2/2 « Je déteste quand il pleut »
Eau marron. Destruction. Champs ravagés. Morts. Des inondations, j’en ai vécues ! À l’été 2009, quand j’avais 6 ans, des inondations en Inde ont détruit les barrages qui protégeaient mon pays, le Bangladesh.
De ma fenêtre, j’ai vu des arbres tomber dans l’eau. C’était impressionnant. Des animaux et des oiseaux sont morts. Cela a conduit à la destruction de champs de riz et de légumes. Ces champs sont importants car beaucoup de gens n’ont pas les moyens d’acheter dans les supermarchés.
Chez moi, heureusement, mon père avait encore des stocks de riz qu’il avait récolté. Il en a donné à nos voisins qui avaient tout perdu. Nous étions très proches des deux familles voisines. Nous avons toujours partagé la nourriture entre nous, même avant les inondations. Quand j’étais petite, je jouais toujours avec Samara, Alvi et Humayra, les enfants des voisins. Pour nous, c’était normal de nous entraider.
Une routine inondée
Ma ville s’appelle Fenchugonj. C’est à l’est du Bangladesh, juste à la frontière avec l’Inde. Pendant ces inondations de 2009, j’ai vécu un mois chez mon grand-père avec mes parents. Nous avons nettoyé la maison et on a pu retourner y vivre.
Pour les courses, c’est mon papa qui s’en occupait. Moi, j’étais trop petite alors je restais à la maison, parce que je ne savais pas nager. Il y allait en bateau. Pour ça, il devait payer le propriétaire du bateau pour l’emmener. C’était une sorte de petite pirogue en bois. Les bateaux étaient devenus des taxis.
Dans ces magasins, il y avait beaucoup de pertes. Ils n’ont jamais fermé, même si l’eau arrivait jusqu’à la taille. Mon papa nous expliquait qu’on ne pouvait prendre que les produits qui étaient assez haut dans les rayons, car le reste était sous l’eau. Il prenait ce dont on avait besoin et payait, comme d’habitude.
La mort d’un voisin
Je me souviens juste de le voir rentrer avec des légumes. Quand il arrivait, ma mère commençait à cuisiner. Ce n’est pas un bon souvenir. C’est douloureux. Même si j’avais 6 ans, je me rappelle voir ma mère pleurer en cuisinant. La mort d’un petit voisin, noyé dans les inondations, l’avait traumatisée.
Maintenant, je déteste quand il pleut, parce que ça me rappelle le choc. Même en étant en France, je n’aime pas la pluie. Quand il y a de l’orage surtout. Ma mère me prend le bras quand elle entend le tonnerre, parce qu’elle a peur.
Régulièrement, je regarde des vidéos sur YouTube pour me renseigner sur le Bangladesh. Je veux savoir comment est ma ville. En 2023 et 2024, il y a eu de très graves inondations. Des maisons ont été détruites par l’eau. Si j’y étais restée, j’aurais été victime de cette situation. Je me sens mal pour tout le monde là-bas.
Rezuana, 21 ans, en recherche d’emploi, Aubervilliers
Crédit photo Pexels // CC Adreyat Hasan
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Le manque d’eau est devenu le souci quotidien d’Emily. Entre 2022 et 2024, elle a vu le barrage de sa ville, au Mexique, se tarir. La franco-mexicaine de 18 ans a développé une conscience aiguë de la valeur de l’eau.