Saméry T. 30/12/2017

Bruno, c’était mon pote SDF

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C'est l'hiver et pour les SDF, c'est l'enfer. Je me souviendrai toujours de l'Italien qui squattait une cave de mon immeuble...

Tous les matins, je me levais et je mangeais les B-ready que Bruno m’offrait. Bruno, c’était mon pote SDF. Il était Italien. Il avait 63 ans le jour de sa mort.

Quand il était plus jeune, il avait une femme, deux enfants, un boulot de cuisinier. Bref, une belle vie. Malheureusement, sa femme a voulu divorcer. Il est tombé dans l’alcool puis il a perdu son boulot. Il a décidé d’immigrer en France, sans rien.

Je le connais depuis que je suis tout petit. C’est un peu un pote à qui on dit « bonjour, bonsoir », sans plus. J’aurais voulu le connaître un peu mieux, même s’il mentait un peu de temps en temps. Il disait à ses enfants qu’il habitait un studio à Paris, qu’il avait un boulot. Un mirage comparé à sa vraie vie. Ça, je l’ai appris à son enterrement.

En vrai, pour pas avoir froid l’hiver, il vivait dans une cave de mon immeuble, là où ma mère travaille comme concierge. Une vie simple, très modeste : une radio, un matelas, un micro-onde et quelques affaires qu’on lui avait données.

Bruno, c’était un homme hyper gentil. Presque tous les jours il aidait les gardiennes du quartier, y compris ma mère, à sortir les poubelles à 6h du matin. Franchement, il avait la foi de se lever à cette heure-là ! Faut dire qu’on habite dans un quartier un peu aisé, les gens sont polis, c’est vers Franklin Roosevelt.

Quand je rentrais du collège, parfois, je croisais Bruno, et il me proposait des TUC. Je savais qu’il n’avait pas grand chose et pourtant, en plus des B-ready matinaux, il nous offrait des pots de confiture. Il restera à mes yeux un homme très fort mentalement, même s’il fumait et s’il buvait. Quand il toussait, j’avais l’impression que ses poumons allaient sortir de son corps ! Franchement, j’aurais voulu l’aider, mais il ne manquait de rien. Comme si je voulais donner un stylo à un journaliste. Inutile.

Ma mère m’a dit qu’il avait kiffé sa vie, même celle de ses dernières années en solitaire.

 

Samery T., 16 ans, lycéen, Paris 

Crédit photo Adobe Stock //  Lisa F. Young

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