Jean J. 17/04/2023

1/2 La douce odeur des voitures

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Le run, ce sont des courses de voiture très bruyantes, légales ou illégales. Une tradition à la Réunion, et la passion de Jean.

D’abord les pilotes font chauffer les roues des voitures. Ensuite, ils se mettent sur la ligne de départ et quand le feu passe au vert, c’est parti, à toute vitesse. La première fois, j’avais 9 ans, j’étais derrière une barrière qui nous protégeait au cas où une voiture perdait le contrôle et nous fonçait dessus.

Le run, c’est une course entre plusieurs voitures, qui s’élancent deux par deux sur une grande ligne droite. Sur le côté, il y a un monsieur qui note les temps.

Quand les voitures ont démarré et sont passées à côté de moi, c’était fou. J’ai ressenti une joie immense et j’ai reçu une grosse dose d’adrénaline. Les voitures faisaient énormément de bruit, il y avait du brouhaha aussi dans la foule. Les gens criaient et il y avait plein de fumée. Ça sentait bon. Mon père, mon parrain et moi, on était super heureux. Depuis, j’adore les voitures. J’avoue, j’aime surtout celles qui font du bruit et de la fumée.

Tant pis pour la planète

Je sais que le run, les courses de ce genre de voitures, ce n’est pas écolo, mais tant pis. C’est trop important pour moi. Je sais que la fumée et l’essence ça pollue, que ce n’est pas bon pour la planète. Mais je ne roulerai jamais de ma vie en Zoé, les voitures électriques c’est mort. Je préfère aller à pied que dans une voiture qui ne fait pas de bruit. Les voitures thermiques, c’est ce que j’aime le plus au monde.

C’est dans ces courses de run que j’ai passé les meilleurs moments de ma vie, comme quand les voitures les plus puissantes de la Réunion se sont affrontées. Une Nissan Skyline R35 bleu clair de plus de 1 500 chevaux avec un gros aileron, de belles jantes et des autocollants partout. Elle fait un beau bruit de rupteur, même si elle ne fait pas de fumée. En face d’elle, il y avait une Audi RS3 2021 blanche avec des autocollants de chaque côté, deux gros pneus à l’avant et 1 000 chevaux. C’est la R35 qui a gagné. Moi je ne parie pas, mais bien sûr qu’il y a des gens qui misent de l’argent autour de moi. L’automobile c’est tellement ma passion que j’ai décidé d’en faire mon métier, je veux être mécanicien. Mais pas dans le run ! Trop de pression…

Je préfère les courses illégales

Bien sûr, il y a les courses officielles, mais ce que j’aime surtout, ce sont les courses illégales. On en fait souvent avec mon père, quand les gens nous provoquent en nous faisant des signes depuis leurs voitures. À ce moment-là, on se met côte à côte, on fait un décompte, et on voit qui gagne. Évidemment, c’est toujours mon père le plus rapide. Mais ça, ce n’est pas vraiment du run, c’est plutôt ce qu’on appelle ici de la pousse, une course improvisée. Contrairement au run, ce n’est pas autorisé. La police peut prendre ta voiture et la mettre à la fourrière. Moi, ça ne me fait pas peur, je suis habitué.

Je sais que c’est très dangereux, mais je n’abandonnerai jamais le run. Mon rêve, c’est d’avoir une voiture très puissante, d’y mettre de plus en plus de pièces, de la modifier pour pouvoir concourir moi-même. Comme ça, je montrerai que je suis le plus puissant, parce que c’est vraiment là que je me sens vivant.

Jean, 14 ans, collégien, Saint-Louis (La Réunion)

Crédit photo Pexels // CC Jacob Moore

 

 

 

Les sports mécaniques, une tradition à la Réunion

La pousse, c’est le nom donné aux courses automobiles à la Réunion. Le plus souvent, elle est pratiquée sur les voies rapides. Côte à côte, les deux coureurs ou coureuses se défient sur 200 ou 400 mètres. Ça, c’est les runs « sauvages » ou « spontanés ». Les week-ends, le phénomène attire tellement de monde que des événements sont aussi organisés pour rassembler les passionné·es.

Mais la pousse, c’est illégal. Et ça peut vite devenir dangereux. Donc pour encadrer les runs et sécuriser les participant·es, des infrastructures sont créées, comme le circuit Félix Guichard, à Saint-Anne. Le problème, c’est que le plus souvent l’accès est payant, et loin d’être accessible à tous les pousseurs !

La Bike Life, bien plus que des roues arrière

En 2021, la journaliste Yagmur Cengiz a réalisé le documentaire Bike Life disponible sur la plateforme payante BrutX. Elle y suit Junior et sa bande de potes, passionnés de cross bitume.

Le cross bitume, c’est un sport où tu fais des figures acrobatiques à moto. L’objectif : tenir le plus longtemps possible en roue arrière (wheeling) sur une route droite et, de préférence, sans les mains. Pour ses adeptes, la bike life, c’est bien plus qu’un sport : c’est une passion qu’on pratique entre potes.

Le cross bitume est inspiré du stunt, une vraie discipline née aux États-Unis avec des compétitions officielles. En France, la pratique est illégale parce qu’elle est jugée comme dangereuse et qu’elle dérange les riverain·es. Depuis 2018, les rodéos urbains constituent un délit passible d’au moins un an de prison et de 15 000 euros d’amende.

Plutôt que de chercher à réprimer et interdire la pratique, certain·es motard·es aimeraient que des structures existent pour pratiquer en toute sécurité et éviter de déranger. Encadrer la discipline, ça permettrait aussi de lutter contre les clichés et la stigmatisation de la bike life !

Si ça reste une discipline très genrée, majoritairement pratiquée par des hommes (et entre hommes), certaines femmes se démarquent dans le milieu. D’ailleurs, la championne du monde de stunt est française : c’est Sarah Lezito, une cascadeuse qui a même doublé Scarlett Johansson dans deux de ses films !

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