Emily CM. 06/12/2024

1/2 « La pluie, c’est joyeux pour moi »

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Le manque d’eau est devenu le souci quotidien d’Emily. Entre 2022 et 2024, elle a vu le barrage de sa ville, au Mexique, se tarir. La franco-mexicaine de 18 ans a développé une conscience aiguë de la valeur de l’eau.

À Paris, où je vis désormais, il pleut beaucoup. Voir la pluie c’est quelque chose de joyeux pour moi. Chez moi, au Mexique, il ne pleut pas du tout. Juste deux mois par an. Parfois moins. J’ai habité à León jusqu’en juin 2024. Depuis 2022, mon quotidien au Mexique se concentrait sur le manque d’eau. Ici, je peux boire l’eau du robinet.

Au Mexique, on utilise l’eau qui tombe de la douche pour laver le sol, le chien, les voitures… On la récupère. Quand je me lave le corps j’éteins l’eau. J’ai gardé ces réflexes que j’ai depuis l’âge de 10 ans. Dans la douche, j’ai toujours une petite bassine pour récupérer l’eau froide qui tombe avant que l’eau ne chauffe.

Tout a commencé quand nous avons réalisé que le barrage de León, que nous aimions tant, était peu à peu en train de s’assécher. El Palote, c’est son nom, abritait 244 espèces animales. C’était un endroit où nous nous réfugiions sous les arbres par temps chaud. Ce refuge plein de vie, utilisé pour approvisionner les 160 000 habitants de la ville, est devenu un paysage sec en seulement deux ans. Les experts alertaient, mais beaucoup de gens n’ont pas pris cela au sérieux, en disant que c’était momentané et que rien de grave n’allait se passer.

Alerte rouge

Un an plus tard, le gouvernement a décidé de rationner l’eau. Dans mon quartier, c’était trois jours par semaine. Du jour au lendemain, dans les magasins, les rayons avec les grosses bouteilles d’eau purifiée de 20 litres se sont vidés. Pendant six mois, les gens étaient en panique. Même les personnes qui refusaient jusqu’alors de contribuer à prendre soin de l’eau ont été obligées de le faire. Malgré cela, le barrage a continué à s’assécher.

En février 2024 : alerte rouge. La ville est en panique totale. Ma famille s’est déjà organisée pour économiser l’eau. Nous ne sommes que trois personnes. Donc ça va. D’autres n’ont pas fait grand-chose.

Ce barrage, c’était la maison de flamants roses, de lézards écailleux, de grenouilles, d’aigles pêcheurs et même, à certaines saisons, de lynx. Leurs vies dépendaient de l’eau du barrage. Le sol est devenu vert. L’herbe a poussé. Les animaux ont dû être relocalisés dans des sanctuaires pour animaux.

Nettoyer le gâchis

Les pluies récentes ont permis de sortir de la crise, pour l’instant. Voir un endroit si plein de vie se réduire en cendres m’a rendue triste et a fait naître en moi une peur profonde pour mon avenir. Cela ne signifie pas que je suis pessimiste. Je prends simplement plus d’initiatives pour prendre soin du monde et pour convaincre les autres de faire la même chose. Parler, écrire, aller à des conférences, je le fais. J’essaie de faire changer mon petit cercle au Mexique et mes amis d’ici, à Paris, par des groupes Instagram. Nos petites actions peuvent nous conduire à un monde plus vert et prospère.

La nouvelle génération, ma génération, n’est pas celle qui a pété le monde. Il est maintenant de notre responsabilité de nettoyer le gâchis fait par celles passées afin d’assurer un avenir stable pour celles à venir.

Emily, 18 ans, en recherche de formation, Paris 

Crédit photo Unsplash // CC Holly Mandarich 

 

Slash Coincées entre les gouttes, récit 2/2 : « Je déteste quand il pleut »

Au Bangladesh, Rezuana a vu l’eau s’infiltrer partout dans son quotidien. Entre destruction et adaptation, elle en garde un souvenir amer.

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