2/2 « Un daron m’a traitée de pute sur Snap »
Il y a des gens bizarres quand même ! Surtout des gars, quand on est une fille. Même quand on n’a pas le physique d’une bimbo. Sur les réseaux, je poste des photos classiques de la vie quotidienne, pas des photos osées. J’ai 19 ans et j’ai déjà croisé des pervers sur les réseaux et dans la vie réelle. La dernière fois, c’était il y a un an.
Un jour où j’ai assez de temps, je me donne pour ambition de répondre à toutes mes demandes d’amis sur Snap. J’accepte des demandes sans prendre le temps de regarder en profondeur les profils. Quelque minutes après avoir accompli ma mission, je reçois un message de l’application qui m’encourage à entamer la conversation. Je l’ignore, parce que je ne suis pas trop du genre à faire le premier pas. Une personne qui se sent plus à l’aise m’écrit : « Salut, comment tu vas ? »
Je lui réponds, bien entendu. Qui accepte une demande d’ami pour ensuite lâcher des vus ? Pas moi ! Il veut qu’on « fasse connaissance ». Je lui demande de se présenter.
Je reçois une photo de lui. Un genre de selfie ou de photo d’identité. Il a un t-shirt. C’est un homme autour de la trentaine. Je suis choquée. Je me dis qu’il est assez vieux. Normalement, à cet âge-là, ton délire c’est plus Facebook que Snap. Il continue à me poser des questions.
« 15 ans, pas un obstacle pour lui »
Je dis que j’ai 15 ans. J’en ai 18. Je veux qu’il prenne conscience que je suis trop jeune pour « chatter » avec des « darons » sur les réseaux. Je veux voir quelles sont ses motivations. Je pense aussi écourter la conversation en mentant sur mon âge.
Malheureusement, 15 ans, ce n’est pas un obstacle pour lui. Il poursuit en me demandant une photo de moi. Je réponds que mes parents ne veulent pas que je partage mes photos avec des inconnus.
Sa réponse ? « De toute façon, tu n’es qu’une pute ! » Je ne m’attendais pas du tout à ça. Je m’attendais à ce qu’il arrête là et qu’il comprenne que je ne voulais clairement plus continuer à « faire connaissance » avec une personne qui a peut-être l’âge de mon père.
Comment un homme dans la trentaine peut-il prendre son clavier et écrire « tu n’es qu’une pute » à une fille qui lui dit qu’elle a 15 ans ? C’est choquant. Je l’ai bloqué. Depuis ce jour, je fais vraiment attention à qui j’accepte sur mes réseaux.
Un audio avec des gémissements
Le pire, c’est que ce n’était pas la première fois. C’était déjà arrivé sur Instagram, quand j’avais 16 ans. Ce jour-là, une connaissance de ma soeur aînée, 17 ans, m’a dit « t’es belle » sur le tchat. « T’es seule chez toi ? Tu peux filmer tes lèvres ? » Je lui ai dit d’arrêter.
Une autre fois, il m’a demandé si je pouvais lui envoyer un audio. J’ai demandé : « Un audio de quoi ? » Il a précisé : « Un audio où tu fais des bruits bizarres. » Et il m’en a envoyé un. Des gémissements, comme des bruitages de films X. Je le connaissais depuis le primaire. On avait grandi ensemble. Je n’imaginais même pas qu’il soit comme ça. Il avait tellement changé…
Quelque temps plus tard, il est revenu sur Snap. Il m’a demandé des nouvelles. Il m’a envoyé une photo de lui en flamme sur Snap. C’était une vidéo avec sa main dans son caleçon en train de toucher son truc. J’en ai parlé à une de mes amies. Ce type faisait des choses comme ça à plusieurs filles. Ma soeur m’a dit de le bloquer. Les autres aussi l’ont bloqué.
J’ai du mal à bloquer les gens parce que j’ai l’impression de ne pas être gentille. Mais là, j’étais trop choquée.
« Une vieille main claire en haut de ma cuisse »
Dans la vraie vie aussi, j’ai vécu un geste choquant de la part d’un homme quand j’avais 14 ans. Je suis au Cameroun, dans un taxi collectif. Il y a trois places derrière. Quand je monte dedans, il y a déjà des gens. Quelques mètres après, le taxi s’arrête pour prendre un autre passager. Je me retrouve derrière, au milieu.
J’ai mis mon sac sur mes cuisses pour ne pas que ça gêne les autres passagers. Je suis consciente du poids de mes cahiers dans mon sac mais, à un moment, je sens qu’il n’y a pas que mon sac sur mes cuisses. Quand je le soulève pour voir ce qui me dérange, je vois une vieille main claire en haut de ma cuisse.
C’est la main du monsieur assis à côté de moi. Il a l’air d’avoir la cinquantaine. Prise de peur, je lui dis : « S’il vous plaît, est-ce que vous pouvez déplacer votre main ? » Il fait comme si il n’était pas conscient de ce qu’il faisait et il dit : « Ah pardon, je n’avais pas vu. »
Je pensais que la dame assise à ma droite allait dire quelque chose mais elle a préféré garder le silence, en faisant comme si elle n’avait rien vu.
ll commence à me poser des questions. « T’es en quelle classe ? » ; « Tu t’appelles comment ? » Je réponds à ses questions mais donner de vraies informations ne lui donne pas mon vrai nom. Il commence à blaguer avec moi comme si rien ne s’était passé. Toujours sous le choc, je le suis dans sa blague. Pour ne pas lui montrer que j’ai peur.
De l’endroit où j’ai pris mon taxi jusqu’à chez moi, c’est quinze minutes de trajet. Ce jour-là, j’ai cru passer une éternité dedans. J’ai fait des prières intérieures pour arriver plus vite. Quand je suis arrivée à ma destination, j’ai remercié le chauffeur. Le monsieur, lui, m’a remerciée par la même occasion. Pourquoi ? Je ne sais pas. Arrivée chez moi, j’ai raconté la scène à ma tante. Choquée, elle m’a demandé de faire plus attention et de privilégier les places aux extrémités quand je prends un taxi collectif.
Aujourd’hui je me méfie des gens sur les réseaux et j’évite de parler aux hommes dans la rue.
Lisa, 19 ans, lycéenne, Argenteuil
Crédit Photo Unsplash // CC Ajoy Das
À lire aussi…
Slash Screen ton porc, Récit 1/2 : « La riposte anti-nudes »
Un garçon a demandé des nudes à Mina sur Snapchat. Elle a fait des captures d’écran de ses messages. Affiché, il a disparu de son réseau. Mina, elle, en a tiré une petite leçon de féminisme.