Romain L. 17/11/2023

2/2 Le métavers me connecte aux autres

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Romain vit dans un village. Loin d'être isolé, il multiplie les rencontres dans le métavers. Ces amitiés virtuelles débouchent parfois sur des rencontres IRL.

À la campagne, il y a ce cliché des grands espaces calmes. Les gens pensent que ça pue, qu’on n’a pas de vie sociale et que c’est un peu bruyant avec le chant du coq le matin. Surtout, le plus gros cliché c’est qu’il n’y aurait pas de réseau. J’ai déménagé dans le village de Cormeilles-en-Vexin à 15 ans, et du réseau j’en ai.

Cormeilles-en-Vexin, c’est un petit village d’un millier d’habitants avec que des rues pavillonnaires. La ville est tout en vieilles pierres qui datent du 19e siècle. Je me suis adapté à l’environnement. Alors oui à la campagne il y a des grands espaces, oui c’est calme, et oui il y a des coqs… mais seulement dans les fermes. Pour ma part, j’ai des poules et je ne les entends pas chanter le matin. J’ai surtout un bon réseau internet à très haut débit et, grâce à ça, des rencontres, j’en fais plein avec les jeux vidéo. J’ai commencé en ligne sur PlayStation ou encore sur la Wii. Et, au lycée, en 2015, j’ai découvert le métavers.

VRChat : un univers parallèle

VRChat est un jeu en réalité virtuelle multijoueur gratuit. Il permet aux joueurs d’interagir les uns avec les autres dans un monde virtuel. Vous pouvez vous mélanger en temps réel. Participer à des activités telles que discuter, jouer à des jeux, assister à des événements virtuels et explorer différents mondes. C’est grâce au youtubeur Amixem que je l’ai découvert.

Puis, j’ai découvert la communauté française de VRChat et je me suis intéressé aux casques de réalité virtuelle. Après deux, trois ans de VRChat en bureautique (sans casque VR), j’ai acheté mon premier casque. Celui créé par Facebook, l’Oculus Quest 2. Il est autonome et n’a pas besoin de PC pour pouvoir fonctionner, contrairement aux autres. Il m’a coûté à peu près 400 euros. On rentre dans un univers stylisé. Dans des bâtiments en réalité virtuelle ou bien dans l’univers d’un anime.

Aujourd’hui, j’ai plus d’équipement VR, dont des trackers. Ce sont des capteurs de forme ronde avec trois picots sur le dessus, un peu comme le truc en plastique qu’on met sur les pizzas, mais en plus épais. Ça me permet de capter les mouvements de mon corps et de les reproduire dans le jeu. J’ai aussi acheté un PC pour avoir de meilleurs graphismes et platines. Car, depuis mes 14 ans, je pratique le DJing dans le virtuel et dans la vraie vie. Il y a plein de clubs virtuels dans VRChat comme le « French beach club » ou le « QNode club ». Il y a aussi des influenceurs du métavers qui créent leurs évènements, comme Intempestible. C’est dans ces endroits-là que je mixe.

DJ virtuel et réel

La préparation d’un live dans VRChat n’est pas très différente par rapport à dans la réalité. En live virtuel, j’installe ma platine à côté de mon set-up, je la branche en XLR sur ma carte son en jack 6.35 mm et je tourne ma caméra de façon à ce qu’on voit soit mes platines, soit moi comme pour un live Twitch. Puis, j’envoie le flux sur le jeu via un player vidéo. La musique et l’image se synchronisent avec les lumières colorées. Je mets en place un visuel pour avoir un joli rendu son et lumière, comme en festival ou en teuf.

En IRL, il faut porter et installer le matériel à l’avance. Préparer le son, la lumière, le PC, les platines, et je demande aux structures qui m’accueillent de préparer à l’avance une table ou deux afin que je puisse m’installer. J’installe les enceintes pour le son et ensuite je m’occupe de l’aspect esthétique avec la lumière pour ajouter de la gaieté à la soirée. Je commence par mes platines, puis je fais mes balances et après je positionne mes spots, ma machine à brouillard, le laser, et je le commande grâce à un petit boîtier DMX. C’est plus physique quoi. J’ai déjà fait des soirées où on était 400 dans un village.

Des soirées uniques

Visuellement, dans les soirées du métavers, il y a plus de décors avec des objets volants, des mondes futuristes. Tu peux plonger dans un jeu vidéo, atterrir sur une île paradisiaque avec une scène, des lumières, les pieds dans l’eau, entouré de trusted users (un joueur qui a plus de 5 000 heures sur le jeu au total). On passe la soirée à discuter, faire du beer pong, du billard, le jeu de la bouteille ou du never ever (j’ai jamais, j’ai déjà). T’as aussi des alcoolos, des personnes de tous les genres, une grande communauté LGBTQ+ furry : le furry (poilu/velu) est un terme général désignant des animaux anthropomorphes (ayant des attributs humains), des hétéros et des avatars en tout genre. J’ai déjà vu des Shrek, des Poutine ou des Zemmour en soirée. Des avatars de mangas, des personnages de jeu vidéo, un plot ou plutôt, un cône de chantier sur patte.

Les soirées peuvent durer jusqu’au petit matin. T’as les Canadiens qui ont six heures de décalage par rapport à nous qui débarquent généralement vers 6 heures du matin. Pour eux, la soirée ne fait que commencer. On peut déjà entendre les premières victimes de la soirée qui ronflent à travers leur casque. Tu peux voir ton personnage de jeu vidéo préféré ou de manga complètement allongé qui titube ou ronfle comme un moteur de tracteur. Quand les gens sont saouls dans le jeu ou fatigués, c’est parce qu’ils boivent en vrai et que les trackers captent et retranscrivent leurs mouvements dans le jeu.

Se voir en vrai

Les amis du métavers peuvent aussi devenir de vrais amis. J’ai toujours besoin d’une rencontre en vrai pour me fixer. C’est un peu comme sur Facebook ou les autres réseaux sociaux, tu ne sais pas à quoi réellement t’attendre. Soit tu as vu quelques photos, ou bien tu ne connais que son pseudo ou son prénom, ou tout à la fois. VRChat, à la base, c’est un réseau social. Ça fait toujours bizarre la première fois, tu ne sais pas comment réagir. C’est comme un date.

Ma dernière rencontre s’est faite sur Paris. J’ai rencontré deux personnes sous le pseudonymes Grossemerguez et Miyouu. On s’est donné rendez-vous sur le rond de l’Arc de Triomphe via l’application Discord. On a échangé nos coordonnées et on a organisé deux séances de laser game. On s’est promenés dans Paris, dans le jardin des Tuileries, puis on est allés manger dans un restaurant coréen. On est tous rentrés chez nous ensuite. Une virée simple comme si on se connaissait depuis longtemps personnellement. J’étais un peu gêné. Je n’ai pas beaucoup parlé, mais on a bien rigolé et on s’est bien dépensé. Tant que j’aurai une bonne connexion internet, je ne me sentirai jamais seul à la campagne.

Romain, 24 ans, sans emploi, Cormeilles-en-Vexin

Crédit photo Unsplash // CC benjamin lehman

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