Karim H. 15/11/2024

2/2 Perdre ses repères derrière les barreaux

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À 16 ans, Karim a fait un séjour en prison pour mineurs, après avoir commis une agression. L’adolescent a été éprouvé par le manque de ses proches et a souffert d’anxiété.

Il était 21h36 précisément quand j’ai mis pour la première les pieds à l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Marseille. Le genre de moment que l’on n’oublie pas. C’était le 27 janvier 2020. Je suis arrivée là-bas après mon interpellation à Périer, dans les quartiers chics, après avoir commis l’irréparable : agresser une personne innocente.

En arrivant, je pensais à tout et à rien. J’étais perdu, comme seul dans le monde. Je me souviens de l’énorme portail devant lequel la voiture de police qui me transportait s’est arrêtée. On s’est approchés lentement, le portail s’est ouvert. À ce moment-là, le policier qui conduisait m’a dit : « Bienvenue ! », avec un air vicieux et sournois. Ensuite, il m’a fait sortir, m’a enlevé les menottes et m’a fait rentrer dans une sorte de sas.

Deux surveillants m’attendaient. Je me suis présenté, j’ai donné mon nom complet, ma date de naissance et mon adresse. Ils m’ont aussi identifié en prenant mes empreintes, et m’ont fait remplir un bilan de santé et des documents administratifs.

Le traumatisme de la fouille au corps

Je suis alors entré dans une mini-cellule qui ressemblait à un petit aquarium. « Enlève tes habits, nous devons vérifier que tu n’as rien de dangereux sur toi ou en toi », m’a dit le surveillant. Ce moment de la fouille a été désagréable, même dégradant… Je n’avais jamais vécu ça. J’étais choqué. J’ai demandé au surveillant si c’était obligatoire et il m’a dit que oui.

Après ça, nous avons reçu chacun un paquetage : des draps propres, une couverture et une serviette de bain. Puis, on nous a emmenés dans l’unité des nouveaux. On était à peu près huit détenus par bâtiment (il y en avait sept en tout), quatre au premier étage et quatre au rez-de-chaussée. On était tous solidaires, on s’aidait si l’un de nous n’allait pas bien. Il y avait de tout : des petits délits, comme une participation à des bagarres, jusqu’au meurtre involontaire. Chacun était dans sa bulle et essayait de vivre la détention la moins désagréable possible.

Mes premiers jours ont été un peu durs, parce que la musique me manquait. Puis, après deux semaines, les cantines sont arrivées et j’ai pu récupérer un poste de radio. Ma cellule était plutôt spacieuse, avec une grande fenêtre. Par contre, il n’y avait pas de rideaux, donc j’ai déchiré ma couette pour en fabriquer, parce que le soleil tapait fort le matin.

« Comme si un tsunami me passait dessus »

Les relations avec les surveillants, les profs et les autres détenus étaient plutôt tranquilles. La plupart du temps, on était en activités, souvent au « scolaire », l’école de l’EPM. J’avais des enseignants sympas, à l’écoute. On jouait au foot avec Mehdi, un surveillant. On rigolait. Parfois même, on le narguait.

Au bout de quelques jours, je me suis rendu compte aussi que j’étais secoué par les émotions, comme si un tsunami me passait dessus. J’étais déboussolé, comme si je vivais à l’écart du monde réel. Le médecin, qui me voyait deux fois par semaine, disait que j’étais très anxieux. Le plus dur, c’était le manque de mes proches.

Ma famille a su ce que j’avais fait dès mon incarcération, parce que quand on est mineur, la prison prévient tout de suite les parents. Pendant les heures de parloir, on faisait comme si de rien n’était, comme si rien ne s’était passé. Mais ça me faisait quand même de la peine de faire venir mes parents et mes tantes dans cet endroit.

Des fois, je regardais des épisodes de série que j’avais déjà regardés une dizaine de fois… D’autre fois, j’écoutais de la musique, ou alors je faisais du sport pour garder la forme, comme des pompes et des abdos. Je m’amusais aussi à rendre fous mes codétenus, en leur criant des choses par la fenêtre pour passer le temps. Un truc que j’ai découvert là-bas et que j’aimais bien, c’est le jardinage. Tu es tout seul, il n’y a pas de bruit, c’est calme.

Karim, 20 ans, en formation, Marseille

Crédit photo Unsplash // CC !ME

 

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