la drogue sur mon cerveau. J’étais parano, je pensais que j’étais tarée, j’avais peur car je commençais à avoir des pertes de mémoire, paralysies du sommeil et crises d’angoisse. J’étais impulsive, j’avais des envies suicidaires et l’envie de prendre de la drogue régulièrement.

J’ai assisté à une OD de GHB et je suis trauma

Ça a été le déclic, j’ai commencé à réaliser plein de choses. J’ai pensé à tout mon entourage qui se droguait : la plupart sont en dépression, avec des troubles alimentaires ou de l’attention, pertes de mémoire, bipolarité, schizophrénie…. Et j’ai essayé de me souvenir d’eux avant, et de moi avant. J’ai réalisé à quel point on s’était pourri la vie : j’ai des potes qui ont pris de la C et je ne les reconnais plus. Physiquement, ce sont des zombies. Ils sont devenus agressifs, en dépression totale, et certains ont développé des maladies mentales…

Une seule prise peut te gâcher la vie ou même te faire mourir. J’ai assisté à une OD [overdose] de GHB et je suis trauma, le mec a pris ça pour s’amuser, bah maintenant il est mort ou il est bloqué dans un autre monde à vie. Comme quoi, la drogue que tu prends dans ta petite soirée pour t’amuser peut gâcher ta vie.

La drogue et la tentation sont partout

Ça fait un an que j’essaie de ne plus retaper et, malgré les problèmes que j’ai dans ma vie, je vais vraiment mieux. Je suis beaucoup plus à l’aise dans ma peau et dans ma tête. Je cogite moins, je suis plus heureuse, moins fatiguée, plus apte à réfléchir malgré mes séquelles, comme les pertes de mémoire.

Par contre, la tentation est partout. Vu que ça fait longtemps que j’ai arrêté, je suis là à me gratter les veines parce que je me retiens de taper. Quand j’en ai sous le nez, je me pose toujours la question de si je vais en prendre ou pas. En festival, j’ai succombé et j’ai repris de l’ecsta. J’ai énormément regretté parce que j’en ai pris plus d’un entier et je n’arrivais pas à redescendre vingt-quatre heures après. J’ai paniqué et ça m’a fait bader, j’ai eu peur de rester coincée ou je ne sais quoi. Depuis, j’essaie de m’écarter un maximum de ça et des gens qui prennent de la drogue.

Je ne regrette pas tout ça parce que, grâce à ces erreurs, j’ai un recul que beaucoup de personnes n’ont pas. Ça m’a appris des choses, comme par exemple comment l’addiction fonctionne, l’impact que ça a sur le cerveau, et surtout, qu’il ne faut pas prendre ça à la légère. Maintenant, quand je vois des gens taper pour « s’amuser », je me dis qu’ils sont complètement débiles de faire ça et qu’ils ne mesurent pas l’importance de leur acte.

Lo, 17 ans, lycéenne, Nancy

Crédit photo Pexels // CC Mart Production

 

Les jeunes, vulnérables aux addictions

Une consommation répandue et normalisée

À titre d’exemples, 8 % des adolescent·e·s de 17 ans consomment de l’alcool plus de dix fois par mois et 44 % ont connu un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante dans le mois. Au même âge, pour le cannabis, 7 % ont une consommation problématique et 25 % d’entre elles et eux présentent un risque d’usage problématique ou de dépendance.

Un problème de santé publique 

La consommation de drogues débute généralement à l’adolescence, et plus l’exposition à ces substances est précoce, plus il y a de risques que cela entraîne une dépendance. Et ce n’est pas sans conséquences. Le cerveau adolescent est particulièrement sensible aux effets des drogues et à l’apparition des maladies mentales associées à ces substances. C’est notamment une phase de vulnérabilité à la schizophrénie, aux troubles anxieux ou dépressifs, et 80 % de ces maladies apparaissent à cette période de la vie.

Comment être aidé·e ?

Si vous pensez avoir une addiction ou que cela concerne un·e de vos proches, vous pouvez appeler gratuitement et anonymement Drogues Info Service au 0800 23 13 13 ou consulter leur site internet pour trouver des adresses utiles (points d’accueil, unités hospitalières spécialisées, salles de consommation à moindre risque…). Vous pouvez trouver d’autres ressources juste ici. Ne restez pas seul·e·s.

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