Alice B. 31/03/2019

Je suis une femme et j’ai peur la nuit

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Alice n'a jamais été victime de harcèlement de rue. Pourtant, elle a peur. Surtout quand elle rentre seule chez elle le soir.

La nuit, je ne suis pas rassurée quand je rentre seule. L’atmosphère nocturne me fait peur. Dans des rues où il n’y a pas beaucoup de monde, je suis méfiante. Toujours avec mes écouteurs. Même quand je n’ai plus de batterie sur mon téléphone, je garde mes écouteurs pour faire genre « j’écoute de la musique, je ne t’entends pas ». La journée, c’est différent : je n’ai pas peur d’être seule, je ne fais pas attention. Sûrement parce qu’il y a du monde dans les rues.

La nuit, quand il n’y a personne, j’ai l’impression qu’il peut m’arriver n’importe quoi. Je fais attention au moindre bruit, à la moindre personne qui pourrait être derrière moi. Toujours avec mon portable à la main. La page d’un contact ouverte : celui de ma mère, bien qu’elle soit à 140 km, ou celui d’une amie plus proche. Prête à déverrouiller mon téléphone pour un appel. On ne sait jamais.

Avant d’habiter dans le centre-ville, je vivais dans un quartier périphérique de Besançon, à côté d’un rond-point, d’un tunnel, du Doubs et d’une route empruntée par les amateurs de boite de nuit.

Je ne voulais pas aller aux repas qu’on organisait entre amies, en ville, le soir, par peur de rentrer seule. Pour que je puisse venir, Agathe, l’amie qui habitait le plus près de chez moi me promettait de me raccompagner. Elle ne me laissait jamais loin de chez moi. À même pas 500 mètres. Mais je redoutais ces derniers mètres. J’avais peur. Je me méfiais de cette atmosphère glauque.

J’ai couru chez moi par peur qu’il fasse demi-tour

Un jour, en rentrant chez moi, alors que j’étais devant la maison où se trouvait mon appartement, une voiture noire s’est arrêtée. Le conducteur – un gars, jeune – m’a interpellée : « Hey, la miss ! » J’avais mes écouteurs. Je ne me suis pas retournée. Le gars a continué à s’adresser à moi depuis sa voiture. Je me sentais bloquée. J’étais devant chez moi, mais je n’osais pas y aller. Le gars pouvait voir où j’habitais. Je ne savais pas quoi faire. J’ai cru qu’il allait descendre de sa voiture. Heureusement, une voiture est arrivée derrière la sienne. Alors, en râlant, il a accéléré d’un coup. J’ai couru chez moi par peur qu’il fasse demi-tour.

Et si la voiture derrière n’était pas arrivée ? Qu’aurais-je fait ? Que ce serait-il passé ?

Des fois, je me demande si j’ai plus peur que la moyenne. Si je suis parano. Si j’en fais trop. Je pense et je sais que beaucoup de filles de mon âge ont peur aussi. À différents degrés, sûrement.

Pas sûr qu’elle soit parano ! Marguerite, elle, ça fait quinze ans qu’elle subit du harcèlement.

Je trouve ça tellement anormal d’avoir peur comme ça, de se méfier autant. Cette peur absurde je voudrais qu’elle cesse, être plus forte que ça, ne pas me méfier autant. Pouvoir rentrer en toute tranquillité la nuit, comme je le fais la journée. Cette peur, elle me révolte ! Être une femme ne devrait pas signifier marcher dans les rues avec la peur de rentrer chez soit, la nuit.

 

Alice, 19 ans, étudiante, Besançon 

Crédit photo Pixabay // CC0 Geralt

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1 réaction

  1. Moi aussi quand je rentre du travail je me fais suivre par des types parfois louches mais j’ai du répondant sauf que cela s’appelle du harcèlement de rue… Il faut pas hésiter à signaler si on est en insécurité.

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