Solenn A 03/04/2018

Étudier avec un handicap, c’est possible !

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Difficile de continuer ses études et trouver sa voie quand on se retrouve en fauteuil roulant du jour au lendemain. Je n'ai rien lâché !

J’ai toujours aimé apprendre. Mal dans ma peau au lycée, coincée dans un système scolaire qui ne m’était pas adapté, harcelée, j’ai souffert pendant trois ans. Je suis arrivée à la fac de médecine de Bobigny, en PACES, en septembre 2012. J’ai eu le concours et j’ai commencé un long parcours qui devait me mener au métier de mes rêves : médecin. J’ai continué jusqu’en deuxième année de médecine en 2017.

« Je peux plus pisser. » C’est ce que j’ai dit au médecin des urgences ce 23 mai 2015. Le début pour moi d’une longue descente aux enfers. Je me suis forcée à avaler tous les matins une tonne de médicaments. J’ai dû apprendre à me sonder : quand ta vessie ne fonctionne plus, tu dois la vider toutes les quatre heures avec une sonde. Pas très glamour, mais je m’y suis faite.

L’hôpital est devenu ma deuxième maison. J’y allais pour la chimio, les examens douloureux comme les ponctions lombaires ou les piqûres à répétitions. Ce qui est marquant à l’hôpital, c’est que tu sais quand tu rentres, mais tu ne sais jamais quand tu sors. En un an, je me suis attachée aux infirmières de l’Hôpital Saint-Louis à Paris, j’ai pleuré, je me suis battue.

J’ai recommencé ma vie, j’ai appris à faire avec la maladie. J’ai même réussi à continuer ma deuxième année de médecine que j’avais ratée. J’étais à l’hôpital lors des rattrapages et je n’ai pas eu le droit à une session privée : j’ai retapé sec.

Je pensais qu’on allait m’aider

De plus en plus de choses sont mises en place pour les étudiants handicapés. Le référent handicap de la fac est censé t’aider à continuer tes études et faciliter ta vie étudiante. Je me suis complètement épanouie à la fac malgré les difficultés en médecine. J’ai trimé, j’ai bossé, beaucoup bossé, jusqu’à 12h par jour parfois.

La maladie m’a fait réfléchir, elle m’a changée, physiquement et mentalement. Plus elle évoluait et plus j’essayais de trouver des solutions pour adapter mes études. Je pensais que ça serait facile. En médecine, tu penses que les profs, la plupart médecins, sont les mieux placés pour comprendre. J’ai vite été mise face à la réalité de la situation quand un prof m’a dit, alors que je demandais à ne venir que trois jours par semaine en stage au lieu de cinq :  « Mademoiselle, si vous n’êtes pas capable de vous lever le matin, vous pouvez changer de voie et vous reconvertir. » Je n’ai pas compris. Je pensais qu’on ferait tout pour m’aider, je me suis rendue compte qu’en fait, tout serait plus compliqué que pour une étudiante lambda.

J’ai cru que j’avais fait le plus dur. Et pourtant, le 30 septembre 2016 a commencé le combat le plus important de ma vie : en 24h je suis devenue hémiplégique, paralysée de tout le côté droit du corps. J’ai alors débarqué dans un monde inconnu : le handicap.

Comment j’ai dû tout réapprendre

Après un mois à l’hôpital, j’ai été transférée au Centre Médical et Pédagogique pour Adolescent (CMPA) de Neufmoutiers-en-Brie (77). Entre séances intensives de kinésithérapie pour réapprendre à marcher, travail de l’équilibre et des transferts, ergothérapie où, à travers des jeux, j’ai travaillé ma main droite. Ça a été une souffrance d’être constamment confrontée à mes difficultés et mon handicap : l’apprentissage de l’autonomie, notamment, a été un gros challenge pour moi.

J’ai dû apprendre à vivre et à penser autrement. J’ai dû tout réapprendre : le matin, on m’aide pour me lever, me transférer tant bien que mal sur mon fauteuil douche. On me lave, m’habille, me coiffe, me réapprend à manger. Je ne peux plus mettre mon manteau seule, ni mes chaussures.

En situation de handicap, avoir de l’aide est important. Micro a toujours soutenu son père malvoyant.

J’ai toujours mis un point d’orgue à ne pas décrocher, à ne pas arrêter les cours et toujours continuer. J’ai passé mes partiels de deuxième année, alors que j’étais malade, deux jours après une séance de chimiothérapie. Au centre de rééducation, il y a un lycée. L’objectif : nous permettre de continuer les études.

J’y ai rencontré des profs géniaux. Par exemple, ma prof d’anglais qui m’a aidée à dépasser mes difficultés d’expression orale. Elle a cru en moi et m’a aidée dans mes démarches pour intégrer PAREO, je ne la remercierai jamais assez. Elle, mais aussi les profs de la session bac pro gestion-administration qui m’ont accueillie dans leur classe et préparée au mieux à la reprise des cours. J’ai repris confiance en moi et pour la première fois, j’allais en cours pour le plaisir, car on me portait une attention toute particulière. Là-bas on était dans un cocon : max deux en cours. Pour une fois, ce sont les profs qui se sont adaptés à moi.

Trouver des solutions, malgré mon handicap…

J’ai beaucoup réfléchi sur la possibilité de reprendre mes études de médecine, malgré mon handicap. J’ai eu beau tourner le problème dans tous les sens, je n’ai pas encore trouvé de solution. Des médecins en fauteuil, ça existe, j’en ai déjà rencontrés. La plupart travaillent dans des centres de rééducation. C’est le cas du médecin qui me suivait à l’Hôpital Robert Ballanger : handicapée depuis l’âge de 17 ans suite à un accident de scooter, elle a fait toutes ses études en fauteuil. J’ai réalisé grâce à elle que c’est peut-être possible de continuer dans cette voie.

J’ai intégré début novembre, la résidence Colliard à Paris : résidence étudiante adaptée où je possède mon propre studio. Il y a constamment des aidantes pour nous aider dans les tâches de la vie quotidienne : faire à manger, s’habiller, laver notre linge. On leur dit ce qu’on veut et ils sont nos mains. Je peux ainsi profiter de ma vie étudiante, sortir et m’investir dans mes études. Le but de la résidence : permettre aux étudiants en situation de handicap d’étudier et d’avoir une vie sociale.

Les hôpitaux ne sont pas forcément adaptés pour les personnes en situation de handicap

J’ai survécu à la difficulté de la première année de médecine, j’ai travaillé comme une forcenée en deuxième année et j’ai arrêté en début de troisième année. J’ai les capacités intellectuelles pour continuer les études de médecine, mais pour les stages, ça devient compliqué. Les hôpitaux ne sont pas forcément adaptés pour les personnes en situation de handicap : portes lourdes, chambres doubles étroites et surtout, des maîtres de stages pas forcement compréhensifs.

Cette année, j’ai fait un DU (Diplôme Universitaire) afin de réfléchir à une solution. Je viens de valider mon année et j’ai beaucoup réfléchi : je voulais devenir médecin dans l’optique d’aider les autres. J’ai beaucoup mûri à travers toutes ces épreuves, je n’ai plus la volonté de faire dix ans d’études. De toute façon, j’ai essuyé le refus de toutes les facs de médecine parisiennes. J’ai donc décidé de me lancer dans la recherche.

Une vie sociale et une vie sexuelle ? Educ spé, Rose a souvent été confrontée à cette question.

J’ai fait un stage en février dans un laboratoire de recherche à l’institut Necker Enfant malade et ça été le déclic. Je me suis donc inscrit à la fac en sciences du vivant pour devenir en enseignante-chercheuse.

 

Solenn A., 22 ans, étudiante, Paris

Crédit photo Adobe Stock // Gina Sanders

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6 réactions

  1. […] avec l’association Zone d’Expression Prioritaire  . J’ai publié mon article sur le site et j’ai eu un déclic. Ecrire c’est ma thérapie, je me rends compte que […]

  2. Bravo Solenn ton courage et ta motivation nous encourage à continuer notre métier vous aider dans la réalisation des actes de la vie quotidienne.
    *priscille AMP RUA de Nanterre

  3. Solenn ont est tous avec toi !
    #uneanciennepatientedeneufmoutier

  4. Témoignage bouleversant
    Bravo pour votre courage inconditionnel
    Quelle belle leçon de vie
    Merci

  5. Ma chère Solenn, Je suis avec toi, je pense à toi et je te suis avec les infos que tu nous donne… Je te pense heureuse car je pense que tu as bien compris que la vie est une tragédie et il faut vivre chaque instant de la vie, il y a toujours quelque chose dans ton pouvoir et quand tu es en train de faire ce que tu peux que tu t’attache et qu’on aime la vie quand on attend pas, quand on ne vie pas dans le passé ou dans l’avenir mais au présent et avec nos forces et capacités. C’est là qu’on voit que la vie est un cadeau surtout pour quelqu’un bien entouré comme toi avec les belles personnes au tour de toi. Profite bien de la vie 🙂 Je t’aime.

  6. Ma Solenn,
    C’est moi qui te remercie.
    Je suis tellement émue et fière de l’extrêmement belle personne au courage et à la motivation inaltérables que tu es, une jolie guerrière.
    Life is not about waiting for the storm to pass, it’s about learning to dance in the rain.
    What a good dancer you are!
    Affectueusement,
    P. J

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