Zoe.P 02/10/2019

Après l’incendie de Rouen, je suis dans le brouillard de l’info

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Cinq jours après l'incendie de Rouen, j'essaie de savoir ce qu'il se passe. Entre la télé, les réseaux et les fausses infos, c'est pas très rassurant...

Depuis l’incendie de Rouen, tout le monde est un peu perdu. Toutes les informations reçues sont plus ou moins bancales. Surtout après la mort de Jacques Chirac, c’était encore plus flou et difficile de trouver des infos. C’est pour ça qu’il y a des manifestations dans le centre ou devant la préfecture. C’est pas très rassurant comme situation.

Je me suis réveillée vers 6h30 du matin le jour de l’explosion. J’étais rive gauche chez mon copain, on a très vite su ce qu’il s’était passé et nous avons donc décidé de rentrer chez moi. Nous n’avions aucune idée que la fumée se dirigeait par là. Tout le monde dans le métro était très surpris parce que peu savaient ce qu’il s’était passé. Dans le bus, le temps paraissait apocalyptique, personne n’avait l’air très paniqué. Une fois arrivés devant chez moi, la fumée passait juste au-dessus de ma maison et celle des voisins. C’était comme si nous passions sous un tunnel : la luminosité était tout de suite plus sombre et ça faisait un énorme contraste avec le ciel. Nous sommes vite rentrés à l’intérieur. De ma chambre, on peut voir le pont Flaubert, nous avions une bonne vision de ce qu’il était en train de se passer. La fumée qui émanait de l’usine était en continuel mouvement, c’était impressionnant, nous pouvions même voir le rouge de l’incendie qui se reflétait sur l’énorme nuage. Nous avons entendu les alarmes (mais très peu) et nous nous sommes renseignés sur comment ça allait se dérouler ensuite. 

https://twitter.com/BlasCastellano/status/1177590753415041025

On a fait toutes les chaines possibles pour avoir un maximum d’infos, mais on s’est vite rendu compte qu’ils répétaient en boucle ce qu’on savait déjà : que c’était une usine Seveso mais que personne n’était apte à nous donner plus d’informations quant à la toxicité de l’air. On a su dans la journée que les transports étaient arrêtés (pas très rassurant), que le ministre de l’intérieur était venu à Rouen (pas rassurant non plus), que les écoles, collèges, lycées étaient fermés jusqu’au lundi (décision du préfet) mais pas les universités. Puis on a senti l’odeur horrible, alors que ma maison était complètement fermée… Mais pas vraiment d’infos sur la qualité de l’air. Et avec la mort de Chirac, on a su qu’on obtiendrait rien de plus.

Mardi 1er Octobre, tout un amphi a été évacué

Étudiante, j’avoue que ça m’a un peu refroidie pour aller en cours. L’odeur était insoutenable, on ne savait que brièvement ce qu’il y avait dans l’air et je me voyais  mal monter à Mont-Saint-Aignan, là où se trouve l’université, une commune en hauteur qui a bien été touchée par le nuage. Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’étudiants n’étaient pas très heureux non plus de reprendre les cours. Déjà parce que ça fait plaisir à tout le monde de pas avoir cours, mais aussi parce qu’on était sûrs de rien… Le lendemain, le vendredi, je m’étais faite à l’idée d’y aller. Mais en fin de matinée j’ai reçu un mail comme quoi tous les cours de ma licence étaient annulés et qu’ils reprendraient le lundi. L’air n’était vraiment pas agréable à respirer et ne l’est toujours pas ! Par moment, l’odeur s’est estompée (ou je me suis habituée je ne sais pas) mais souvent il y a des relents d’une rue à une autre ou même quand je change de pièce dans ma maison. Hier matin, le mardi 1er octobre, tout un amphi a été évacué dans ma fac, à cause de l’odeur…

J’ai continué à m’informer mais tout n’était pas cohérent : j’ai vu ce matin qu’un pompier s’est vu refuser ses résultats de prises de sang (Libération), classés « confidentiels ». J’ai trouvé ça carrément étrange… Puis j’ai vu des vidéos de BFM qui disaient que le ministre s’était un peu précipité à dire qu’il n’y avait pas de toxicité dans l’air, et que laver les établissements à l’eau ne suffirait peut-être pas…

Mon copain est en classe prépa, il n’a pas eu cours jusqu’au lundi car c’est en lycée. Son emploi du temps a été très perturbé : les profs les ont bombardés (lui et sa classe) de devoirs à rendre, de prochains contrôles, etc.

Mal à la gorge, mal à la tête…

Comme nous venons de familles plus ou moins « bio », mon copain était un peu méfiant par rapport à la qualité de l’eau/de l’air. Nous savons très bien qu’un nuage comme ça n’est pas un nuage d’air pur. Nous avons eu mal à la gorge à plusieurs reprises et un peu mal à la tête mais rien d’alarmant. 

Pour Lola, 18 ans, contactée sur Instagram, la fumée et les odeurs qu’ont provoqué l’incendie de Rouen ont eu d’autres répercussions physiques :

 

Entre-temps il a plu, et nous avons vu toutes ces photos de suie qui retombent dans les jardins. Aussi, de l’eau noire des robinets et des chasses d’eau (à Mont-Saint-Aignan et Rouen rive droite) [ces photos ont depuis été identifiées comme fake news]. On prend toutes les infos, sans savoir si elles sont vraies ou non. Les inquiétudes s’amplifient de jours en jours. Les quantités d’eau ont largement diminuées dans les supermarchés, des fois allant même jusqu’à la pénurie, dans la rue on voit plein de gens trimballer des packs… Ma mère a fini par en acheter aussi parce que « on ne sait jamais ».

Les réseaux, source de désinformation ? Pas seulement ! Yasmine a été élevée par sa mère et… par Twitter !

Je veux bien faire confiance à l’État mais quand on nous dit qu’il ne faut pas consommer les légumes, les fruits, le lait des vaches ou encore le miel de la région, c’est pas du tout rassurant. Et puis, que ce soit toxique ou non, au bout de cinq jours, c’est trop tard pour nous.

 

Zoé, 18 ans, étudiante, Rouen

Crédit photo France 3 – Normandie // Photomontage

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