1/2 Mes TCA ne se voient pas
J’ai un rapport malsain à la nourriture. En 2018, je me sentais tellement mal dans mon corps que j’ai pris la décision de ne plus rien manger à part une compote pendant quarante-huit heures. C’était le seul moyen pour maigrir car j’avais déjà testé plein de choses : des régimes, le sport… Rien ne fonctionnait. En deux mois, j’ai perdu quinze kilos et tout le monde, que ce soit au lycée ou mes proches, me disaient que j’avais « fondu » sans s’inquiéter du pourquoi et du comment. J’étais tellement heureuse qu’on le remarque que j’ai continué.
L’été, je passais mes journées sur Paris à marcher des kilomètres sans rien manger et, dès que je rentrais, je mentais à ma mère et lui disais que j’avais mangé dehors pour ne pas qu’elle me force à manger. Ça ne fonctionnait pas toujours et, quand elle me forçait, je mangeais le moins possible. Je me rappelle même une fois avoir donné le steak haché à manger à mon chien en cachette.
Je ne me souviens pas avoir déjà eu une discussion concernant la nourriture avec ma mère, elle n’a jamais prêté attention au fait que je mange peu ou trop.
J’attends qu’elle aille se coucher
En 2019, j’avais repris du poids et, mon ex me le faisant bien comprendre, j’ai décidé de passer à une étape supérieure : me faire vomir. Mon corps me dégoûtait et mon seul objectif était de retrouver mon poids de 2018.
Aujourd’hui, ça fait trois ans que je me fais vomir lorsque ça ne va pas, et ma mère ne m’a jamais entendue faire ça. Généralement, j’attends qu’elle aille se coucher ou que je sois toute seule à la maison pour le faire. La seule fois où elle m’a surprise, je lui ai dit que j’avais mal au ventre et que j’étais malade.
Dès que je regrette d’avoir mangé quelque chose de très gras et que je ne me sens pas bien mentalement, je décide de me faire vomir comme si je voulais me punir. Mes copines, ma sœur et mes anciens copains ne l’ont jamais su non plus. J’attends d’être toute seule, et je fais le moins de bruit possible.
Mon poids change mais mon corps reste à peu près le même, c’est pour ça aussi que personne ne le remarque.
J’ai enfin pu me confier sur mes TCA
J’ai toujours gardé ça pour moi, jusqu’en janvier 2022, quand j’ai décidé d’en parler à une copine suite à une crise assez forte. Ça m’a donné envie de me confier. J’ai eu très peur de sa réaction et les mots ont eu du mal à sortir de ma bouche, j’étais extrêmement gênée en lui expliquant. Elle a été bienveillante et me donne envie d’en parler de plus en plus, mais je ne pense pas encore être prête à en parler à ma mère. Elle ne comprendrait pas. Dans la vie de tous les jours, elle trouve toujours que j’exagère tout ce que je ressens.
Je pense prendre prochainement rendez-vous chez un professionnel car je sais l’impact négatif que ce trouble a sur ma vie, que ce soit mentalement, au niveau de la confiance en soi ou encore sur mes relations amicales et amoureuses. J’ai réellement envie de guérir car les TCA me gâchent la vie.
Ema, 20 ans, étudiante, Pontault-Combault
Crédit photo Pexels // CC cottonbro
Déconstruire les préjugés sur les TCA
Le 2 juin, c’est la journée mondiale des troubles des conduites alimentaires (TCA). Souffrir de TCA, c’est aussi subir les idées reçues sur sa maladie. Déconstruisons ensemble quelques préjugés.
NON, les TCA ne concernent pas que les ados
Près d’un million de Français·es souffrent de TCA, dont 500 000 adultes. Plus de la moitié ne sont pas diagnostiqué·es, en partie parce qu’on considère souvent que ces maladies ne touchent que les ados.
NON, les TCA ne sont pas un caprice…
…même s’ils apparaissent majoritairement à l’adolescence. Ce sont des troubles complexes qui doivent être traités par des spécialistes, le plus tôt possible. Considérer ces troubles comme une période de transition ne fait que retarder la prise en charge et le processus de guérison.
NON, les TCA ne concernent pas que les filles
Au moins 10 % des personnes souffrant de TCA sont des hommes. Dans le cas de l’hyperphagie boulimique, il y autant d’hommes que de femmes malades. Ce préjugé empêche beaucoup d’hommes d’être diagnostiqués.
NON, guérir de TCA n’est pas qu’une question de volonté
Comme pour soigner toutes les maladies psys, la volonté ne suffit pas à guérir. Ces troubles sont très addictifs, c’est pourquoi la prise en charge médicale est indispensable. Aussi, tout n’est pas dans la tête : les TCA peuvent aussi être dus à des facteurs génétiques et biologiques.