Amina L. 17/10/2022

1/2 J’attends de savoir si je peux rester

Amina ne sait pas encore si sa situation va être régularisée. En attendant, elle ne peut pas se soigner, ni travailler.

Je suis venue de Côte d’Ivoire à 15 ans pour rejoindre mon oncle. Je suis arrivée en France en traversant la Méditerranée avec un passeur. On est passés par la Libye, l’Italie. On était plusieurs filles, on restait ensemble, on se soutenait mutuellement. Une fois arrivées, chacune est partie de son côté. J’ai appelé mon oncle, il a dit à une personne que je ne connaissais pas de me mettre dans un train et je suis arrivée à Paris. C’est pour ça que je n’ai pas de papiers.

Quand je suis arrivée, j’avais mon passeport ivoirien, mais pas de titre de séjour. Ça complique beaucoup de choses, parce qu’en France, ils aiment trop les papiers.

Impossible de se soigner

Pour l’assurance maladie par exemple, je n’ai ni carte Vitale ni CMU (couverture maladie universelle). Parce que même pour avoir la CMU, il faut être en situation régulière. Du coup, tu n’es pas pris en charge quand tu tombes malade, et t’es obligé de payer les médicaments chers. Alors, je n’en achète jamais. Quand j’ai mal quelque part, c’est mon oncle qui doit aller en acheter pour moi.

Une fois, je devais faire une IRM cérébrale, mais comme ça coûtait trop cher et que je n’avais pas la carte Vitale, je n’ai pas pu la faire. Heureusement, la douleur s’est estompée avec le temps. Je n’ai jamais pris la carte de quelqu’un d’autre, parce que c’est illégal, et puis c’est très sécurisé. C’est un risque que je ne veux pas prendre.

Je ne tombe pas malade parce que je sais qu’en cas de problème, je ne peux pas me soigner. Je peux quand même aller aux urgences, mais je dois payer cash. Une fois, j’y suis allée, et la consultation coûtait 400 euros avec les examens. On a dit « OK » mais on n’est jamais revenu pour faire les examens. Tu ne peux pas faire de consultations gratuites ici en France. Je n’ai pas le choix, mais je trouve que c’est injuste. Tout le monde devrait pouvoir se soigner, même sans papiers. On pourrait par exemple, payer plus tard, nous laisser le temps de régulariser notre situation et rembourser nos frais ensuite.

Impossible de travailler

Quand tu n’es pas régularisé, tu n’as pas le droit de tout faire. Je ne peux pas envisager de travailler si je ne suis pas en règle. Quand tu vas à un entretien d’embauche, c’est obligé qu’on te demande un titre de séjour, la carte Vitale, ta carte d’identité ou encore le passeport. Mais moi, je vais devoir vite travailler, parce que je dois envoyer de l’argent au pays. Mon père, ma mère et mes frères sont toujours là-bas et ils comptent sur moi. Ma demande de régularisation est en cours et ça devrait le faire parce que je suis scolarisée. Je veux d’abord passer mon bac et travailler ensuite.

Je ne trouve pas ça juste que les sans-papiers ne puissent pas travailler. Déjà, il faut savoir qu’ils travaillent quand même, mais avec les papiers des autres. Le problème, c’est que ça les empêche de vivre normalement, d’être régularisés, parce qu’ils n’ont pas de fiche de paie à leur nom, donc les entreprises en profitent. En plus, ils sont obligés de donner une partie de leur salaire à ceux qui leur prêtent leur nom.

Je crains un peu de ne pas obtenir de titre de séjour, mais je me concentre sur mes études. Coûte que coûte, j’y arriverai, ça va le faire.

Je m’inquiète pour plus tard. Après tous les efforts que j’ai fournis, si je ne suis pas régularisée, je ne pourrai pas travailler. Et tout ça n’aura servi à rien.

Amina, 17 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo Pexels // CC Alexander Suhorucov

 

Sans papiers, pas de stabilité

À leur majorité, sous certaines conditions, les migrant·es installé·es en France peuvent demander un titre de séjour pour rester. De plus en plus systématiquement, elles et ils se voient délivrer une OQTF (obligation de quitter le territoire français). En 2020, l’État français en a prononcé 108 000.

L’affaire Laye Fodé Traoré

Une affaire a fait beaucoup de bruit : celle d’un jeune Guinéen, Laye Fodé Traoré, apprenti-boulanger à Besançon. En 2021, après deux ans passés en France, il a reçu une OQTF. Son maître d’apprentissage s’est mis en grève de la faim et a lancé une pétition, recueillant plus de 220 000 signatures : le jeune apprenti a fini par être régularisé.

Accueillir ou expulser

Deux visions s’opposent dans le débat public. Certain·es pensent que trop de régularisations inciteraient les migrant·es à débarquer en masse. D’autres voient la régularisation comme un devoir éthique, dans la mesure où elle permet d’acquérir des droits : étudier, travailler, se faire soigner… Une position défendue notamment par la philosophe Hannah Arendt dans Les origines du totalitarisme.

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1 réaction

  1. Pour la santé, essaie de demander l’AME (aide médicale d’état), sur internet on peut imprimer le dossier, le remplir, compléter les pièces et envoyer à la CPAM

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