Oussama A. 14/09/2023

2/2 Les draguer pour les arnaquer

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On les surnomme les brouteurs, d’après ce terme d’argot d'Afrique de l'Ouest qui signifie « mouton qui se nourrit sans effort ». Ce sont souvent des jeunes hommes, pauvres et sans emploi, qui se tournent vers les arnaques sur internet pour subvenir à leurs besoins. Au Bénin, Oussama était l’un d’entre eux.

Je me suis lancé avec deux amis. On formait un trio où chacun avait une responsabilité basée sur ses compétences. Il y avait l’expert en drague, un autre à l’aise avec un clavier, et moi. Mon rôle c’était d’intervenir au moment où il fallait soutirer de l’argent. Je créais des situations crédibles pour y arriver.

Tout se passe par étapes. La première, c’est d’avoir une carte SIM Lebara pour la communication sur WhatsApp ou autres messageries. Ensuite viennent les faux profils grâce à un album photo qu’on télécharge sur Instagram d’une personne qui se filme, qui fait des selfies ; en gros qui publie la plupart de ses moments sur les réseaux. La dernière étape consiste à avoir un site de rencontres, par exemple Tinder, Badoo, Meetic…

Une fois inscrits, le plan peut démarrer sans accroc : faire connaissance, séduire, gagner la confiance de la personne et devenir indispensable pour elle. C’est là que l’arnaque commence réellement.

La jeunesse béninoise

Je suis camerounais. Pendant plus de huit ans, j’ai vécu au Bénin où j’ai fait mes études secondaires. Comme dans la plupart des pays africains, la vie est dure pour tout le monde et surtout pour la jeunesse béninoise. Pour se nourrir et avoir une vie aisée, elle était obligée d’avoir recours à l’arnaque. Ce n’était pas sans conséquences, mais on était sûrs de se faire de l’argent.

J’ai commencé à 18 ans, influencé par des amis. Des jeunes gens comme moi qui, à 16-17 ans, roulaient déjà dans de belles voitures Mercedes, Range Rover, Bentley… À force de vivre dans ce genre de milieu, j’ai été très vite embarqué. Je voulais aussi avoir cette vie, parce que j’étais triste. À l’école, ça n’allait pas vraiment. Ça affectait ma mère qui, comme tous les bons parents, voulait que son fils aille loin dans ses études.

Les mettre en confiance

L’arnaque la plus courante à l’époque, c’était celle-ci : une fois que la confiance était établie avec la victime, je lui faisais croire qu’à la suite d’un procès contre mon ancien époux, j’étais obligé de lui verser une somme de 700 000 euros pour une affaire X et que j’avais tout perdu. C’était accompagné d’une preuve, des documents « du tribunal » fabriqués en fait par nous-mêmes.

Habituellement, les victimes nous demandaient si elles pouvaient faire quelque chose pour m’aider. Alors, je leur faisais savoir que j’allais essayer de relancer mon entreprise, mais qu’il me fallait juste une somme X pour repartir. Souvent, le transfert d’argent arrivait presque automatiquement.

Un paradis bourré de riches

En une année, je pouvais me faire 3 ou 4 millions de francs CFA. Le « coup » qui m’a le plus marqué, c’était avec une dame de 60 ans qui était financièrement stable et que j’avais rencontrée sur Tinder. Elle ne savait pas trop ce qu’était l’arnaque alors j’en ai bien profité, au point de me faire 2 millions de francs CFA en un mois.

Mais bon, tout ça est maintenant derrière moi. Je n’avais vraiment pas le choix à l’époque et je ne me rendais pas compte du mal que j’infligeais aux personnes victimes. C’est au fil du temps, une fois ici en France, que je me rends compte que les gens travaillent vraiment dur pour s’en sortir et que c’est tout sauf un paradis bourré de riches comme on le pensait. Je regrette, mais rien ne pourra effacer cette partie de ma vie.

Oussama, 22 ans, volontaire en service civique, Lyon

Crédit photo Pexels // CC Tima Miroshnichenko

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